Un fonds suédois booste le marketing digital wallon
Un groupe d’un peu plus de 200 personnes en Wallonie spécialisé en marketing digital. Voilà le résultat de la discrète reprise de la scale-up Qualifio par le wallon Actito, téléguidé par un acteur suédois… financièrement soutenu par Wallonie Entreprendre. Explications.
Après 10 années de développement et de croissance, la scale-up spécialisée dans la qualification d’audience en ligne Qualifio se cherchait un “nouveau souffle dans un cadre plus large, plus international”, admet Olivier Simonis, fondateur de la firme.
Comme la plupart des jeunes pousses ambitieuses désireuses de maintenir leur croissance, la firme brabançonne allait chercher une nouvelle dynamique et… de l’argent frais. “Nous commencions notre processus de série B (après avoir levé 3 millions en 2018, Ndlr). Nous étions rentables et n’avions pas un besoin urgent de lever ou de trouver un acquéreur”, poursuit-il. Mais quand les discussions démarrent avec le fonds suédois de private equity QNTM, l’idée de s’adosser à un grand groupe commence à faire sens. Surtout que QNTM (qui fait partie d’Altor Digital initiative) vient de faire l’acquisition d’un autre acteur belge: Actito, société de 150 personnes qui propose un logiciel d’activation client et de marketing automation.
Les astres semblent s’aligner. En tout cas sur papier. D’abord pour les premiers investisseurs qui, depuis plus d’une décennie déjà, soutiennent Qualifio, et pour lesquels une “exit” ne serait pas désagréable. Parmi eux, le business angel Olivier Verdin (AppTweak, Wooclap…) ou encore le fonds flamand Volta Venture dirigé par Frank Maene qui arrive d’ici quelques années à son terme. La scale-up générant un revenu annuel récurrent (ARR) de 8 millions d’euros, majoritairement hors Belgique, était rentable. Et elle allait permettre de réaliser une plus-value pour les actionnaires en cas de revente de leurs parts.
Qualifio avant d’autres?
Ensuite, sous l’angle business, la reprise de Qualifio par QNTM serait totalement logique. Ce fonds de private equity aux poches profondes s’intègre pleinement dans la phase de consolidation du marché. Il veut en effet développer un groupe de marketing digital… dans lequel le belge Actito qu’il a repris l’année passée (en décembre 2022) jouerait un rôle important. QNTM veut s’imposer comme acteur européen qui compte dans les secteurs de l’adtech et du martech. D’autres acquisitions pourraient avoir lieu, en Belgique ou ailleurs.
En plus d’être voisins à Louvain-la-Neuve, Actito et Qualifio sont totalement complémentaires.
Enfin, Actito et Qualifio seraient totalement complémentaires… en plus d’être voisins à Louvain-la-Neuve. “Rapprocher ces deux entreprises est super intelligent, analyse Thibaut Claes, investment manager chez Wallonie Entreprendre qui suit le dossier. En effet, Qalifio permet de qualifier les internautes tandis qu’Actito peut ensuite les activer. La complémentarité est bel et bien là.”
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Forte de tous ces éléments, la reprise semblait donc logique. Et c’est d’ailleurs techniquement Actito qui a procédé à l’acquisition, à 100%, de Qualifio. Une reprise annoncée le mois passé dans une certaine discrétion médiatique. Actito qui est aujourd’hui propriété d’un holding suédois dans lequel QNTM est actionnaire majoritaire… au côté d’autres investisseurs, dont Wallonie Entreprendre et des actionnaires historiques de Qualifio, entre autres.
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En effet, le groupe suédois a créé un holding dans lequel était logée Actito. Et en marge de l’acquisition de Qualifio, une augmentation de capital du holding a été réalisée. Il nous revient que les actionnaires de Qualifio ont tous “remis au pot”, mais dans une mesure très modeste, à l’exception du fonds public Wallonie Entreprendre (WE). Ce dernier, qui avait injecté 1,5 million dans Qualifio (et avait soutenu Actito également), aurait injecté 10 millions d’euros sous différentes formes (capital et prêt) dans la nouvelle structure suédoise.
Certains s’étonneront sans doute qu’un fonds public belge investisse dans une structure suédoise. Si c’est de plus en plus régulier dans l’univers de l’investissement start-up, “on joue pleinement notre rôle de fonds public”, insiste Thibaut Claes: “Nous avons augmenté notre exposition dans ces entreprises car l’important, dans l’opération, est que l’on dispose actuellement en Wallonie d’un groupe de 230 personnes qui réalise un ARR de 25 millions d’euros”. Techniquement, WE a réalisé une plus-value (non dévoilée) sur son précédent investissement dans Qualifio mais a tout réinvesti dans la nouvelle structure dont le fonds wallon est le deuxième plus gros actionnaire aujourd’hui.
Concrètement, Qualifio et Actito resteront des entités séparées avec des noms et des équipes distinctes. En toute logique, adossée à Actito et à QNTM, Qualifio va pouvoir continuer sa croissance et son développement stratégique. D’abord, au niveau des produits, la scale-up néo-louvaniste pourra continuer d’imposer sa solution “fidélité”. De fait, alors qu’elle est restée mono-produit pendant quasi neuf ans, elle a développé un produit de fidélisation et de loyauté à côté de son core business. Ce dernier s’est structuré autour de la récupération de la donnée auprès des internautes via des concours, quiz, sondages, enquêtes, tests de personnalité, jeux marketing, etc. Dans un premier temps pour le secteur des médias, son point de départ. Aujourd’hui encore, Qualifio aide les groupes médias (qui constituent quasi 40% de son business) mais travaille avec de grands comptes comme Nestlé ou d’autres géants dans le FMCG.
International
Ensuite, Qualifio mise sur l’international, qui représente d’ores et déjà la majorité de son activité. Mais des Etats comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les pays nordiques sont des marchés “lents”: “on ne signe pas des clients en trois ou six mois, on doit s’inscrire dans la durée”, insiste Olivier Simonis qui se réjouit de préciser que Qualifio a signé le Bayern Munich. Tant Actito (qui a une présence dans cinq marchés étrangers dont le Royaume-Uni) que son nouvel actionnaire de référence devraient l’y aider. Et d’évoquer un récent congrès de QNTM réunissant une centaine de marketers nordiques que Qualifio n’aurait pu approcher si aisément sans son acquéreur. Sur papier, l’histoire commence bien…
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