Investir autrement: les courtiers séduisent les petits investisseurs, les banques en retrait
Aujourd’hui investir de petites sommes est autorisé par de plus en plus de courtiers. Cette façon de procéder présente l’investissement périodique dans les ETF comme une sérieuse alternative à l’épargne-pension. Pourtant, selon une enquête menée auprès de plusieurs banques, l’épargne-pension n’a rien perdu de sa superbe et est toujours aussi populaire.
Il y a un an, nous évoquions un (possible) avenir où investir coûterait moins et serait plus simple, alors que les courtiers belges faisaient face à une concurrence croissante des hard discounters étrangers. Depuis, les évolutions ont été notables. Saxo Bank a drastiquement réduit ses frais de transaction en bourse, et cette semaine, Keytrade Bank a également baissé ses tarifs pour les petits ordres. Bolero, pour sa part, avait déjà réduit les frais pour les petits ordres sur une sélection de fonds cotés et d’ETF dès l’été 2023.
Bolero va même encore plus loin que ses concurrents dans la simplification des investissements. Cette plateforme, appartenant au groupe KBC, propose une possibilité d’investissement périodique automatisé dans des ETF. Concrètement, il est possible de programmer l’achat récurrent d’une ou plusieurs parts d’ETF. Une fois les paramètres définis – fréquence, montant et choix des trackers –, l’investisseur ne doit plus à intervenir.
De son côté, Saxo Bank offre un service similaire, AutoInvest, pour les comptes néerlandais, permettant un investissement périodiquement mensuel. Toutefois, ce service n’est pas encore disponible pour les comptes belges.
Petits ordres, peu de frais
La plupart des jeunes investisseurs se satisfont de pouvoir déjà mettre de côté un modeste montant chaque mois. Leur objectif est de faire fructifier immédiatement leurs économies sur les marchés financiers. Cependant, quelle est la réelle rentabilité d’un investissement de 250 euros si 25 euros – soit 10 % de la somme – sont directement absorbés par les frais de courtage ?
En réponse à cette question, Keytrade Bank a introduit un tarif spécifique pour les ordres jusqu’à 250 euros. La banque en ligne fixe les frais de courtage pour ces ordres sur Euronext Bruxelles, Paris et Amsterdam à 2,45 euros, soit 5 centimes de moins que Bolero. Toutefois, cette réduction s’applique uniquement aux actions et ETF cotés sur ces trois marchés.
Bolero, de son côté, propose un tarif de 2,50 euros, « quelle que soit la place de cotation », pour les ETF inclus dans sa « ETF-Playlist ». Cette sélection regroupe une cinquantaine de trackers parmi les plus échangés chez Bolero, et cotés sur les marchés d’Amsterdam, Paris, Francfort, Londres et Milan. Pour les trackers hors de cette sélection ou pour les actions, les investisseurs doivent s’acquitter de 7,50 euros de frais pour les ordres jusqu’à 2.500 euros sur les bourses Euronext.
Toutes les bourses ne se valent pas !
Sur les marchés de Francfort et Milan, Keytrade Bank reste plus cher, appliquant un tarif uniforme de 24,95 euros pour les ordres jusqu’à 50.000 euros. Pourtant, selon le site de Xetra, la plateforme gérée par la Bourse de Francfort, aucune autre place en Europe ne propose autant d’ETF, et elle affiche le plus haut volume d’échanges. Acheter des ETF sur une bourse très liquide peut offrir l’avantage d’un écart réduit entre le prix d’achat et le prix de vente.
Keytrade n’est pas plus compétitive que Saxo Bank, qui a revu ses tarifs en avril 2024. Chez Saxo, les investisseurs peuvent désormais négocier des ETF cotés sur les bourses néerlandaises ou françaises pour seulement 2 euros, avec un taux de 0,08 % et un minimum de 2 euros. Ainsi pour une transaction de 3.000 euros en actions ou ETF sur une bourse Euronext, les frais s’élèvent à 2,4 euros. En revanche, pour les ETF cotés sur Xetra ou Borsa Italiana, les frais minimums sont légèrement plus élevés, à 3 euros. Dans la plupart des cas, Saxo s’impose comme l’acteur le moins cher parmi les trois principaux courtiers en ligne belges.
Avec l’amélioration des services, des trois principaux courtiers en ligne du pays, destinés aux petits investisseurs, les Belges n’ont plus besoin de se tourner vers des plateformes étrangères pour investir à moindre coût, y compris pour des investissements périodiques. Un avantage non négligeable, car passer par des plateformes étrangères présente quelques inconvénients. Les comptes détenus à l’étranger doivent être déclarés au Point de Contact Central (PCC) de la Banque Nationale de Belgique ainsi que sur la déclaration fiscale. Par ailleurs, la plupart des courtiers étrangers ne prélèvent pas la taxe sur les opérations de bourse (TOB) et ne la reversent pas au fisc belge. Cela oblige les investisseurs à soumettre un formulaire de déclaration tous les deux mois et à effectuer eux-mêmes le paiement des taxes dues.
