Laurent Alexandre : “Bientôt l’homme le plus intelligent sera moins intelligent que l’IA”

Gemini de Google
Avec le lancement de son intelligence artificielle Gemini, Google se repositionne. © Belga
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Dans la course de l’Intelligence artificielle, Google vient de reprendre pied face aux avancées d’OpenAI et de Microsoft. Avec le lancement de son intelligence artificielle Gemini, le géant de la tech se repositionne. Mais que vont sortir OpenAI et Meta prochainement ?

Laurent Alexandre, chirurgien, entrepreneur (il a fondé et revendu le site Doctissimo) et observateur avisé des évolutions de l’intelligence artificielle, et auteur de l’ouvrage “La guerre des intelligences”, commente la guerre que se livrent les acteurs du Net pour emporter la bataille du prochain millénaire.

Trends-Tendances: le lancement de Gemini remet-il Google à flot dans la course à l’IA dominée actuellement par OpenAI ?

Laurent Alexandre. Google a été humilié par les capacités de GPT 4… puis par sa propre incapacité à sortir un équivalent.  Bard, l’intelligence artificielle de Google lancée en juin était minable. La firme a d’ailleurs perdu 120 milliards de valorisations en Bourse dans la foulée. Depuis, Google a mis les bouchées doubles et des crédits illimités pour rattraper OpenAI.

Laurent Alexandre (expert en IA) © Dann

Hier, Google a annoncé 3 versions différentes de Gemini. L’une n’est pas encore disponible. La version pro se situe à un niveau intermédiaire entre GPT 3 et GPT 4. C’est pas mal, mais cela n’a rien d’extra. Par contre, la version Ultra se révèle supérieure à GPT4 semble-t-il. Le souci, c’est qu’elle n’est pas encore généralisable aux 3,5 milliards d’utilisateurs de Google… parce que cela demande de la puissance machine que même Google n’a pas… Mais cela va se régler.

Peut-on dire que technologiquement, Google dépasse désormais OpenAI et son ChatGPT ?

A ce stade, on ne sait pas où en est ChatGPT 5… ni même ce que va sortir Meta (Facebook)…

Est-ce à dire que c’est une course aux grandes annonces pour montrer qu’on prend l’avantage ?

On ne peut pas dire cela. On n’est pas dans un océan d’effets d’annonces. Derrière, on observe énormément d’innovation et de réalisations. D’ailleurs, il est difficile d’imaginer que Google se risquerait à des effets d’annonce sans réelle avancée concrète. S’ils mentaient sur les performances réelles de Gemini, ils prendraient le risque d’être assassinés en Bourse, comme ce fût le cas au lancement de Bard qui n’avait pas convaincu.

Quand même, les géants de la tech doivent se positionner, et le plus vite possible sur ce créneau…

Ce qui est clair c’est que la cavalcade continue. Et ceux qui ont voulu freiner l’IA se sont plantés : les demandes de moratoire et le putsch des décélérationnistes chez OpenAI n’ont pas marché. Les accélérationnistes, eux, ont gagné une grosse bataille et l’IA avance. Cette bataille  schumpéterienne (NDLR: modèle économique de croissance fondé sur la théorie de la croissance par l’innovation de Joseph Schumpeter) est d’ailleurs là pour durer. L’enjeu se compte en milliers de milliards de dollars. La bataille va être incroyable et d’une violence inouïe.

Cela vous inquiète ?

Ce qui est terrible c’est que cela se déroule sans réflexion économique, sociale ou politique. Les questions de puissance machine sont un problème temporaire. Et les avancées sont réelles. La question n’est plus technologique : on va arriver à l’IA générale dans pas longtemps. Aujourd’hui, les questions sont d’ordre social et philosophique. Que va-t-on faire de tout cela ? Bientôt l’homme le plus intelligent sera moins intelligent que l’IA. Comment gère-t-on cette inquiétude ?  Et quelle transition économique et sociale envisage-t-on ? Cette réflexion n’est pas abordée. En tout cas pas sérieusement. Et cela pose question…

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