Comment réagir aux chutes en bourse ? Les conseils de Grégory Guilmin

Grégory Guilmin. "Investir 100 % de ses économies dans des ETF constitués d’actions peut s’envisager dans la mesure où les jeunes ont souvent un horizon d’investissement de plusieurs décennies." © Hatim Kaghat

La bourse a fortement chuté ces derniers jours. Comment les investisseurs, en ETF indiciels notamment, peuvent-ils réagir ? Le point sur la situation avec Grégory Guilmin, coach boursier.

Après les annonces des nouveaux droits de douane de Trump, la bourse a lourdement chuté. Des baisses de 5% environ se sont enchaînées pendant plusieurs jours, en Europe comme aux Etats-Unis. Les cours sont à nouveau dans le vert ce mardi, mais le marché reste très volatil… et très en deçà de son niveau d’avant tempête.

Cela peut naturellement avoir un impact sur les investisseurs, en particulier les débutants qui investissent dans des fonds indiciels ou des ETF. Entre panique, ventes précipitées pour limiter les pertes ou achats impulsifs dans l’espoir de réaliser de bonnes affaires, les réactions peuvent être nombreuses. Mais comment réagir au mieux dans de telles circonstances ? Nous avons posé la question à Grégory Guilmin, Docteur en Finance et coach boursier indépendant.

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Trends-Tendances : Ces chutes ont de quoi inquiéter les investisseurs. Sont-elles normales ?

Grégory Guilmin : « Le marché est effectivement très volatil. Pour la petite histoire : jeudi et vendredi derniers ont constitué la période de deux jours de baisse la plus importante depuis 2008. Le S&P 500 a chuté de 10,5 %. Ce lundi, à mon avis, une nouvelle baisse de 4 à 5 % était envisageable, au vu de ce qui se passait en Europe. Cela aurait alors représenté la pire séquence de trois jours depuis 1929. »
(L’interview a eu lieu lundi en début d’après-midi. Le S&P 500 a finalement clôturé ce jour-là sur une baisse de 0,23 %, NDLR.)

« Cette chute sur deux jours reste donc particulièrement brutale. Mais la volatilité fait partie intégrante de l’investissement en bourse. Il existe des phases de baisse plus ou moins marquées, et il faut l’accepter. L’année 2022, par exemple, s’est traduite par une chute de 20 % pour le S&P 500. Entre le 19 février 2020 et le 23 mars 2020, l’indice a perdu 34 %, soit la baisse la plus rapide de l’histoire. Et entre octobre 2007 et le 5 mars 2009, il s’est effondré de 55 %. »

« Depuis 1900, on a recensé 37 krachs boursiers. Par définition, un krach boursier correspond à une baisse d’au moins 20 % entre un sommet et le point bas qui suit. Une baisse comprise entre 10 et 20 %, c’est ce que j’appelle une correction boursière. En moyenne, ces krachs surviennent tous les trois ans et demi. Leur durée est d’environ dix mois, pour une baisse moyenne de 36 %. Actuellement, pour le S&P 500, nous sommes proches des -20 % par rapport au sommet du 19 février, selon les chiffres de vendredi soir. »

Quels conseils pouvez-vous donner aux investisseurs ?

« Le premier conseil, c’est de rester calme. Pourquoi ? Parce que les indices comme le S&P 500, le MSCI Europe ou le MSCI World sont diversifiés. Historiquement, après chaque chute, le marché a rebondi. Les actions remontent à long terme. Mais il faut être patient parce que parfois cela peut prendre quelques mois, parfois des années – voilà le deuxième conseil, c’est d’être patient.

Pourquoi rester patient ? Depuis la création de l’indice MSCI World, 95 % des périodes de dix ans ont un rendement annualisé positif. Si on prend des périodes de 20 ans, on voit que depuis 1960, le MSCI World avait un rendement annualisé positif à 100 %. Alors les performances passées ne préjugent pas des performances futures, bien entendu. Mais au plus on est patient à long terme, au plus la probabilité d’avoir des rendements positifs est grande, in fine.

Un troisième conseil que je pourrais donner, c’est essayer de ne pas prédire la Bourse. Beaucoup d’investisseurs pensent maintenant que le marché va encore chuter de 20, 30 ou 40 %. Je me souviens très bien qu’en 2020, au début ou même au milieu de la chute, beaucoup pensaient que le marché pouvait chuter de 30, 40 ou 50 % de plus. En fait, ma conviction, c’est que personne n’en sait rien. De 1985 à 2024, pour le S&P 500, 50 % des meilleurs jours en Bourse arrivent durant un marché baissier et 28 % des meilleurs jours en Bourse arrivent dans les deux mois qui suivent le début du marché haussier. Ma conviction par rapport à cela, c’est que je n’ai aucune compétence pour savoir dire quand est-ce que le marché va remonter. Ma conviction, c’est “oui, il va remonter”. Mais cela ne sert à rien d’essayer de prédire quand… Ce qui est certain, c’est que c’est après les turbulences importantes que, généralement, le printemps et l’été reviennent sur les marchés financiers. La Bourse, c’est un peu comme les saisons. Pour avoir les meilleurs joueurs en Bourse, il faut passer par les pires. »

