E-commerce: votre “webshop” en 30 minutes ? Oui mais…
Nombreuses sont les plateformes qui permettent aux PME de lancer leur boutique en ligne rapidement et facilement. Pour quelques dizaines d’euros par mois, vous pouvez démarrer. Mais si vous voulez réussir, voici aussi ce qu’il faut savoir.
Plusieurs mois de confinement ont montré à de nombreux commerçants que la dépendance à un seul lieu physique, leur boutique, pouvait se révéler problématique en période de pandémie. Et la tension actuelle sur les conditions sanitaires ainsi que les craintes de reconfinement continuent de laisser planer un stress sur les ventes physiques. Au plus fort de la crise, l’e-commerce s’est donc sans surprise rapidement imposé comme solution à ceux qui ont été contraints de rester porte close. D’ailleurs, à l’inverse des e-commerces de voyage ou d’événements (concerts, etc.), certains créneaux de la vente en ligne ont littéralement explosé durant le printemps : la pharmacie, l’alimentaire et les produits frais, pour n’en citer que quelques-uns. Des start-up comme Newpharma, Kazidomi ou eFarmz ont ainsi vu leur chiffre d’affaires démultiplié.
Lancer son e-commerce ne se limite pas à avoir l’outil. Il y a bien d’autres questions à se poser avant.” Edouard Seynaeve, fondateur de l’agence spécialisée Wepika
Mettre le temps du confinement à profit pour tenter l’aventure e-commerce… Une opportunité pour certains. Mais une démarche carrément vitale pour d’autres. Il n’a donc pas fallu attendre longtemps avant que naissent une série d’initiatives émanant de grands acteurs belges, visant à accompagner ces néo-e-commerçants dans la création de leur webshop. Ainsi, Proximus s’est relancé sur ce marché avec le concept Bizz Online Webshop tandis que bpost s’est associée en juin à la start-up Shopitag pour démarrer “Tous les magasins en ligne”. Une collaboration qui a débouché sur une plateforme promettant à tout commerçant de pouvoir lancer son commerce en ligne en… 30 minutes.
Bpost pour le tout début
“Nous avons estimé que c’était notre rôle d’aider les commerçants à vendre en ligne, détaille Pascal De Greef, vice president parcels Benelux chez bpost. Une étude que nous avons menée montrait qu’un tiers des petits commerçants voulaient s’y lancer mais ne savaient pas comment démarrer. Nous avons dès lors cherché à connecter tous les blocs e-commerce pour leur simplifier la tâche.” C’est d’ailleurs le mot d’ordre de l’initiative de bpost : la simplicité. Michel Defloor, parcels director chez bpost, renchérit : “Nous proposons une solution assez simple, avec quelques options… Ce que cherchent les tout petits commerçants dont ce sont les premiers pas en ligne et qui n’ont ni connaissance ni expérience”. De la sorte, l’opérateur public autonome entre sur le marché disputé des plateformes software as a service (SaaS) logées dans le cloud et où se battent à la fois de grands acteurs internationaux emmenés par Shopify, géant canadien du domaine, et des firmes plus locales…
WiziShop, Bestelonline, Proximus, bpost, Shopify, Shopitag… Les propositions en ligne sont nombreuses, en plus des logiciels open source que sont Magento ou Prestashop. L’avantage de ces plateformes en ligne ? “Elles permettent d’aller assez vite et de tester des choses, observe Mike Vandehooft, cofondateur du plus gros e-commerce de pharmacie en ligne Newpharma (mais qui n’y a pas fait appel…). Elles disposent de designs tout faits qu’il suffit de paramétrer, elles permettent d’intégrer des solutions de paiement valables pour de nombreux pays et toute une série de modules très pratiques.”
Toutes, en tout cas, permettent de démarrer de rien, de tout créer en ligne de manière intuitive et de ne s’acquitter que d’un abonnement très abordable et de frais sur les transactions. Avec l’initiative bpost/Shopitag, il est même possible de se lancer gratuitement. Mais, c’est vrai, au prix d’une grosse limite : trois ventes par mois maximum. Viennent ensuite des formules à 25 euros ou 45 euros par mois. On commence dans les mêmes gammes de prix chez Shopify (29 dollars pour la première offre, puis 79 ou 299, offrant alors des fonctionnalités plus poussées). Du côté de Proximus, les formules Bizz Online webshop vont de 110 à 130 euros par mois et nécessitent 300 ou 500 euros de frais de démarrage. Encore abordable.
