Patrick Spence, CEO de Sonos : “La lutte contre les monopoles, c’est un enjeu citoyen”

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Sonos Pro permet aux entreprises de diffuser facilement un son de qualité dans chacun de leurs locaux, y compris de la musique sous licence commerciale. © D.R. Sonos

Le fabricant d’enceintes connectées et expert en audio multiroom Sonos lance un nouveau service destiné aux espaces commerciaux et à l’Horeca. Trends/Tendances s’est entretenu en exclusivité avec Patrick Spence, le CEO de la société californienne.  

Alors que les ventes de smartphones et d’ordinateurs portables s’effondrent, et que la plupart des fabricants d’électronique haut de gamme sortent d’une année difficile, Sonos annonce ce 18 avril un nouveau service : Sonos Pro. Une nouvelle offre SaaS (Software as a Service) dédiée à l’Horeca et aux espaces commerciaux. Grâce à un abonnement mensuel, les entreprises pourront désormais gérer à distance – et à la carte – la diffusion de musique sous licence commerciale. Une première pour l’équipementier de Santa Barbara qui, depuis 2005, a fait entrer l’audio sans fil haut de gamme dans les foyers. L’annonce tombe quelques semaines à peine après le lancement de deux nouvelles enceintes, l’Era 100 et l’Era 300, taillée pour l’audio spatial. Une technologie qui, avec le temps, pourrait remplacer l’écoute en stéréo. Sonos n’en est pas à son premier coup d’essai. Dépositaire de plusieurs centaines de brevets, l’ancienne startup californienne a, tour à tour, créé le concept de musique “multiroom”, lancé son propre assistant vocal pour concurrencer les GAFAM et, surtout, gagné un procès retentissant contre Alphabet (Google). Quelques jours avant le lancement du nouveau service Sonos Pro, Trends/Tendances a pu s’entretenir en exclusivité avec Patrick Spence, qui vient de fêter ses cinq ans en tant que CEO. De l’émergence de l’audio spatial à l’impact de l’Intelligence artificielle sur le futur de l’électronique grand public, voici les confidences d’un homme qui aime imaginer ses futurs produits avec 5 à 10 ans d’avance sur son temps.

Patrick Spence, le CEO de Sonos.
Patrick Spence, le CEO de Sonos. © D.R.

Sonos est l’entreprise qui a introduit l’enceinte intelligente auprès du grand public. Aujourd’hui, vous dévoilez une nouvelle offre : Sonos Pro. Quel est l’esprit derrière ce produit ?

L’idée est d’apporter la même qualité, la même facilité et la même efficacité qu’ont les consommateurs avec les produits Sonos, mais à des managers d’entreprises qui souhaitent créer un bon environnement musical sans recourir à un ingénieur du son. Nous avons constaté une croissance organique incroyable pour Sonos dans les espaces commerciaux, car les entreprises investissent dans des solutions sonores pour attirer les clients. Depuis la fin de la pandémie, les consommateurs fréquentent à nouveau les boutiques, les commerces de détail et les restaurants. Plus que jamais, ils sont en quête d’expériences sensorielles. Or la musique permet de créer un lien émotionnel avec les clients, au même titre que les images, les parfums ou le ton de votre voix. Ce qui représente une énorme opportunité pour nous. Après avoir testé différentes fonctionnalités dans des centaines d’entreprises pour mieux comprendre leurs besoins et les complexités de l’audio commercial, nous sommes fiers de proposer une solution simple, intuitive, avec un support personnalisé, conçue dès le départ pour apporter un maximum de confort et pour permettre aux entreprises d’offrir un son de qualité dans chacun de leurs sites.

Sonos Pro est disponible aux États-Unis dès aujourd’hui. D’autres marchés, dont la Belgique, suivront. Comment allez-vous adapter votre offre aux particularités locales ? Notamment en termes de gestion des droits de diffusion ?

C’est un nouveau territoire pour Sonos, mais nous sommes une entreprise très exigeante. Avant de pénétrer le marché européen, nous voulons être sûrs de pouvoir offrir les mêmes standards de qualité avec Sonos Pro qu’avec nos enceintes. Aux Etats-Unis, nous avons près de 40 millions d’utilisateurs. Certains d’entre eux utilisent déjà leur enceinte connectée au bureau, dans leur boutique ou dans leur propre entreprise. Leur proposer notre propre plateforme de diffusion au prix de 35 $/mois [droits d’auteurs et droits de diffusion inclus, NDLR], c’est donc un mouvement naturel. Dès que Sonos Pro aura fait ses preuves aux USA, nous aimerions proposer une offre similaire dans les pays européens. C’est pourquoi nous négocions déjà avec les sociétés de gestion des droits d’auteur.

Vous êtes le seul à avoir réussi l’impossible : poursuivre la société Alphabet Inc. (Google) en justice pour violation de brevets, et gagner. Pensez-vous que votre victoire puisse inciter d’autres entreprises technologiques à investir dans la propriété intellectuelle ?

