Le “carry trade” a cassé les marchés financiers et reste une menace: de quoi s’agit-il?
Lundi dernier, la crainte d’une récession aux États-Unis a fait plier les marchés, qui, on le sait aujourd’hui, ont largement surréagi. Mais ce n’est pas la seule explication : plusieurs raisons techniques ont causé du tort, dont le fameux “carry trade” du yen, qui s’est fait un nom dans les places financières.
Vous le savez, c’est un mauvais rapport sur le marché de l’emploi américain qui a fait déborder le vase. Il montrait, croyait-on, le début d’une inévitable période de récession, déclenchant même la “règle de Sahm”. D’autant que d’autres indicateurs comme la consommation montraient, eux aussi, des signes de faiblesse.
Or, le consommateur américain, c’est un peu celui qui tire toute l’économie mondiale à bout de bras, face à une Chine qui déçoit et une Europe qui passe à peine la tête hors de l’eau. Le coupable était tout trouvé : la Réserve fédérale américaine (Fed) aurait levé ses taux bien trop haut pour refroidir l’économie américaine en proie à l’inflation, et surtout, elle tarderait trop à les diminuer.
Entre le 1er et le 5 août, jour du krach, le S&P 500 lâchait 7%, le Nasdaq plus de 10%, le CAC 40 et le Bel 20 environ 6%. Mais la pire performance provenait du Japon, dont le Nikkei s’écroulait de 12% lundi dernier, sa pire performance de tous les temps. Et de 20% en 5 jours.
Restez yen !
D’autres raisons plus techniques ont été avancées pour expliquer ce recul général. À commencer par la période d’été. Les marchés sont plus calmes, étant essentiellement alimentés par des programmes algorithmiques qui ont tendance à exagérer les mouvements.
Mais lundi, l’élément déclencheur portait un nom qui est désormais sur toutes les lèvres : le “carry trade”. Mais de quoi s’agit-il ? En français, c’est la stratégie de portage. Elle consiste à emprunter des devises dans un pays où les taux sont très bas pour les investir dans un pays où les taux sont très hauts. En l’occurrence : le Japon et les États-Unis, le yen et le dollar.
Étant confrontée, historiquement, à un problème de désinflation, la Banque du Japon (BoJ) a longtemps gardé ses taux d’intérêt en territoire négatif, ce qui a poussé de nombreux investisseurs à emprunter en yen. De l’autre côté, on retrouvait les États-Unis, dont l’accès au dollar se compliquait à mesure des coups de boutoir de la Fed, qui a poussé ses taux d’intérêt jusqu’à 5,50%. Cette situation a provoqué de multiples “carry trade” sur le yen. Le différentiel de taux rapportait aux investisseurs un rendement de près de 10% depuis le 1er janvier. Le tout, avec très peu de risques.
Vent de panique
Mais le 31 juillet, patatras. À la surprise générale, la Banque du Japon annonce remonter ses taux d’intérêt de 0,25% pour enrayer la chute du yen par rapport au dollar. La devise japonaise grimpe alors de 7,5% face à la devise américaine. Le lendemain, la Fed, confirme, à demi-mot, qu’elle pourrait finalement baisser ses taux d’intérêt en septembre. Résultat : la différence de taux se réduit, ce qui provoque des premières pertes pour les “carry-traders”.
Mais le mouvement gagne en ampleur. En cause, les appels de marges des courtiers, qui exigent de leurs clients une augmentation des dépôts comme garantie pour couvrir leurs pertes. L’effet boule de neige est lancé : les investisseurs sont forcés d’acheter du yen, ce qui fait grimper la monnaie japonaise, ce qui provoque d’autres appels de marges.
Et pour acheter du yen, les investisseurs doivent vendre leurs actifs, dont des actions, ce qui a déclenché krach boursier, en particulier au Japon, sur le Nikkei
Ce n’est pas terminé
Très volatils, les marchés se sont relativement calmés depuis le début de semaine dernière. Mais il resterait de nombreuses positions de “carry trade” sur le yen. Environ 25%, selon JP Morgan. Mais UBS parle de 50% de positions restantes, pour une valeur de plusieurs milliards de dollars.
Donc si la Fed décide comme prévu de baisser ses taux en septembre, et si la BoJ continue de les augmenter et que le yen venait à augmenter, une nouvelle panique pourrait gagner les investisseurs. Bref, le “carry trade” n’a peut-être pas fini de faire des vagues.
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