> Lire la suite de notre dossier ici: E-commerce: comment la Belgique peut rattraper son retard
Certes, le prix peut grimper dans certains cas, quand une série de fonctionnalités ou de plug-in payants viennent s’ajouter. “Il n’est pas rare de grimper à 200, voire 500, euros par mois si on désire utiliser un certain nombre de modules supplémentaires”, constate Edouard Seynave, fondateur de l’agence Wepika spécialisée en e-commerce. Reste qu’aujourd’hui, il est possible de se lancer dans ce genre de commerce en quelques clics et d’accepter des paiements en ligne via les principaux moyens populaires (PayPal, Bancontact, cartes de crédit, etc.).
Simplicité et rapidité
Bien sûr, l’argument “30 minutes” est quelque peu réducteur. Damien Jacob, fondateur de Retis, une agence de consultance en e-commerce, ironise d’ailleurs : “il faut sans doute déjà plus de 30 minutes pour bien lire et comprendre les conditions générales du service”, s’amuse-t-il. Et puis 30 minutes, c’est possible mais avec un catalogue de produits hyper limité. “On peut déjà démarrer, avoir son site web et quelques produits, répond Michel Defloor. Mais bien sûr, cela implique d’avoir à sa disposition un série d’éléments déjà prêts, comme les photos ou les fiches produits.” Prévoyez donc bien plus longtemps si vous devez seulement prendre vos produits en photo ou identifier leur contenu. “Néanmoins, ce type d’initiatives n’est pas à rejeter en bloc, continue Damien Jacob. D’abord, elles ont le mérite de montrer qu’aujourd’hui, il existe des solutions simples et rapides et qu’il ne faut donc pas forcément se lancer dans de longs et coûteux développements. Ensuite, elles permettent de se tester à la vente en ligne. Pour des petites initiatives, cela fonctionne parfaitement.”
110 euros : l’abonnement mensuel de base de la solution Bizz Online développée par Proximus.
Mais encore faut-il pouvoir fixer son choix sur la plateforme la plus en adéquation avec vos besoins. Dresser une liste de quelques fonctionnalités importantes à vos yeux peut vous aider à prendre la meilleure décision possible (lire l’encadré : “la checklist pour choisir sa plateforme”). Reste que “la plateforme est aujourd’hui devenue une sorte de commodité comme un logiciel comptable”, observe Edouard Seynaeve. “Lancer son e-commerce ne se limite donc pas à avoir l’outil. Il y a bien d’autres questions à se poser avant. Et trop de vendeurs oublient qu’une boutique en ligne nécessite de maîtriser bien d’autres éléments : le marketing, fondamental pour que les clients se présentent sur leur plateforme d’e-commerce, ou la logistique.”
Bien sûr, il est toujours possible de “bricoler de l’e-commerce et espérer quelques ventes”, concède Damien Jacob. “Mais il vaut mieux ne jamais foncer tête baissée, ajoute-t-il. Bien réfléchir à sa stratégie constitue, là aussi, le fondement d’une initiative à succès.”
Par contre, on pense souvent que les plateformes comme celle de Shopify, bpost/Shopitag ou les autres visent exclusivement des PME de quelques personnes, des petites boutiques locales, ou de jeunes marques de produits, voire des indépendants, qui ne font que ” quelques ventes par semaines “. Mais ce n’est pas toujours le cas. Loin de là. Même la start-up Cowboy qui vend des milliers de vélos en ligne utilise par exemple… Shopify (lire l’encadré “Cela ne sert à rien de réinventer la roue”).
“Cela ne sert à rien de réinventer la roue”
Spécialisée dans les vélos électriques, la scale-up bruxelloise Cowboy a, depuis le début, fait le choix de réaliser un maximum de ses ventes en direct. Comprenez: en ligne. Et à l’inverse de nombreux e-commerces, elle n’a pas choisi de développer elle-même un e-shop. Encore aujourd’hui, elle utilise la plateforme Shopify. “Nous avons choisi une plateforme pour nous concentrer sur notre business, détaille Tanguy Goretti, cofondateur de Cowboy. Cela ne sert à rien de réinventer la roue. Par ailleurs, cela présente plusieurs autres avantages : quand nous menons une action, quand nous lançons un produit, nous savons qu’il y aura du monde. Si nous avions notre propre site qui tourne sur un serveur, nous devrions veiller à ce qu’il tienne malgré un gros afflux de visiteurs. Ce n’est pas le cas ici. De plus, avec cette solution, une seule personne peut gérer l’entièreté du site.”
