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La TV de papa est en danger de mort

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

Tout le monde a vu les obsèques de la Reine Elisabeth II. Et tout le monde aura remarqué que seule la BBC pouvait offrir une telle retransmission en direct d’une aussi grande qualité. Pourtant, le patron de la BBC, Tim Davie, a annoncé cette semaine que la BBC pourrait devenir 100% digitale !

L’annonce du patron de la BBC a fait l’effet d’une bombe. Le patron de Netflix annonce la mort de la télévision linéaire depuis des années et il vient encore de le redire : la télévision de papa en a encore pour 5 à 10 ans maximum avant d’être enterrée. Bien sûr, le patron de Netflix n’est pas neutre et ses propos sont teintés d’opportunisme. Il n’empêche. La BBC a beau être une marque mondialement reconnue, être une marque qui touche encore un demi-milliard de personnes, son patron a peur pour l’avenir et il souhaite un changement radical. Selon lui, l’avenir de la BBC passera par la fermeture de nombreuses chaines de télé et de radio pour devenir demain un service disponible uniquement sur internet. Autrement dit, il n’y aura plus qu’un seul point d’entrée central pour accéder à tous les contenus télévisés et radios de la BBC. La raison de ce changement, c’est la concurrence des acteurs du streaming et les réseaux sociaux. D’abord, le patron de la BBC constate que son téléspectateur a 60 ans en moyenne, et il rappelle que pour les 16-24 ans, TikTok est aujourd’hui plus important que la BBC en matière de vidéo. C’est donc intenable pour l’avenir de la centenaire BBC.

Cette déclaration du patron de la BBC est intéressante, car généralement les patrons des chaines de télévision sont inquiets, mais préfèrent minimiser l’ampleur du déclin pour éviter d’affoler leurs actionnaires. Le constat ne se limite pas à la BBC. J’ai eu le plaisir d’écouter récemment encore le nouveau patron de RTL-TVI en Belgique. Il a expliqué à son auditoire que 40% des Belges – en plein prime time – c.-à-d. autour des 19H00 sont sur Netflix ou Disney +. En clair, si vous êtes dirigeants d’une chaine de TV, vous n’avez plus que 60% de l’audience potentielle pour convaincre vos annonceurs de vous suivre. Le grand public ne se rend pas compte qu’aujourd’hui les meilleures séries et les meilleurs films sont sur des services comme Netflix et qu’il ne reste plus aux chaines traditionnelles que la production locale et les informations locales pour lutter contre ces géants américains. Et encore, l’information locale est plus un coût qu’une source de revenus. D’ailleurs, ITV qui est le pendant privé de la BBC en Grande-Bretagne vient de menacer de ne plus couvrir l’actualité britannique à cause de la concurrence des plateformes de streaming. Si ça devait être le cas, et je ne pense pas qu’à la Grande-Bretagne, que resterait-il comme source d’information ? Réponse : les réseaux sociaux, autrement dit, rien. Plusieurs enquêtes montrent que les jeunes s’informent aujourd’hui par Instagram, TikTok et Youtube, autrement dit, via des canaux où les fake news sont plus virales que les informations véritables.

La volonté du patron de la BBC de ne plus être présent que via le canal digital est en soi un signal fort. Il n’y a d’ailleurs pas que les chaines publiques qui sont menacées par Netflix et les médias sociaux. C’est aussi le cas des chaines de télévision privées. Ne l’oublions pas, Netflix vient de lancer un abonnement moins cher, mais avec de la publicité. Netflix et ses amis viennent non seulement piquer de l’audience, mais aussi piquer une bonne partie du fromage publicitaire avec une capacité de ciblage que n’ont pas les chaines de télévision classiques. La descente aux enfers n’est donc pas terminée pour la TV de papa. Et comme le dirait un humoriste, c’est “une descente qu’on n’aimerait pas remonter à vélo”.

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