Carte blanche
Uber à Bruxelles et Moyen-Age règlementaire
Si la décision d’appliquer strictement la règlementation encadrant la location de véhicule avec chauffeur s’explique. On comprend mal pourquoi, après 5 années d’immobilisme, la Région bruxelloise en vient à le faire et n’a toujours fait accoucher son “Plan taxi”…
Cela fait quelques jours que le microcosme du transport bruxellois est en émois. La Région bruxelloise a, en effet, sorti une note réaffirmant les principes d’une ordonnance de 1995 et qui, dans les faits, interdit aux chauffeurs Uber… d’utiliser leur smartphone. Cela revient donc très clairement à interdire Uber à Bruxelles.
Cette “décision” sort de nulle part puisque ni la règlementation bruxelloise ni le système mis en place par la firme américaine n’a changé.
En réalité, la Région réagit… avec presque 6 années de retard. En effet, depuis le lancement d’UberX dans notre capitale, la firme justifie son service en se basant sur la législation qui concerne la “location de véhicule avec chauffeur”. Celle-ci prévoit, entre autres règles, que non seulement les chauffeurs disposent (à bord du véhicule) d’un contrat de 3 heures (ou de 90€) avec leur client. Mais aussi, qu’à bord du véhicule, il n’existe aucun moyen d’appareils émetteur ou récepteur de radiocommunication…
Cette réglementation permettait aux autorités de laisser aux taxis le monopole de la réservation instantanée de courses (par téléphone via le dispatching) tout comme ils ont l’exclusivité de pouvoir prendre des clients à la volée. Une contrepartie à la licence qu’il paient aux autorités pour pouvoir exister. Cette ordonnance permettait, donc, de bien faire la part des choses entre le métier de taxi et celui de chauffeur (LVC location de véhicule avec chauffeur).
Mais quand Uber a été contrainte d’arrêter son service UberPop permettant à des particuliers de “jouer les chauffeurs”, elle a lancé UberX (sept 2015) en faisant passer son service comme de la location de véhicule avec chauffeur. Déjà à l’époque (2015) nous nous étonnions de ce mécanisme dans notre article “Ciel, ma limousine est un taxi “. La firme américaine n’avait, à l’époque, pas vraiment voulu expliquer son tour de magie. Mais le dossier, géré par Pascal Smet, devait alors se débloquer via un “Plan taxi”, comprenez une nouvelle règlementation qui tiendrait compte des nouvelles évolutions sur le marché du transport de personnes et notamment, les systèmes de type Uber, Heetch, etc. C’était bien en 2015.
Depuis,… rien. Taxis et Uber ont continué de coexister dans le mépris mutuel, à coup de procès, d’insultes et parfois de blessures… Nos politiques bruxellois n’ayant jamais réussi à mettre tout le monde d’accord, rien n’a été fait pour harmoniser les statuts, trouver des solutions pour permettre à chacun de “jouer à armes égales” comme le réclament les taxis depuis des années. Ces derniers continuent, bien sûr, de reprocher -dans les grandes lignes- à Uber de casser le marché en faisant appel à des indépendants et en détournant une législation qui ne s’applique pas parfaitement à son activité. De son côté, Uber pointe le “scandaleux” monopole du secteur du taxi qui “n’offre pas un bon service”.
Alors, aujourd’hui, ce qui peut choquer n’est pas seulement l’application stricte, après plus de 5 années de silence radio, d’une règlementation. Car, c’est vrai, on voit mal comment le système Uber peut vraiment justifier de la respecter. Ce qui dérange, c’est plutôt une sortie inattendue et unilatérale de la Région bruxelloise, alors qu’elle aurait dû régler la question depuis des années. C’est l’immobilisme ou le manque de détermination politique qui dérange. C’est le jeu politique malsain des partis qui n’ont pas pu se mettre d’accord, en plus de 5 ans, pour adapter une réglementation moyenâgeuse. Quand on se trouve sur un marché de plusieurs milliers de chauffeurs, comment peut-on justifier de laisser un tel flou juridique ? Car, évidemment, derrière l’application comme derrière le volant, il y a des Bruxellois dont c’est le métier. Qui ont choisi de (sur)vivre en transportant des passagers mais ne peuvent pas le faire, notamment par manque de disponibilité de licences de taxi. On ne parle pas d’un groupe de 20 personnes, mais officiellement de plus de 2.000 chauffeurs Uber !
Une fois de plus, notre capitale (et capitale de l’Europe) a laissé passer sa chance d’être à l’avant-garde et de se montrer proactive, transparente… et efficace !
Christophe Charlot
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