Kharis Food Tech Fund, ce fonds européen qui parie sur la révolution de l’agroalimentaire

Face à un marché qui bouge sous l’impulsion des révolutions technologiques, le fonds Kharis Capital (Quick, Burger King, O’Tacos) fait le pari de la “foodtech”. Il a lancé, voici un an, un fond dédié aux scale-up européennes qui réinventent l’alimentation. Objectif : transformer une dizaine d’entreprises en leaders de demain.

Un frigo dans lequel poussent des salades fraîches grâce à un arrosage automatique et sous contrôle de caméras. Des cantines digitales pour fournir des repas aux employés des PME allemandes. Des marques virtuelles de restauration, conçues pour les plateformes de livraison de repas… Dans l’agroalimentaire et la restauration, les innovations technologiques partent tous azimuts. Les start-up de la foodtech se multiplient, en Belgique comme partout ailleurs. “Il y a encore 10 ans, l’innovation, c’était le bio. Aujourd’hui, elle est largement portée par des technologies, des plateformes, des modèles logistiques innovants ou de nouveaux ingrédients”, observe Laurent Vermer.

D’ailleurs, c’est sur ce créneau en plein développement que chasse le responsable du fonds d’investissement Kharis Food Tech Fund, doté, jusqu’ici, d’une soixantaine de millions d’euros.

Lancé au début de 2024, le fonds à la structure luxembourgeoise, mais dont une grande partie de l’équipe est basée à Bruxelles, cherche en effet à investir dans les prochaines pépites de la foodtech. La stratégie est claire : Kharis Food Tech Fund cible des scale-up européennes ou israéliennes, avec un chiffre d’affaires d’au moins cinq millions d’euros, une traction avérée et une équipe solide qui a déjà trouvé son marché (le product market fit, comme on dit dans le jargon). Ce n’est donc pas du seed dans des entreprises dont les fondateurs travaillent encore dans leur garage.

“Nous ne sommes pas des chasseurs de moonshots“, résume Laurent Vermer. Contrairement aux fonds de capital-risque early stage, qui misent sur une trentaine de start-up en espérant que quelques-unes compenseront les nombreuses pertes, Kharis préfère investir dans une dizaine de scale-up déjà structurées, avec l’ambition que chacune d’elles réussisse. Avec des multiples probablement moins élevés au moment de la sortie, mais une prise de risque moins grande. “Notre ADN, c’est d’accélérer ce qui fonctionne déjà, pas d’inventer le futur à 10 ans.”

“Notre ADN, c’est d’accélérer ce qui fonctionne déjà, pas d’inventer le futur à 10 ans.” – Laurent Vermer (Kharis Food Tech Fund)

Un milliard déjà investi par Kharis Capital

Et l’ADN auquel le responsable du fonds fait référence, c’est celui de Kharis Capital, le gros fonds dont le Tech Food Fund fait partie. Il s’agit d’une société de capital-risque basée à Bruxelles, au Luxembourg et à Hong Kong, et fondée par Daniel Grossmann (ex-Verlinvest) et Manuel Roumain (ex-Fondation Edmond Sarra et ex-Goldman Sachs). Forte de plus d’un milliard de dollars déployés à travers des participations directes et des co-investissements, elle possède une solide expertise dans la consommation et l’agroalimentaire.

On connaît notamment Kharis au travers de QSRP (pour Quick Service Restaurant Plateforme), qui détient des participations dans quelques grands noms de la restauration rapide en Belgique : Quick, franchise Burger King dans notre pays, O’Tacos, etc. On retrouve aussi Kharis dans le capital de Rigoni Di Asiago, la firme italienne qui cartonne avec sa pâte à tartiner Nocciolata et ses confitures…

“Kharis Capital est devenu une référence dans la food et le retail, observe Pierre-Alexandre Billiet, CEO de Gondola, média B to B spécialisé dans le commerce. C’est un fonds qui a réussi, en quelques années, à être très reconnu et apprécié. Et certainement aussi avec l’arrivée d’Eric Melloul dans son équipe.” L’homme est connu dans le secteur pour son travail chez Verlinvest, dans le domaine du retail, et son CV affiche des présences chez Vita Coco, Mutti ou encore Tony’s Chocolonely, notamment.

Pour le patron de Gondola, “Kharis peut s’appuyer sur des investisseurs renommés et pourrait bien être un fonds capable de réaliser des prouesses dans la foodtech. Surtout que peu d’acteurs de l’investissement se trouvent sur ce créneau. La foodtech a été un très gros sujet voici une dizaine d’années mais entretemps, elle a été un peu dépassée par la tech pure et dure qui permet d’espérer des croissances exponentielles, alors que ce n’est pas le cas dans la foodtech, où il reste toujours un côté tangible. Dès lors, sur ce créneau, il manque le pont entre les scale-up et les grandes entreprises multinationales. Et selon moi, c’est là que Kharis pense pouvoir se démarquer.”

