L’intelligence artificielle : un enjeu majeur sous-exploité par les PME belges

Vincent Genot
Vincent Genot Coordinateur online news

L’intelligence artificielle (IA) fait partie des technologies prometteuses pour transformer les entreprises, mais le Baromètre de la Digitalisation 2024, publié par l’UCM, révèle que les PME wallonnes et bruxelloises peinent encore à exploiter tout son potentiel.

En dépit des opportunités qu’elle offre, l’IA reste sous-utilisée dans la majorité des petites et moyennes entreprises, souvent freinée par un manque de compétences internes et une réticence au changement. Alors que certaines entreprises commencent à l’intégrer dans leurs processus, la plupart sont encore prudentes vis-à-vis de cette technologie.

Un potentiel reconnu mais peu mis en œuvre

Le rapport de l’UCM montre que l’IA n’est pas encore une priorité pour la majorité des PME. En effet, plus de la moitié des entreprises (53 %) déclarent ne pas utiliser d’IA générative, tandis qu’une entreprise sur trois laisse ses employés utiliser des outils gratuits, comme ChatGPT, dans des limites fixées par l’entreprise. Seulement 7 % des entreprises affirment avoir des projets internes exploitant l’IA, et 5 % l’utilisent systématiquement pour certaines tâches spécifiques, comme l’automatisation des processus répétitifs ou l’analyse des données.

Malgré ce démarrage timide, il est intéressant de noter que les entreprises reconnaissent les avantages que l’IA peut offrir. Pour celles qui l’utilisent déjà, le principal bénéfice constaté est la réduction du temps de traitement des tâches, suivie par une amélioration de la productivité et de la précision. Toutefois, une proportion non négligeable d’entreprises (28 %) déclare n’avoir observé aucun avantage spécifique, principalement parce qu’elles n’utilisent l’IA que de manière très limitée ou indirecte via les employés.

Des freins importants au déploiement de l’IA

Le principal obstacle au déploiement de l’IA dans les PME reste le manque de compétences internes, un point souligné par près de la moitié des entreprises interrogées. La difficulté d’intégrer l’IA dans les systèmes existants et la résistance au changement figurent également parmi les freins majeurs identifiés. Ce constat est d’autant plus paradoxal que seulement 3 % des entreprises forment activement leurs employés à l’utilisation des technologies d’IA, et aucune ne semble recruter spécifiquement des talents disposant d’une expertise dans ce domaine.

L’absence d’un effort généralisé pour former les employés à l’IA pourrait expliquer pourquoi de nombreuses entreprises peinent à voir les avantages concrets de son utilisation. Cette lacune met en lumière un besoin urgent de développer des stratégies de formation interne pour permettre une adoption plus large et plus efficace de l’IA. Les entreprises doivent être en mesure d’investir dans des compétences nouvelles si elles veulent rester compétitives dans un monde où l’IA joue un rôle de plus en plus crucial.

Un usage limité aux fonctions non stratégiques

En ce qui concerne les domaines d’application de l’IA, le Baromètre montre que les entreprises restent très prudentes, surtout pour des fonctions stratégiques comme le recrutement ou le service client. Environ 75 % des PME refusent d’utiliser l’IA pour mener des entretiens d’embauche, et 60 % sont opposées à son utilisation dans la gestion du service client via des chatbots, démontrant une préférence marquée pour le maintien d’un contact humain dans ces interactions critiques.

En revanche, l’IA est mieux acceptée pour des tâches moins sensibles telles que l’analyse des données RH (65 % des entreprises y sont ouvertes), la suggestion de formations sur la base de rapports d’évaluation (54 %), ou encore l’analyse de la performance financière (52 %). Ces domaines, plus techniques et moins orientés vers l’interaction humaine, sont perçus comme des zones où l’IA peut véritablement apporter une valeur ajoutée sans affecter l’image de l’entreprise ni la qualité de la relation avec les clients ou les employés.

Vers une transformation plus profonde à moyen terme ?

Malgré un usage encore limité, les entreprises anticipent un impact modéré de l’IA dans les années à venir. Seules 23 % des PME pensent que l’IA transformera significativement leur secteur dans les trois prochaines années, tandis que 77 % estiment que son influence sera faible ou modérée. Ce scepticisme à l’égard de l’impact potentiel de l’IA s’explique en partie par la faible intégration actuelle de cette technologie dans les processus critiques de l’entreprise.

Cependant, avec les progrès continus dans le développement de l’IA et l’augmentation de la pression concurrentielle, il est probable que les PME n’auront pas d’autre choix que de se tourner davantage vers ces technologies dans un avenir proche. Les gains en efficacité, en productivité et en réduction des coûts ne pourront être ignorés longtemps, et l’IA pourrait devenir un outil indispensable pour répondre aux exigences d’un marché en constante évolution.

Une adoption lente mais inévitable de l’IA

Le Baromètre de la Digitalisation 2024 met en évidence l’adoption encore hésitante de l’intelligence artificielle par les PME, malgré une reconnaissance croissante de ses avantages potentiels. Les freins liés aux compétences et à l’intégration technologique sont importants, mais ne devraient pas empêcher à terme une adoption plus large de l’IA dans les entreprises. Pour les PME, le défi consiste désormais à surmonter ces obstacles en investissant dans la formation et en expérimentant progressivement des usages plus diversifiés de l’IA, afin de ne pas se laisser distancer par la révolution numérique en cours.