Aucune diminution des frais pour l’épargne-pension
L’épargne-pension est souvent considérée comme une porte d’entrée vers les investissements en bourse. En Belgique, elle bénéficie d’un incitant fiscal avec une réduction d’impôt de 30 % sur chaque tranche de versement jusqu’à 1.050 euros. Cependant, il n’est pas possible d’investir directement dans un ou plusieurs ETF via l’épargne-pension, mais certains fonds d’épargne-pension placent une faible partie de leurs actifs dans des ETF. En revanche, via un contrat d’assurance de type branche 23, les épargnants peuvent allouer l’intégralité de leur épargne dans un ETF, bien que cette option soit encore très peu utilisée en Belgique. La majorité des assurances épargne-pension relèvent du type branche 21, offrant un rendement faible, mais garanti, avec une possibilité de participation aux bénéfices.
Certains influenceurs financiers (finfluencers) déconseillent l’épargne-pension en raison de ses coûts élevés et de ses rendements jugés trop faibles. Cette critique n’est pas totalement infondée. En 2024, le rendement moyen des fonds d’épargne-pension s’élevait à un peu plus de 5 %, après déduction des frais de gestion. Cela signifie que plusieurs fonds ont généré un rendement inférieur au rendement fictif de 4,75 % pris en compte par le fisc belge pour les versements effectués depuis 1992 (et de 6,25 % pour ceux réalisés avant cette date).
En effet, à l’âge de 60 ans, le fisc perçoit un impôt final de 8 %, basé non pas sur le rendement réel, mais sur un rendement fictif des versements. Dans les années de forte performance boursière, cela signifie qu’une partie des gains reste exonérée d’impôt. Mais dans les années moins favorables, l’investisseur peut être taxé sur des rendements qu’il n’a pas réalisés. Pour les assurances de type branche 21, seuls les rendements garantis sont imposés, à l’exclusion des participations bénéficiaires.
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L’épargne-pension reste populaire
Selon une étude de la FSMA, le régulateur financier, depuis 2021, ni les frais d’entrée ni les frais de gestion des fonds d’épargne-pension n’ont diminué. À l’inverse, les coûts pour les investisseurs en ETF ont significativement baissé. Malgré cela, l’épargne-pension reste populaire, comme le confirment les banques belges. “Une valeur sûre”, déclare Crelan. Chez Argenta également, l’intérêt pour l’épargne-pension a été confirmé en 2024.
Chez Belfius, le nombre de nouveaux comptes d’épargne-pension ouverts en 2024 a presque doublé par rapport à 2023. Le porte-parole attribue cette hausse, entre autres, à une offre cashback en cours jusqu’à fin février. À l’inverse, BNP Paribas Fortis a enregistré une légère baisse des nouveaux contrats. Un porte-parole de la plus grande banque belge souligne : “Contrairement aux fonds d’épargne-pension, les ETF permettent d’investir sans restriction à l’échelle mondiale et à 100 % en actions, ce qui a été plus rentable ces dernières années. Mais cela n’est en rien une garantie pour l’avenir.”
Plan d’action pour épargner périodiquement avec des ETF
1. Vérifiez les frais via le ratio total des frais (Total Expense Ratio, TER).
Assurez-vous que ces frais ne soient pas supérieurs à ceux d’autres ETF comparables.
2. Choisissez un ETF actions qui ne distribue pas de dividendes (accumulatif).
Sur les dividendes, une taxe de 30 % est appliquée. En revanche, les plus-values réalisées lors de la vente sont exonérées d’impôt. Pour les ETF obligataires, la plus-value est également taxée à 30 %.
3. Vérifiez les frais appliqués par votre courtier selon la bourse où l’ETF est coté.
Il est possible que l’ETF soit également coté sur une autre place boursière avec des frais moins élevés.
4. Assurez-vous du lieu d’enregistrement de l’ETF.
Pour les ETF accumulatifs enregistrés dans l’Union européenne, mais hors de Belgique, la taxe sur les transactions boursières (TOB) est la plus basse, soit 0,12 % sur les achats et les ventes.
5. Privilégiez les ETF dont le code ISIN commence par IE (Irlande) ou LU (Luxembourg).
Ces deux pays bénéficient de conventions fiscales avec les États-Unis, permettant aux ETF d’y verser moins d’impôts.
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