“Dans la foodtech, il manque le pont entre les scale-up et les grandes entreprises multinationales. Selon moi, c’est là que Kharis pense pouvoir se démarquer.” – Pierre-Alexandre Billiet (Gondola)

Intervenir sur la stratégie

Et pour cela, pas question pour le fonds foodtech de Kharis de se limiter à injecter de l’argent dans les scale-up qu’il choisit. Il s’agit d’apporter bien plus que des fonds, avec aussi de l’expertise pour accélérer la croissance. L’approche de Kharis Food Tech Fund se veut impliquée “mais mesurée”, insiste Laurent Vermer. Loin de se contenter d’un rôle passif d’actionnaire financier, le fonds agit comme un véritable partenaire stratégique. “Nous ne sommes pas là pour prendre le contrôle, mais pour créer de la valeur avec l’entrepreneur”, souligne le responsable.

Concrètement, Kharis souhaite siéger au conseil d’administration, apporter son expérience sectorielle, son réseau international et sa capacité à aider l’entreprise à faire les bons choix à des moments clés : expansion géographique, structuration industrielle, stratégie commerciale…

L’équipe, composée d’ex-opérationnels de l’agroalimentaire, doit permettre de jouer un rôle de coach, de sparring-partner, mais, d’après le responsable du fonds, sans jamais s’immiscer dans la gestion quotidienne. “Dans certaines participations passées, nous avons été quasi opérationnels quand c’était nécessaire. Dans la foodtech, nous préférons rester au niveau stratégique, laisser les entrepreneurs aux commandes, et intervenir là où notre expertise fait la différence.”

Ingrédients alternatifs et automatisation

Pour l’instant, Kharis Food Tech Fund a investi dans quatre entreprises, toutes en dehors de la Belgique. Sa vocation n’est en effet pas purement noire-jaune-rouge, même si Laurent Vermer espère avoir au moins deux entreprises belges en portfolio, qui devraient, à terme, détenir des parts dans une grosse dizaine de scale-up d’ici deux ans.

D’ailleurs, le fonds prépare un deuxième tour de table pour grimper à 120 millions d’euros à investir. Il cherche des privés, des family offices et des institutionnels. Comme c’est d’ailleurs déjà le cas actuellement. Car on retrouve, au sein du Food Tech Fund de Kharis, des entités comme le fonds souverain irlandais, aux côtés de familles belges (qui restent discrètes…) et de Finance.Brussels.

“Nous avons investi dans une septantaine de fonds, admet Pierre Hermant, CEO de Finance.Brussels. La logique est triple. En passant par un fonds, comme celui-ci et d’autres, cela nous permet de couvrir le taux de casse de nos investissements directs dans les petites entreprises. Cela nous permet aussi d’avoir un accès à une expertise car ces fonds spécialisés dans un domaine bien précis peuvent nous éclairer sur certains dossiers. Et enfin, cela ouvre un réseau d’export potentiel.”

Parmi les segments que le fonds foodtech de Kharis souhaite explorer davantage, Laurent Vermer cite les ingrédients alternatifs – comme les substituts au cacao ou les peptides fonctionnels – qui tiennent une place centrale. S’y ajoutent la nutrition personnalisée, portée par l’essor de la médecine préventive et de la supplémentation sur mesure, la digitalisation des lieux de consommation, les cuisines automatisées ou encore les marques disruptives capables de créer un lien direct avec leurs consommateurs via le digital.

Quatre participations déjà au menu

1. Clone (France)
Clone développe des marques virtuelles de restauration, conçues pour les plateformes de livraison. En exploitant la capacité inutilisée des cuisines de restaurants partenaires, elle crée des revenus additionnels et offre de nouveaux concepts food sur Uber Eats ou Deliveroo. Clone gère déjà plus de 40 marques actives dans plusieurs pays européens.

2. Agwa (Israël)
Agwa propose des systèmes hydroponiques autonomes, gérés par intelligence artificielle, pour cultiver des légumes sans produits chimiques. Ciblant notamment les navires marchands, plus de 650 modules sont déjà installés sur des cargos pour garantir un approvisionnement régulier en produits frais.

3. Foodji (Allemagne)
Cette start-up munichoise révolutionne la restauration d’entreprise avec ses cantines digitales : des frigos intelligents installés dans des PME sans restauration collective. Les repas sont livrés plusieurs fois par semaine et accessibles 24/7 via une application. Quelque 600 machines sont déjà déployées à travers l’Allemagne.

4. KoRo (Allemagne)
KoRo est une marque de snacks sains et naturels, vendus en direct au consommateur via une plateforme D to C, mais aussi en retail. Sa croissance est portée par une forte communauté et une approche transparente, durable et qualitative. Présente dans plusieurs pays européens, KoRo accélère aujourd’hui son expansion omnicanale.

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