Produit minimum viable: pourquoi il faut en avoir honte
Après plusieurs semaines de développement, Xavier Corman, dont nous suivons la nouvelle start-up pas à pas, vient de révéler sa plateforme. Lancée la semaine passée, elle prend la forme d’un MVP, un produit minimum viable, dont l’entrepreneur devrait avoir honte dans quelques temps. Explications.
Cent jours-hommes. Voilà le temps qu’il aura fallu à Xavier Corman pour parvenir à lancer la première version de sa plateforme My-Stand.com. Le serial entrepreneur, dont nous suivons pas à pas la nouvelle aventure entrepreneuriale, n’est pas peu fier : ” nous avions dit que nous serions prêts le 20 avril… nous n’avions que 48 heures de retard “, s’amuse-t-il à l’heure de dévoiler le site de son nouveau projet. Cette place de marché qui promet de mettre en relation les entreprises et les fabricants de stands pour les foires et salons, un concept imaginé fin d’année dernière, prend déjà vie en ligne, sous forme d’un ” MVP ” comme le jargonnent les entrepreneurs de la tech. Soit un ” minimum viable product ” ou, en français, un produit minimum viable.
Ce principe du MVP est souvent d’usage dans l’univers des start-up du numérique qui n’ont généralement pas les poches profondes au moment de démarrer, et alors qu’elles cherchent encore à valider leur concept en cours de développement afin qu’il trouve son public. Mais de quoi s’agit-il exactement ? D’une première version d’un ” produit fonctionnel, viable et qui permet de montrer à ses (futurs) clients le service ou le produit que l’on a en tête de développer, et donc la proposition de valeur de la start-up “, définit Aurélien Troonbeeckx, coach au sein de l’incubateur Startit@KBC à Bruxelles. L’enjeu consiste donc à développer les bases d’un projet, assez abouties pour montrer ce que la start-up a sous le capot, mais pas trop, pour ne pas ” brûler ” trop de cash et ne pas développer des fonctionnalités non souhaitées par les utilisateurs.
Que dit Reid Hoffman ?
Lorsqu’il aborde le concept de MVP, le fondateur de LinkedIn, Reid Hoffman lâche généralement une formule intéressante : ” si vous n’êtes pas gêné par votre MVP, c’est que vous l’avez lancé trop tard “. Cette affirmation, devenue un mantra pour pas mal d’entrepreneurs de la tech, recouvre, d’après son auteur, trois dimensions fondamentales. ” La première et la plus explicite, écrit Reid Hoffman dans un post de référence publié sur LinkedIn, est l’importance de la rapidité : vous devez viser à vous lancer rapidement. Le deuxième est que les hypothèses que vous émettez au sujet de vos clients et la façon dont ils utiliseront votre produit ne seront pas tout à fait correctes. Au bout du compte, en effet, vous serez probablement gêné par le nombre d’hypothèses erronées que vous aurez formulées. Enfin, la troisième dimension importante à avoir en tête est que vous êtes perdant en retardant le début de la boucle de rétroaction des clients : si vous aviez lancé votre produit plus tôt, vous auriez commencé à apprendre plus tôt. Au lieu de cela, vous vous êtes lancé trop tard. ”
Reste qu’il ne faut pas pour autant mettre sur un marché un produit de mauvaise qualité. Car, comme le veut un adage bien connu : ” on n’a pas deux chances de faire une première bonne impression “. Pour expliquer l’étape du lancement du MVP dans laquelle il se trouve actuellement avec My-stand.com, Xavier Corman choisit la métaphore de la construction d’une maison. ” Il y a la phase de gros oeuvre et puis les finitions, analyse-t-il. Sortir un MVP, c’est avoir réalisé le gros oeuvre, soit avoir jeté les bases du produit, les process, etc. Pour l’instant, je suis entré dans la maison, mais il reste encore des pièces à terminer, des murs à peindre et des détails à régler. Le but, c’est de présenter un produit qui puisse être utilisé, qui comprend déjà les fonctionnalités principales et soit exempt de défauts visibles. ”
Recueillir l’adhésion
” Le MVP ne doit, en effet, pas constituer un produit de moins bonne qualité… mais un produit avec un nombre plus restreint de fonctionnalités, souligne Aurélien Troonbeeckx. Le piège, insiste le coach de Startit@KBC, serait de développer trop de ces fonctionnalités qui ne soient pas toutes bien finies et donc de perdre du temps et de l’argent “. Car l’une des missions du MVP consiste à recueillir l’adhésion des premiers utilisateurs et, ce qui n’est à ce stade pas un vain mot, leurs feed-back.