En fait, selon le cofondateur de Cowboy, utiliser Shopify ne présenterait aucune limitation. “Nous avons accès à toutes les données de surf et statistiques, précise-t-il. De même que nous avons la main sur la relation client, via le chat, les bots, etc”. Bien sûr, Cowboy paie plus que l’abonnement mensuel de 29 dollars… La scale-up fait appel au plan “Shopify Plus” qui démarre à 2.000 dollars mensuels et permet de faire appel à un responsable humain de Shopify. Plus une commission de 0,15% sur les transactions. Ce qui, sur la vente d’un vélo à 2.290 euros n’est pas énorme : moins de 4 euros…
Pas limité par la quantité
“Il est possible d’avoir un vrai business qui tourne tout en restant sur une plateforme SaaS“, soutient Thierry Depuyt, fondateur du site de la boucherie Côte à l’Os. Ce boucher de Péruwelz l’a lui-même expérimenté. Son e-commerce, il l’a lancé sur WiziShop, plateforme française clé en main, il y a quelques années. L’an passé, sa vente en ligne au travers de son site représentait environ 20% de son activité et enregistrait, avant le confinement, jusque 200 commandes… par jour ! Et pas moins de 600 en plein lockdown.
Mais développer un e-commerce avec ce genre de site vous confronte parfois à diverses limitations qui peuvent se révéler compliquées à terme. “Ce qui bloque, ce ne sont donc pas les quantités de vente, mais un certain nombre de fonctionnalités cruciales comme l’intégration avec le système IT de l’entreprise ou la gestion des stocks, le back office“, précise Damien Jacob. La plateforme web de Thierry Depuyt ne communiquait ainsi avec aucun système de son magasin : pas de prix uni- fié, pas de comptabilité intégrée, etc. “La vente en ligne, cela implique souvent un double travail, en plus de la gestion de la boutique physique”, admet le boucher qui, depuis, a justement abandonné sa boutique physique.
Par ailleurs, utiliser ce type de plateforme rend de facto les e-commerçants tributaires des choix de leurs prestataires, de leurs options et de leurs conditions générales. “Si une plateforme décide d’augmenter ses tarifs, vous n’avez pas vraiment le choix”, souligne Damien Jacob. Mais surtout, l’e-commerçant peut rapidement s’estimer bloqué par le nombre parfois limité d’options disponibles. Pas mal de commerçants auront en effet des demandes particulières en lien avec leur business. Par exemple, certaines plateformes ne permettent pas de vendre au poids, mais seulement à l’unité. Et plus rares encore sont celles qui autorisent la vente à la longueur. “J’ai récemment changé de prestataire pour permettre justement d’intégrer la vente au poids, souligne Thierry Depuyt de Côte à l’Os. C’est évidemment très important pour nous. Par ailleurs, j’ai également beaucoup cherché pour trouver un site qui permette de gérer de manière très précise les horaires car, dans mon cas, je suis lié à des moments de collecte, etc.”
Trafic, marketing et logistique
Autre grande question : le trafic. Créer son webshop est une chose, mais une fois que la boutique est en ligne… tout commence seulement. Il faut parvenir à attirer le chaland, puis à lui faire acheter. En gros : générer du trafic et s’assurer de la conversion, un métier que beaucoup de commerçants ne maîtrisent pas sur le Web. La plupart du temps, il faut une stratégie réseaux sociaux qui ne se révèle efficace qu’en achetant de la visibilité et donc, en ouvrant son porte-monnaie. Mais il faut aussi veiller à ce que le site soit bien référencé dans les moteurs de recherche comme Google. Ce qui, à en croire Edouard Seynaeve, peut constituer un problème avec certaines plateformes. “Le commerçant doit être là où les clients se trouvent, insiste l’expert. C’est-à-dire sur les réseaux sociaux, les marketplaces et les moteurs de recherche. Or, avec ces plateformes, le référencement naturel est souvent un problème. “
L’homme a pu faire le test en utilisant le nom des boutiques et de produits qu’elles vendent… sans jamais parvenir à les trouver. Quant à l’achat de mots-clés pour être plus présent, cela ne s’improvise pas. Imaginez que vous vendiez des jeans “grandes tailles”. Si vous achetez le mot-clé “jeans”, vous payerez sans doute plusieurs euros par clic… mais pourriez surtout attirer des gens qui cherchent un nouveau jean… et pas des “grandes tailles”. Résultat : vous payez pour du trafic non qualifié qui, de toute manière, ne trouvera pas son bonheur sur votre site.
