Google maintient les cookies tiers : une victoire temporaire pour la publicité personnalisée

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© Getty Images

Dans un retournement inattendu, Google a annoncé fin juillet qu’il n’abandonnera pas les cookies tiers sur son navigateur Chrome. Cette décision marque une nouvelle étape dans la longue saga de la protection de la vie privée sur Internet, où l’équilibre entre innovation technologique et respect des droits des utilisateurs reste précaire.

Les cookies tiers (ou cookies de suivi) sont de petits fichiers informatiques qui permettent de suivre les utilisateurs sur le web. Ces cookies, générés par les sites visités plutôt que par le navigateur lui-même, sont essentiels pour cibler les internautes avec des publicités personnalisées. Ces cookies construisent progressivement votre profil et permettent de proposer partout sur Internet la publicité la plus adaptée à vos envies par la magie d’un système invisible d’enchères automatisées auprès des annonceurs. C’est notamment à cause de cela que, par exemple, cette chaussure sur laquelle vous avez eu le malheur de cliquer une fois vous suit littéralement partout.

Cette pratique, bien que devenue omniprésente, reste controversée notamment en ce qui concerne la vie privée. C’est pourquoi elle est dans le viseur des régulateurs de l’Europe. C’est pourquoi aussi, ils auraient déjà dû disparaître de Chrome depuis longtemps déjà. Dès 2020, Google avait en effet promis de suivre l’exemple de Firefox et Apple (Safari) en mettant fin à leur utilisation. Pourtant en 2024, ils sont encore là. Et ne sont pas vraiment sur le point de disparaître. Cette suppression était prévue pour 2022, mais a été reportée à plusieurs reprises. Car si en janvier 2024, Google avait commencé à réduire progressivement l’utilisation des cookies, fin juillet, ces plans ont été discrètement abandonnés. Tout ça pour ça.

Volte-face

Après de nombreux reports, Google a finalement décidé de changer de tactique. Elle a annoncé le mois dernier qu’elle n’optait pas pour une suppression pure et simple de ces cookies, mais un compromis. Elle laisse désormais le choix aux utilisateurs. Ils peuvent soit maintenir les cookies tiers ou opter pour une alternative « plus respectueuse de la vie privée », via son initiative Privacy Sandbox. Celle-ci devrait permettre aux internautes de faire « un choix éclairé sur l’ensemble de leur navigation ».

Car contrairement aux cookies tiers, qui permettent le suivi individuel des utilisateurs, la Privacy Sandbox regroupe les utilisateurs ayant des comportements similaires dans des cohortes anonymes. En gros, cela doit permettre de cibler un groupe d’utilisateurs aux comportements similaires et non plus un utilisateur de manière individuelle. L’idée est de préserver la confidentialité des utilisateurs tout en permettant une certaine personnalisation des annonces.

De quoi aussi rassurer les régulateurs, en particulier en Europe, sans tuer totalement la vache à lait. Pour rappel, Google est le leader mondial de la publicité en ligne et a généré, en 2023, 238 milliards de dollars de revenus via cette activité.

Par ce tour de passe-passe, Google tente de concilier les exigences de transparence du RGPD avec les réalités commerciales de l’écosystème publicitaire. Et se place elle-même en position de force. En maintenant les cookies tiers, elle s’évite aussi les feux des autorités antitrust. Les tests autour du « Privacy Sandbox » comme solution alternative crédible aux cookies pour les autres acteurs de la publicité numérique se sont en effet révélés peu concluants. Certains acteurs n’hésitant pas à déposer plainte contre l’outil.  

Une annonce qui ne suscite pas un enthousiasme généralisé

L’annonce de Google a été accueillie avec des sentiments partagés. D’un côté, les défenseurs de la vie privée, comme l’activiste Johnny Ryan de l’Irish Council for Civil Liberties, restent sceptiques quant à la véritable intention de Google. Ryan a longtemps critiqué l’industrie de la publicité en ligne, affirmant que tant que des alternatives comme le Privacy Sandbox existent, les géants du web continueront à trouver des moyens de suivre les utilisateurs, même sans cookies tiers.

Et du côté des éditeurs de sites web et des annonceurs, l’on craint que la SandBox ne renforce encore plus le pouvoir de Google qui possède déjà une quantité massive de données utilisateurs. De leur point de vue, le maintien des cookies est donc plutôt une bonne nouvelle puisque celui-ci, même temporaire, offre un répit aux éditeurs dépendant de la publicité personnalisée pour leurs revenus. Car on l’oublie, mais de nombreux services “gratuits” (moteurs de recherche, chatbots et même sites d’actualités) en dépendent. Pour tenter d’y remédier, de nombreux sites cherchent à récolter eux-mêmes des datas. C’est pourquoi on vous demande de plus en plus de créer un compte ou de vous connecter. Accessoirement, les spécialistes s’accordent pour dire que les cookies tiers laissent de plus en plus leur place à ce qu’on appelle le Single Sign-On (ou « SSO ») qui consiste à permettre la connexion à un grand nombre de sites, application ou service par le biais d’un unique compte utilisateur et une seule authentification ou encore le « fingerprinting » (ou prise d’empreinte), qui vise à identifier un utilisateur de façon unique en utilisant les caractéristiques techniques de son navigateur.

Quoi qu’il en soit, la proposition de Google reste soumise à l’approbation des autorités de régulation qui ont ouvert des enquêtes sur la nouvelle pratique proposée.

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