Cannabis: un an après le délire
La récente ascension des actions liées au secteur est surtout due à la perspective de voir s’imposer le cannabis comme produit de substitution à l’alcool. Plusieurs producteurs planchent désormais sur les premières boissons au cannabis.
Les entreprises liées au cannabis n’ont pas échappé aux effets de mode, l’an dernier. Ainsi Tilray, qui produit des médicaments à base de cannabis, avait-elle fait en août son entrée sur le NYSE au prix de 20 dollars par action, pour atteindre 165 dollars deux mois plus tard et tomber à 24 dollars aujourd’hui. Entre la mi-août et la mi-septembre 2018, les titres du secteur ont fait un bond de 38% environ. La correction était donc inévitable, même si le cannabis est sans doute un marché de forte croissance. Mais celle-ci ne sera pas linéaire, à cause notamment des cas récents d’indisposition parmi des utilisateurs de cigarettes électroniques permettant de vapoter du cannabis.
Répandue
Le cannabis, dénomination latine du chanvre, est dérivé de la plante Cannabis Sativa. Les sommités de la fleur femelle sont séchées puis effritées pour obtenir la marijuana, ou beuh (“herbe”, en verlan). Comprimer la résine de la plante en blocs ou plaquettes permet d’obtenir du haschisch (shit). Le cannabis est généralement mélangé à du tabac puis roulé en cigarette, nommée joint, dont les effets sont immédiats. Chaque plant contient 500 matières chimiques, mais le composant le plus important est le tétrahydrocannabinol (THC). L’on trouve 85 autres cannabinoïdes encore, et c’est le rapport entre le THC et divers autres agents actifs qui détermine l’effet obtenu.
Les Nations unies ont estimé à 294 millions le nombre de consommateurs de drogue dans le monde en 2015, dont 183 millions (62%) d’utilisateurs de cannabis; soit 3,8% de la population mondiale, contre 3,4% vers l’an 2000. Selon la même source, 22% des consommateurs de cannabis vivent en Amérique du Nord et 16%, en Europe. Si le marché mondial est évalué à près de 200 milliards de dollars, le circuit légal ne pèse que 20 milliards de dollars – un rapport qui pourrait toutefois être remis en question.
Légalisation
Le cannabis est illégal presque partout dans le monde. Mais un nombre croissant de pays établissent une distinction entre drogues douces (cannabis) et drogues dures (cocaïne, héroïne, etc.), car il est de plus en plus question de légaliser l’une ou l’autre forme de consommation. En 2014, cinq nations à peine autorisaient l’usage du cannabis. Aux Etats-Unis, celui-ci reste interdit au niveau fédéral, mais certains Etats l’admettent à titre récréatif et un peu moins de 50% des Etats en acceptent la consommation médicale. D’après un récent sondage, 64% des Américains sont partisans d’une légalisation, contre 25% il y a 20 ans. Pour les spécialistes, la tendance va s’accentuer et le cannabis pourrait être totalement légalisé en Amérique du Nord, dans une majorité de pays européens, en Amérique latine et en Océanie dans dix ans. Pour l’Asie et l’Afrique, ce serait encore trop tôt.
Alcool
La plupart des autorisations ne portent que sur un usage thérapeutique du cannabis. Il faut dire que de nombreuses études démontrent l’action curative de certains cannabinoïdes, par exemple dans la lutte contre la douleur, les spasmes musculaires, et autres. Des recherches sur le cancer, l’autisme, la sclérose en plaques, le diabète, etc., sont également en cours. La multiplication des applications et autorisations médicales constitue un premier pôle de croissance.
Mais la récente ascension des actions liées au secteur est surtout due à la perspective de voir s’imposer le cannabis comme produit de substitution à l’alcool. Plusieurs producteurs planchent sur les premières boissons au cannabis, qui auront les mêmes effets que l’alcool, sans certains de ses inconvénients (lendemains difficiles, interaction avec les médicaments, calories, etc.). Constellation Brands a conclu une transaction de grande ampleur avec Canopy Growth, le leader sur ce marché; le géant des boissons a ce faisant porté sa participation de moins de 10% à 30%, devenant ainsi le plus grand actionnaire de Canopy. AB InBev a signé avec Tilray un partenariat dans le domaine de la recherche. Même The Coca-Cola Company étudie, en collaboration avec Aurora Cannabis, le numéro 2 du secteur, la possibilité de produire une boisson non alcoolisée à base de cannabis.
Canada
L’une des principales raisons pour lesquelles le cannabis compte désormais parmi les thèmes d’investissement est la décision prise à l’automne 2018 par le gouvernement canadien d’en autoriser aussi l’usage récréatif et d’en organiser la vente dans des boutiques agréées, pour en obtenir des recettes fiscales. Cette décision élargit évidemment considérablement le potentiel commercial du cannabis. Le fait que le Canada a légalisé le produit à des fins médicinales dès 2001 explique pourquoi l’industrie est, en Bourse, presque entièrement dominée par des entreprises canadiennes.
L’on distingue trois catégories d’entreprises actives sur le marché du cannabis légal:
Les producteurs mondiaux: les grands acteurs, qui cultivent et revendent massivement des plants, sont principalement d’origine canadienne. Le numéro 1 absolu sur ce marché est Canopy Growth, mais nous citerons également Aurora Cannabis et CannTrust.
Les entreprises biopharmaceutiques/biotechnologiques, qui développent les composants chimiques utilisés dans les applications médicales. Les leaders sont Tilray et GW Pharmaceuticals, entre autres.
Les sous-traitants: entreprises spécialisées dans le conditionnement du cannabis, les serres, les engrais, etc., un segment que Scotts Miracle-Gro domine très largement.
Stratégie
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