L’IA générative nous rend paresseux et moins critiques : une étude le prouve

IA paresse
Illustration © ChatGPT
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

L’intelligence artificielle générative nous rend de plus en plus de services au quotidien. Et de nombreux employés s’en servent. Pourtant, elle altère d’ores et déjà nos capacités de réflexion.

Commandée par Microsoft et réalisée par des chercheurs de l’Université de Pittsburgh et de Cambridge, une étude vient confirmer une tendance préoccupante : plus les utilisateurs font confiance à l’IA, moins ils remettent en question ses réponses.

Cette recherche réalisée auprès de 319 employés met en lumière un phénomène d’ores et déjà réel : alors que l’IA générative est perçue comme un outil facilitateur, elle modifie profondément les mécanismes de réflexion. L’un des enseignements majeurs est que la confiance excessive dans ces technologies entraîne une diminution de l’esprit critique.

En d’autres termes, lorsqu’un utilisateur considère l’IA comme fiable, il a tendance à prendre ses réponses pour acquises, sans véritablement les interroger. À l’inverse, ceux qui ont confiance en leurs propres compétences adoptent une posture plus critique, analysant, vérifiant et souvent corrigeant les réponses générées.

Ce phénomène s’explique par un principe bien connu en psychologie cognitive : la délégation mentale. Lorsque l’on perçoit un outil comme performant, on réduit naturellement l’effort cognitif associé à une tâche. L’IA, en fournissant des réponses structurées et cohérentes, crée ainsi une illusion de maîtrise qui peut pousser les travailleurs à un relâchement intellectuel.

Des employés devenus superviseurs de l’IA

L’impact sur les métiers du savoir est concret et immédiat. L’étude montre que l’utilisation de l’IA générative entraîne un déplacement des tâches : plutôt que de produire du contenu, les professionnels passent désormais plus de temps à superviser, corriger et valider ce que l’IA propose. Un copywriter, par exemple, va avoir tendance à ne plus rédiger un texte de A à Z, mais à ajuster et reformuler les suggestions de l’IA. Un développeur ne va plus coder intégralement un programme, mais plutôt contrôler et tester les lignes de code générées. Même les analystes et chercheurs, autrefois chargés de structurer leur pensée autour d’une problématique, tendent à s’appuyer sur des synthèses produites par l’IA, avec un risque accru d’acceptation passive des conclusions proposées.

Autre effet inquiétant : l’uniformisation du contenu. L’étude démontre que les personnes utilisant l’IA génèrent des textes plus standardisés que celles qui travaillent sans. Une logique de « convergence mécanisée » s’installe, où les réponses produites par l’IA, même retravaillées, finissent par se ressembler, gommant la diversité des approches et des styles.

Comment éviter la dépendance aveugle ?

Face à ces constats, comment éviter que l’IA ne devienne une béquille intellectuelle qui affaiblit notre capacité d’analyse ? L’étude identifie plusieurs leviers d’action.

1. Cultiver le réflexe de vérification

La première règle est de ne jamais accepter une réponse d’IA sans la croiser avec d’autres sources. L’IA générative ne raisonne pas : elle assemble des informations sans en mesurer la véracité ni les implications. Vérifier, recouper et confronter ses réponses à des données fiables reste donc essentiel.

2. Maintenir des pratiques sans IA

Pour ne pas perdre ses compétences analytiques, il est crucial de continuer à pratiquer certaines tâches sans l’assistance de l’IA. Dans l’apprentissage des langues, par exemple, s’entraîner à écrire sans correcteur automatique améliore la maîtrise grammaticale. De même, un analyste financier gagnera à faire ses propres calculs avant d’utiliser un modèle généré par IA.

3. Former les collaborateurs à un usage critique de l’IA

Les entreprises doivent accompagner leurs équipes pour éviter une adoption naïve de ces outils. Former les collaborateurs à utiliser l’IA comme un assistant et non comme une source unique permettrait de préserver la capacité de réflexion critique. Cela implique aussi de sensibiliser aux biais de l’IA, qui reflète souvent les tendances dominantes des données sur lesquelles elle a été entraînée.

L’intelligence artificielle est présente dans la plupart des secteurs, ou presque, avec ses partisans et ses détracteurs, mais quel est son impact?
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