Enfin, autre gros écueil possible : la logistique. “C’est souvent elle qui fait flancher un projet d’e-commerce, observe Damien Jacob. La plupart des commerçants sous-estiment les questions liées à la livraison et au service client”. D’abord, tous les petits commerçants n’ont pas conscience des coûts d’emballage, de manutention et d’envois. Des coûts pourtant fondamentaux à prendre en compte dans ses marges. Surtout que le consommateur est de moins en moins prêt à payer pour la livraison. Et puis, la gestion des envois est rarement une mince affaire. Dans un premier temps, la boutique qui ne réalise que quelques ventes par semaine peut inciter un employé flexible à emballer les produits, puis à se rendre au bureau de poste. Mais cela devient rapidement un véritable fardeau. D’où inefficacité et perte de rentabilité. Il faut alors penser à un prestataire externe. “La gestion de la logistique, qui comprend l’emballage et l’envoi, peut dans certains cas être proposée à des acteurs extérieurs comme bpost, précise Pascal De Greef. Mais cela a généralement peu de sens et se révèle très onéreux si l’on n’enregistre que quelques commandes par semaine. Quand elles commencent, la majorité des PME s’occupent donc de ce poste en interne. En moyenne, sur le marché, on estime que cette alternative est intéressante autour de 500 colis par mois.”
Certes, ces dernières problématiques interviennent après la création de la boutique en ligne. Mais comme le rappelle Damien Jacob, au moment de se lancer dans l’e-commerce, déjà anticiper sa vision à plusieurs années reste une démarche pertinente qui permet de prévoir les évolutions et de réaliser les bons choix d’entrée de jeu. Certaines plateformes cloud sont ainsi capables d’accompagner les e-commerçants qui grandissent et de leur permettre de passer sur des formules plus solides (mais plus onéreuses). Cette capacité peut aussi être un critère de choix dès le départ : car devoir changer de solution technique en cours de développement, c’est souvent devoir aussi assurer la migration des fiches produits, des fichiers clients, etc.
On le constate, se lancer dans l’e-commerce ne s’improvise vraiment pas, même avec des options “30 minutes”. Et s’il existe des solutions pour chaque type de commerçant selon ses besoins, encore faut-il vraiment trouver la bonne, celle qui s’applique à vous aujourd’hui… et vous conviendra demain, si votre e-commerce cartonne.
La checklist pour choisir sa plateforme
Menez une recherche en ligne pour lancer votre e-shop et vous vous apercevrez rapidement que la liste des solutions offertes est longue. Très longue. A côté des Prestashop et Magento, solutions open source, une série de plateformes vous permettent de créer votre magasin en quelques clics, puis l’hébergent. Voici quelques questions à vous poser avant de vous lancer.
Quels sont les tarifs ?
Vous payez généralement un abonnement mensuel. Et vous cédez une commission sur les transactions. Par ailleurs, certaines fonctionnalités ou modules supplémentaires peuvent aussi s’avérer payants. Gardez bien ces réalités en tête quand vous faites vos calculs. Et estimez bien les coûts réels de vos commandes quand elles augmenteront.
Quelles solutions de paiement ?
Pour séduire un internaute et le convaincre de payer en ligne, il faut lui proposer les moyens de paiement qu’il a coutume d’utiliser. Bancontact en Belgique, Ideal aux Pays-Bas, PayPal, etc. Vérifiez aussi non seulement que les plateformes choisies permettent les solutions adaptées à votre public cible actuel… mais aussi celui que vous cherchez sur le Net.
Quelles intégrations ?
Dès que la vente en ligne prend de l’ampleur, il peut être important de lier la boutique à vos solutions IT interne, comme votre ERP, votre comptabilité, etc. Est-ce possible ou pas avec les plateformes proposées ?
Quels modules de livraison ?
Avec quelles solutions la plateforme que vous allez utiliser peut-elle communiquer ? Aujourd’hui, il faut le savoir, le consommateur est de moins en moins prêt à payer pour la livraison.
Quelles langues ?
L’e-commerce est par nature international. Si vous comptez proposer votre produit en dehors de votre zone géographique francophone (on est vite en Flandre ! ), veillez à ce que la plateforme choisie prenne en charge les langues souhaitées.
Jusqu’où personnaliser ?
Dans un premier temps, vous vous contenterez peut-être d’une boutique assez standard. Et puis vous voudrez la personnaliser de plus en plus. Quels améliorations pourrez-vous apporter ? Et êtes-vous sûr que votre site web sera bien paramétré pour le mobile ?
Quels outils marketing ?
Certaines boutiques permettent de lier des systèmes de newsletter, de propulser des produits sur un shop Facebook, etc. Des solutions peuvent même organiser des relances automatiques lorsqu’un utilisateur a abandonné son panier en cours de route, etc.
Quelles statistiques ?
Les données sont le moteur du numérique. Combien de temps vos utilisateurs restent-ils sur votre site ? Quels produits sont-ils les plus présents dans les paniers ? Combien de clients abandonnent-ils leur processus d’achat ? Ces informations, si précieuses pour piloter votre démarche online, ne sont pas forcément disponibles sur toute les plateformes…
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