Lorsque nous avons commencé à commercialiser nos produits il y a 20 ans, nous avons eu le réflexe de prendre suffisamment de précautions pour protéger nos inventions. Mais ce n’est pas le cas pour beaucoup de start-ups… Si vous travaillez dans un domaine vraiment intéressant à notre époque, il est presque certain que les géants de la technologie voudront s’y implanter. Personne ne peut les en empêcher, mais s’ils le font, ils ne devraient pas pouvoir piétiner tout ce que vous avez inventé. Dans la tech, vous devez défendre ce que vous avez inventé. Et j’ai le devoir de le faire envers les 1 800 personnes qui travaillent pour Sonos. En même temps, il faut continuer à innover. Il faut continuer à aller de l’avant. Ce n’est que parce que Sonos est devenue une entreprise profitable que nous avons la capacité de nous défendre en justice. Ce n’est pas un procès, mais une panoplie de procédures qui durent des années. Pour beaucoup d’entreprises, c’est fatal. Mais le fait est qu’aujourd’hui, trop de pouvoirs sont concentrés dans les mêmes mains. C’est un problème global, qui dépasse de loin les seuls Etats-Unis. C’est pourquoi, plus que jamais, il faut conscientiser les jeunes entreprises à leurs droits à la propriété intellectuelle, mais il faut aussi préserver le droit à la compétition. La lutte contre les monopoles, c’est un véritable enjeu citoyen.

L’année dernière, vous avez lancé Sonos Voice : un assistant virtuel qui protège les données de l’utilisateur. Aujourd’hui, quelle est votre principale menace concurrentielle ? Les haut-parleurs intelligents d’Amazon.com et d’Apple ou les outils d’intelligence artificielle comme ChatGPT ?

Malgré les apparences, Sonos est avant tout une entreprise basée sur l’ingénierie informatique. La magie des produits Sonos, c’est le software. C’est ce qui nous distingue de la concurrence. Ma devise, c’est d’être toujours plusieurs pas en avant. Tant que nous parvenons à innover et à proposer des idées qui répondent aux besoins, tout ira bien. En réalité, la réussite ou l’échec, dépendent davantage de ce que l’on se fait à soi-même que de ce que le monde nous fait. Par exemple, nous venons de lancer une nouvelle enceinte – l’Era 300 – qui va sans doute propulser l’audio spatial dans les foyers et remplacer les enceintes connectées d’il y a 10 ans. C’est un produit qui fait remonter la barre dans l’industrie, au moment même où Sonos s’apprête à quitter l’industrie de la tech telle qu’on la connaît.

Il y a un an, Sonos a racheté Mayht. Une start-up hollandaise qui a conçu un haut-parleur d’un nouveau genre. Qu’est-ce que cela signifie pour Sonos ?

Il s’agit d’une société néerlandaise qui produit des transducteurs. Le transducteur, ou haut-parleur, c’est le cœur d’une enceinte acoustique. C’est lui qui crée le son. Alors que tous les experts vous diront qu’il est impossible d’innover dans ce domaine, Mayht a conçu une toute nouvelle catégorie de haut-parleur capable d’offrir une meilleure qualité sonore sous un format plus compact, plus léger et moins énergivore. C’est exactement ce que Sonos recherche pour ses systèmes d’enceintes portables et multiroom. Cette percée va nous permettre d’établir une nouvelle norme dans l’industrie audio. C’est ce qui nous passionne.

Sonos Pro : des ambiances musicales à la carte pour les commerces et l’Horeca

Deux ans après avoir lancé “S2”, une plateforme qui propose des centaines de services de streaming, des milliers de webradios et des playlists réalisées en partenariat avec des artistes, Sonos vient de dévoiler une offre SaaS pour les entreprises. Moyennant un abonnement mensuel, Sonos Pro permet aux entreprises de diffuser facilement un son de qualité dans chacun de leurs locaux, y compris de la musique sous licence commerciale. “Grâce à Sonos Pro, les entreprises peuvent désormais rationaliser leur son, explique Audra Kinsley, VP et GM de Sonos Professional. Sonos Pro a été conçu pour permettre aux marques de renforcer facilement leur style par le biais du son, grâce à des outils permettant d’organiser le contenu et de créer des expériences sonores distinctes qui trouvent un écho auprès des clients.” Dans la pratique, l’outil permet de piloter toute votre collection musicale à partir d’un tableau de bord simple. Où que vous soyez, vous pouvez voir ce qui est joué en temps réel dans chaque commerce ou dans chaque pièce, prédéfinir des programmes de listes de lecture, définir des autorisations d’administrateur, et créer des ambiances sur mesure selon les pièces. “Avec Sonos Pro, les commerces peuvent bénéficier d’un accès exclusif à Sonos Backgrounds, un service musical sous licence commerciale qui permet de remplir n’importe quel espace d’un son immersif selon le mood que vous souhaitez. Vous pouvez aussi accéder facilement à des services de streaming tiers tels que Mood Mix, Soundtrack Your Brand ou Rockbot pour créer une expérience de marque cohérente“, détaille Audra Kinsley. Seule contrainte : le service ne fonctionne qu’avec le matériel Sonos existant. Sonos Pro est disponible aux États-Unis dès aujourd’hui, et d’autres marchés dont la Belgique sont annoncés pour le second semestre 2023.

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