La Russie menace de bloquer la messagerie cryptée Telegram

Pavel Durov, créateur de l'application Telegram. © REUTERS/Albert Gea

La Russie a menacé vendredi de bloquer la messagerie cryptée Telegram, lui reprochant de ne pas lui fournir les informations prévues par la loi, au moment où les autorités cherchent à renforcer leur contrôle sur ces services en ligne de mire de la lutte antiterroriste.

L’agence russe de régulation des médias et télécommunications, Roskomnadzor, a publié sur son site une lettre adressée au créateur de Telegram, Pavel Dourov, enfant terrible de l’internet russe qui a tenu tête dans le passé aux services de renseignements russes. Elle lui demande de fournir des informations sur sa société gérant ce service conformément à de nouveaux amendements: “En cas de refus de remplir ses obligations de diffuseur d’informations, Telegram devra être bloqué en Russie”.

Cet avertissement intervient dans un contexte de méfiance accrue dans le monde concernant ces messageries difficiles à contrôler dans le cadre de la lutte antiterroriste, mais aussi de tour de vis constant ces dernières années sur l’internet russe, très utilisé par l’opposition faute d’accès aux médias officiels.

Telegram a été lancé en 2013 par Pavel Dourov, créateur du réseau social Vkontakte, le “Facebook russe”, et jeune génie de l’internet russe amateur de provocations. Cette application permet de s’échanger des messages textes et vocaux, des photos, des vidéos, ainsi que de créer des chaînes de diffusion, de manière très sécurisée, ce qui lui a valu un succès très rapide. Elle a été accusée de servir de moyen de communication aux jihadistes de l’Etat islamique pour préparer des attentats et se trouve dans le collimateur des autorités de nombreux pays.

“Terroristes et criminels”

Le patron de Roskomnadzor Alexandre Jarov a accusé Pavel Dourov de se montrer “indifférent concernant les terroristes et criminels qui utilisent sa messagerie”. Sur sa page VKontakte, Dourov a ironisé sur une menace “paradoxale” puisqu’un blocage de Telegram, “neutre”, contraindrait les utilisateurs, y compris “les hauts fonctionnaires russes”, à communiquer via des applications basées aux Etats-Unis tels WhatsApp.

Utilisateur de Telegram, l’homme fort de la Tchétchénie Ramzan Kadyrov a appelé les deux parties à négocier.

En avril, l’Iran, où Telegram est très utilisé pour les discussions politiques et culturelles, avait bloqué la possibilité de passer des appels vocaux par ce service. Pavel Dourov avait alors lié les difficultés récurrentes de son application à son refus de transmettre les données des utilisateurs aux autorités. Il avait insisté que la volonté de contrôle ne se limitait pas seulement à la Russie où l’appareil législatif sur l’internet continue de se renforcer.

Le Parlement russe étudie actuellement un projet de loi contraignant les utilisateurs à s’identifier par un numéro de téléphone pour utiliser les messageries.

Vendredi, les députés ont adopté en première lecture un autre projet visant les VPN. Ces connexions privées sont utilisées par des entreprises à des fins de sécurité mais aussi des utilisateurs souhaitant faire croire qu’ils se connectent depuis un autre pays pour contourner les blocages de certains sites. L’auteur du projet, Maxime Koudriavtsev, a insisté qu’il ne s’agissait pas de “nouvelles interdictions” mais d’empêcher l’accès à des sites déjà bloqués, y compris qui recrutent des terroristes.

“Le Kremlin considère internet comme une source d’inquiétude pour la sécurité nationale”, autant concernant les mouvements extrémistes que sur le plan politique, ont récemment relevé les analystes du centre Eurasia Group. “Avant la présidentielle de 2018, les contrôles sur les contenus, les exigences d’enregistrement et les demandes de localiser les données (en Russie) vont s’intensifier (…) mais le gouvernement russe a besoin des entreprises étrangères (…). Ce n’est pas la Chine”, ont-ils nuancé.

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