OpenAI vient de lancer aux États-Unis une nouvelle fonctionnalité baptisée “Shopping GPT”, qui permet d’acheter des produits via une simple conversation avec l’intelligence artificielle. Une offensive directe contre Google Shopping. Comment les marques peuvent-elles s’y préparer ?
C’est un nouveau coup d’éclat signé Sam Altman. Et un pavé de plus dans la mare du géant de la recherche en ligne, Google. De fait : OpenAI a récemment lancé aux États-Unis Shopping GPT, une fonctionnalité qui permet aux utilisateurs de formuler une requête d’achat en langage naturel, et de recevoir une sélection de produits accompagnée de liens vers les sites marchands. Une offensive frontale contre Google Shopping qui, lorsqu’un internaute recherche un produit sur son moteur de recherche, propose une série de liens agrémentés de photos, financés par les marques. Un service qui est intimement lié à Google Ads, le système de publicité de Google.
L’ambition d’OpenAI est simple : remplacer la recherche classique de produits par une expérience conversationnelle et logiquement plus “fluide”. L’utilisateur peut, en effet, poser une question précise (“Quel est le meilleur grille-pain pour une famille de quatre personnes ?”). Et l’intelligence artificielle apporte une réponse pertinente, contextualisée et documentée en recommandant les produits les plus adaptés. Et surtout… une invitation à aller acheter le produit sur le site du vendeur grâce à un lien cliquable.
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Mise en avant gratuite (pour l’instant ?)
À l’inverse du système Google Shopping, les résultats ne sont pas de la publicité : ils ne sont pas sponsorisés. En tout cas pour l’instant, mais pour combien de temps encore ? Comme pour la plupart des nouveaux services des grands acteurs du Net, ils sont lancés gratuitement pour les faire tester, les améliorer et lorsqu’ils fonctionnent bien, un mobile économique se met en place. Et il est plus que probable qu’OpenAI y voit une possible opportunité de monétiser son coûteux service d’IA. OpenAI dépense des sommes colossales pour développer et faire tourner ses modèles d’IA, qui reposent sur des infrastructures massives et onéreuses : data centers, serveurs, semi-conducteurs… Elle est régulièrement amenée à lever des fonds (6,6 milliards levés fin 2024 et une levée à 40 milliards en cours) puisque, malgré les abonnements mensuels qu’elle vend à une partie de ses utilisateurs, elle enregistre de lourdes pertes : 5 milliards de dollars de pertes en 2024.
Pour Hubert de Cartier, cofondateur de l’agence digitale belge Universem, il faut éviter les effets d’annonce. “Beaucoup annoncent la fin de la recherche en ligne et du SEO qui l’accompagne. Mais aujourd’hui, la part de marché de l’IA dans la recherche reste faible. On l’évaluait, voici quelques mois, à environ 0,25% seulement. Même si les choses évoluent très vite, on est encore loin d’un bouleversement complet. Et Google ne reste pas les bras croisés. De plus, ce sont surtout des utilisateurs très éduqués qui utilisent ChatGPT aujourd’hui. Et pas forcément pour le shopping.”
La fin des comparateurs en ligne?
Cependant, la tendance est là, et elle pourrait à terme redistribuer les cartes. “Cela pourrait marquer la fin des comparateurs en ligne, avance Hubert de Cartier. Si le consommateur peut poser directement sa question à ChatGPT et obtenir une réponse personnalisée et claire, il n’a plus besoin de consulter 10 sites internet pour comparer un grille-pain.” Une menace potentielle pour les plateformes traditionnelles… mais aussi une opportunité pour les marques qui sauront s’adapter. L’enjeu pour ces dernières est évident : être présent dans les suggestions de ChatGPT. Mais les places sont chères : “ChatGPT va souvent proposer trois, quatre ou cinq résultats seulement, précise l’expert. Si vous n’êtes pas dedans, vous êtes invisible.”
Et la logique de l’IA n’est pas celle du SEO (Search Engine Optimization) classique. Les experts du marketing digital développent désormais les bonnes pratiques du GEO pour Generative Engine Optimization. Ce domaine encore jeune s’impose petit à petit comme le prolongement naturel du SEO dans un monde où les réponses ne sont plus listées par des moteurs de recherche, mais générées par des modèles d’intelligence artificielle, synthétisées et limitées à quelques propositions. Il ne s’agit plus seulement d’aligner des mots-clés ou de répondre aux règles des algorithmes classiques de Google. Il faut désormais penser en termes de pertinence contextuelle et de compréhension sémantique. Comment s’assurer que sa marque ou son produit sera sélectionné par une IA lorsqu’elle génère une réponse à une requête complexe, posée en langage naturel ?
Du contexte en plus des mots-clés
“On s’éloigne des mots-clés pour aller vers une présence au bon moment, dans le bon contexte du parcours client, insiste Hubert de Cartier, d’Universem. Et la notoriété devient clé car l’IA va privilégier la réponse la plus probable… et pas la découverte. Contrairement à Google, qui permet un peu plus d’exploration, les IA génératives mettront en avant de grandes marques plutôt qu’une petite marque méconnue.”
À en croire l’expert, il devient donc essentiel de combiner performance digitale et branding, un duo trop souvent négligé dans les stratégies marketing. Autorité de marque, réputation en ligne, cohérence éditoriale et présence sur des sources fiables deviennent les nouveaux piliers de la performance. Pour les marques belges, cela implique de renforcer leur légitimité. Non seulement sur leur propre site, mais aussi à travers des contenus diffusés sur des médias crédibles, des forums ou des sites de recommandation. L’enjeu n’est plus de générer du trafic, mais de gagner la confiance de l’IA elle-même.
Pas encore disponible en Europe
Pour l’instant, Shopping GPT n’est pas encore disponible en Europe. Principalement pour des raisons de respect du RGPD. Mais son arrivée ne fait pas de doute, et les marques belges doivent s’y préparer. Certaines pistes existent déjà : “Dans une documentation technique, OpenAI explique comment soumettre un flux produit, détaille Hubert de Cartier. On peut y intégrer des prix, des images, des descriptions, etc.”
Shopping GPT n’est pas encore disponible en Europe. Principalement pour des raisons de respect du RGPD. Mais son arrivée ne fait pas de doute.
ChatGPT ne garantit pas que le produit apparaîtra. Mais c’est une première étape pour indiquer l’existence des produits aux modèles d’IA. “Les informations doivent être à jour et les photos de qualité, évoque Pierre-Yves Gillet, consultant au sein du cabinet de conseil en e-commerce Retis. Les algorithmes analysent les contenus textuels, les structures des fiches produits, mais aussi les illustrations. Les IA peuvent pénaliser des contenus de mauvaise qualité ou obsolètes.”
Il est également possible, dès aujourd’hui, de tester sa visibilité dans l’IA via des API ou des requêtes de type “quelle est la meilleure brosse à dents électrique pour des enfants de 6 ans ?”, etc. Une manière de cartographier sa présence et de savoir s’il faut ajuster sa stratégie de contenus. Car s’il n’est pas trop tard, mieux vaut démarrer dès aujourd’hui.