Un autre conseil que j’aurais envie de donner, c’est le plus grand ennemi, c’est nous-mêmes. Ce sont nos émotions. Le plus grand danger, quand on voit son portefeuille chuter, c’est de se dire “je n’en peux plus, je vends”. Parce que si je vends, je fais deux choses. Premièrement, je réalise une moins-value et j’acte la perte. Deuxième point important, c’est qu’en vendant, à perte, je risque de mettre dans mon cerveau une émotion négative liée à la bourse et je ne vais plus investir. C’est pour cela que je dis que les émotions sont extrêmement destructrices de valeur en bourse. Il faut être capable de faire le dos rond.

Le conseil suivant, c’est de ne pas regarder son portefeuille tous les jours. Cela risque d’apporter de la peur, et nos émotions pourraient prendre le dessus et nous pousser à tout vendre. C’est pour cela qu’il faut vraiment être capable de pouvoir prendre du recul par rapport à la situation. Il faut se rendre compte que finalement, les crashs boursiers, cela arrive tous les trois ans et demi et c’est tout à fait normal. C’est la caractéristique que les marchés financiers fonctionnent bien puisque s’ils ne faisaient qu’augmenter de manière linéaire, il y aurait une certaine exubérance.”

Lors de chutes en bourse, les investisseurs se demandent souvent si c’est l’occasion d’acheter des actions au rabais, ou s’il ne faut “jamais attraper un couteau qui tombe”. Quelle est votre position, par rapport aux chutes actuelles des cours ?

“Plutôt la première école. C’est justement le dernier conseil que j’allais donner. Pour les personnes qui ont encore du cash, au-delà de leur épargne de précaution bien sûr, c’est peut-être une bonne opportunité d’en investir durant ce crash boursier. On peut profiter des soldes : les actions américaines valent 25% de moins que fin février et les actions européennes valent 20% de moins qu’il y a quelques semaines. Alors oui, il y a un facteur de chance qui joue. On ne sait pas quand la chute s’arrêtera, elle pourrait encore continuer après notre investissement. Mais cela reste une opportunité… Est-ce que demain les entreprises vont faire faillite ? Non, je ne pense pas. Il va y avoir des discussions entre beaucoup de pays. Il y a déjà une cinquantaine de pays qui ont contacté les États-Unis pour négocier et essayer de faire en sorte d’avoir des accords de libre-échange. Les entreprises vont s’adapter.

Mais si on veut acheter, je rappelle mes conseils habituels. D’abord, définir sa tolérance à la volatilité. Parce que la bourse peut encore chuter, donc il faut avoir du courage pour réinvestir maintenant. Puis investir pour minimum dix ans, et l’épargne de précaution doit être établie. Voilà pour les fonds qui suivent les indices boursiers. Pour les actions individuelles, je suis plutôt d’accord avec l’idée de ne pas essayer d’attraper un couteau qui tombe.”

Et pour les investisseurs qui placent une somme fixe tous les mois et qui peuvent hésiter à appuyer sur pause le temps des chutes, que leur conseillez-vous ?

“Quand on investit tous les mois une partie de son salaire, c’est que notre épargne de précaution est constituée et qu’on est capable d’investir tous les mois, qu’il vente, qu’il pleuve ou que le soleil brille sur les marchés financiers. Si on met en place un plan où on investit tous les mois, c’est qu’on est capable de vivre avec la volatilité. On investit pour minimum dix ans. 2023 a été une année exceptionnelle en bourse, tout comme 2024. Mais cette année est une année plus difficile. Mais ce n’est pas grave, la volatilité fait partie de l’équation. Et justement, si on a du cash tous les mois pour réinvestir une partie de son salaire, autant le faire parce que tous les mois, on achète alors pour un petit peu moins cher.

Mais psychologiquement, il faut être capable. Imaginez que la chute dure pendant 12, 18 ou 24 mois… C’est assez désagréable comme sensation et en même temps, c’est la seule solution, si on veut profiter des meilleurs jours. Si on veut de la rentabilité à long terme, il faut avoir être capable d’accepter la volatilité. Le couple rendement et volatilité/risque est un couple qui ne divorcera jamais. Mais encore une fois, on investit l’argent dont on n’a pas besoin au minimum durant dix ans et on investit dans des produits d’investissement en fonction de sa tolérance à la volatilité.”

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