C’est ainsi que sur My-Stand.com, certaines fonctionnalités ne sont pas encore disponibles. ” La gestion des paiements, par exemple, admet Xavier Corman. Le process est défini mais pas encore informatisé. A ce stade, nous ne devrions pas en avoir besoin avant quelques semaines. Et dans un premier temps, cela pourra être géré manuellement, avec un petit délai d’environ 24 heures. ” D’une certaine manière, Xavier Corman en a ” honte “, comme le suggère le fondateur de LinkedIn : ” Je suis bien sûr gêné pour les quelques fautes qu’il doit rester, pour des liens qui ne sont pas clairs, pour des fonctionnalités que je trouvais indispensables et qui finalement ne le sont pas, pour des gens qui vont se retrouver bloqués quelque part sur le site sans qu’on ne s’en rende compte, parce qu’il n’y a pas encore de téléphone, etc. ” Mais, comme la plupart des entrepreneurs techs qui se veulent agiles, le fondateur de My-Stand.com accepte ces imperfections et continue d’avancer. ” Done is better than perfect “, rappelle-t-il…
Des bases pour le futur
Par contre, le fondateur de My-Stand, a mis un point d’honneur à développer son MVP sur des bases solides, notamment en matière de sécurité et de respect des réglementations. ” Dès le départ, il est important que ces éléments soient parfaitement maîtrisés, dit-il. Il faut y penser dès avant l’ouverture et donc prévoir des conditions générales de ventes en béton ou encore un système d’identification efficace. Sans cela, cela revient à créer un projet sur des sables mouvants… ”
Ce MVP doit permettre à Xavier Corman d’obtenir les premières réactions de ses utilisateurs. Les fabricants de stands, d’abord. Ce sont en effet les premiers qui rejoindront la plateforme : Xavier Corman, accompagné de son chef des ventes , en a recruté une dizaine, répartis entre l’Espagne, la France, l’Angleterre ou les Pays-Bas, notamment. Ils pourront amorcer la pompe et recevoir des premières demandes provenant d’un peu partout en Europe. Leur avis sera évidemment essentiel. ” Le but premier du MVP consiste bien à prouver une traction et tester ses hypothèses, souligne Aurelien Troonbeeckx. Et donc de permettre aux premiers utilisateurs, les early adopters, de faire part de leurs commentaires et de mieux comprendre ce qu’ils recherchent. ”
Ne jamais se substituer à ses utilisateurs
Ce sera la base des itérations nécessaires à l’amélioration progressive du produit. Pour Sébastien Deletaille qui avait fondé Riaktr (anciennement Real Impact Analytics), puis dirigé Medispring, ” ce sont les utilisateurs qui doivent guider la start-up vers les prochaines étapes du développement, dit-il. Il ne faut pas croire que le CEO est un génie qui comprend les utilisateurs mieux qu’eux. Mes plus grosses erreurs et plus gros gâchis financiers en développement se sont produits quand des équipes se substituaient aux utilisateurs dans ce qu’ils voulaient faire du produit. ”
A propos de coût : ce MVP, Xavier Corman l’avait budgétisé dans le cadre d’un prêt convertible conclu auprès d’un business angel. S’il reste discret sur les montants, l’entrepreneur chiffre l’investissement à quelques dizaines de milliers d’euros. C’est le prix pour avoir des fondations solides et être capable de développer rapidement de nouvelles fonctionnalités.
Suivez toutes les étapes du lancement de la start-up My-Stand.com par Xavier Corman sur www.trends.be/scalemeup : actus, décryptages, analyses et témoignage de l’entrepreneur.
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