Salaires XXL et primes mirobolantes : la guerre des talents en IA s’intensifie

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Dans la course à l’intelligence artificielle, tous les coups sont permis. Certaines entreprises n’hésitent pas à miser sur des salaires et primes alléchants pour attirer les talents, quitte à les débaucher chez la concurrence. Mais elles n’ont pas toutes la même approche.

Les géants du secteur de l’IA ne se font pas la guerre uniquement sur la performance de leurs modèles. En coulisses, ils déploient des moyens financiers sans précédent pour attirer et retenir les rares ingénieurs et chercheurs capables de faire avancer la frontière technologique et écraser la concurrence. Meta, Google, Microsoft, OpenAI, Apple et Anthropic adoptent des stratégies différentes, mais toutes sont désormais confrontées à la même réalité : le marché des talents en IA est aussi tendu que stratégique.

Meta, championne de la surenchère

Le groupe de Mark Zuckerberg mène l’offensive la plus spectaculaire. Selon Bloomberg, Meta n’hésite pas à proposer des packages cumulant plusieurs millions de dollars sur plusieurs années pour débaucher des ingénieurs auprès de la concurrence. L’un des cas les plus emblématiques est celui de Ruoming Pang, figure de l’IA chez Apple, débauché avec une offre totale estimée à 200 millions de dollars, comprenant salaire, prime de signature et actions.

En un mois à peine, Meta aurait ainsi recruté quatre chercheurs en IA d’Apple et débauché Shengjia Zhao, architecte de ChatGPT chez OpenAI, pour son projet de “superintelligence”. Une agressivité qui n’est pas sans rappeler celle adoptée par Meta lorsque le métavers – totalement oublié aujourd’hui – était sur toutes les lèvres, mais qui reflète également la priorité stratégique accordée à l’IA générative par le groupe, qui entend accélérer face à OpenAI et Google.

OpenAI : la prime comme outil de fidélisation

Le leader du secteur, OpenAI met également la main au portefeuille pour sécuriser ses talents. La veille du lancement de GPT-5, son CEO Sam Altman a annoncé une révision à la hausse des rémunérations pour certaines équipes clés (ingénierie appliquée, développement, sécurité), afin de “refléter l’évolution du marché des talents en IA.”

Cette prime cible en priorité les chercheurs et ingénieurs logiciels spécialisés, notamment dans l’ingénierie appliquée, le développement et la sécurité, rapporte The Verge. “Nous avons la ferme intention de continuer à augmenter les rémunérations à mesure que l’entreprise progresse”, a précisé Sam Altman, alors qu’OpenAI vise une valorisation de 500 milliards de dollars.

Le montant alloué variera selon le poste et l’ancienneté, mais pourrait, pour les profils les plus stratégiques, atteindre plusieurs millions de dollars, selon le média américain.

Google : générosité plus discrète

Google et sa filiale DeepMind n’ont pas communiqué sur des montants aussi spectaculaires que Meta ou OpenAI. Néanmoins, selon plusieurs sources, les ingénieurs les plus talentueux ont bénéficié de primes de rétention de plusieurs centaines de milliers de dollars. Le groupe mise également sur d’autres leviers : prestige de la marque, ressources de calcul considérables, et liberté de publier dans des revues scientifiques, un atout qui séduit particulièrement les chercheurs.

Apple et Microsoft : des approches mesurées

Apple, malgré ses ressources financières colossales, ne semble pas engagée dans la même surenchère. Consciente de son retard dans l’IA générative, la firme de Cupertino devrait proposer des packages encore plus attractifs pour rivaliser, mais elle ne l’a pas fait, même après la perte de plusieurs profils stratégiques au profit de Meta.

L’entreprise à la pomme adopte une autre stratégie : elle souhaite renforcer ses équipes en rachetant une entreprise active dans l’intelligence artificielle. Autrement dit, elle préfère enrichir globalement son écosystème plutôt que sauver ou attirer des profils seuls.

Microsoft, pour sa part, ne multiplie pas les opérations de débauchage, du moins pas de manière aussi spectaculaire ni médiatisée que Meta, mais offre à ses ingénieurs maison des conditions très compétitives : salaires annuels pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers de dollars et packages globaux se chiffrant parfois en millions, notamment grâce aux actions.

Son partenariat stratégique avec OpenAI renforce également son pouvoir d’attraction et lui permet, d’une certaine manière, de prendre part à cette guerre des salaires qui, ne l’oublions pas, peut peser lourd sur les finances d’une entreprise, à mesure que les surenchères augmentent.

Anthropic : séduire par la mission

À l’autre bout du spectre, on trouve Anthropic. Fondée en 2021 par d’anciens employés d’OpenAI, la jeune pousse mise moins sur la surenchère salariale que sur sa culture d’entreprise. Positionnée sur la sécurité et l’usage responsable de l’IA, la start-up attire des profils motivés par l’éthique et l’impact de leurs travaux.

Par ailleurs, malgré sa taille plus modeste, elle développe son équipe d’ingénieurs plus rapidement que ses concurrents, selon une étude de SignalFire relayée par le Wall Street Journal. Un avantage qu’il faut tout de même remettre en perspective : il est plus facile de développer ses équipes lorsqu’on est de petite taille que lorsqu’on pèse aussi lourd que Meta ou Google. D’ailleurs, cet avantage et sa culture d’entreprise dont Anthropic est si fière n’ont pas empêché Meta de lui débaucher deux talents.

Une surenchère illimitée ?

Deux facteurs principaux expliquent l’inflation salariale actuelle. D’abord, la rareté : les experts capables de concevoir et déployer les architectures les plus avancées se comptent en milliers, à l’échelle mondiale. Pour surpasser la concurrence, certaines entreprises misent sur ces profils rares et multiplient les arguments financiers.

Ensuite, l’effet domino : lorsqu’un acteur offre un package exceptionnel, ses concurrents sont incités à s’aligner pour éviter les départs. Logique que tous les acteurs ne suivent pas.

En réalité, en dehors des montants exorbitants mis dans la balance par Meta et OpenAI, la guerre des talents des géants de la tech est plus contenue et, finalement, assez habituelle dans le secteur. Reste à voir quel côté va influencer l’autre : la course à l’IA va-t-elle pousser les entreprises à toujours plus surenchérir ou les salaires des ingénieurs vont-ils se rationaliser d’eux-mêmes ?

L’intelligence artificielle est présente dans la plupart des secteurs, ou presque, avec ses partisans et ses détracteurs, mais quel est son impact?

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