Airbnb, Google, Uber: les secrets de leur croissance exponentielle

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Google, Uber ou Airbnb ont un point commun : leur succès repose sur une géniale idée technologique. L’auteur américain Salim Ismail explique à quel point ce succès résulte de leur organisation interne. Les entreprises traditionnelles pourraient s’en inspirer…

Pourquoi Google Ventures parvient-elle à s’affranchir du processus de conception 10 fois plus rapidement que la moyenne des entreprises ? Pourquoi Airbnb a 90 fois plus d’offres par salarié que ses concurrents ? Pourquoi la plateforme d’inventeurs Quirky réussit-elle à boucler le développement d’un produit en un peu moins d’un mois, alors que les autres entreprises ont besoin d’une année pour y parvenir ? L’auteur et entrepreneur américain Salim Ismail, qui a lui-même vendu son entreprise de croissance à Google, s’est posé ces questions et a étudié la dynamique de ce qu’il appelle les “organisations exponentielles”. Son livre homonyme, fruit de ces recherches, est l’un des ouvrages de management les plus prisés actuellement aux Etats-Unis.

La thèse étonnante véhiculée par ce livre est que la croissance exponentielle d’Airbnb et autres ne découle pas de la technologie en soi, mais de la manière dont ces entreprises sont organisées. La technologie fait plutôt office de levier crucial. “La technologie permet aux jeunes entreprises d’enregistrer une croissance exponentielle. Les structures traditionnelles en sont moins capables en raison de leur organisation linéaire. Plus de hiérarchie, plus de silos”, explique Salim Ismail. Il distingue ainsi 11 techniques mises en oeuvre par les organisations exponentielles. Même si elles ne les appliquent pas toutes simultanément : Google, par exemple, n’en utilise que neuf.

Le fil rouge consiste à exploiter des ressources qui ne relèvent pas des fonds propres : faire appel à une communauté de consommateurs pour l’innovation, les tests et le financement, utiliser des algorithmes pour comprendre les consommateurs et les produits, et sous-traiter les actifs opérationnels comme les machines destinées à fabriquer les prototypes. De telles interventions allègent les coûts. En outre, leur efficacité et leur capacité à générer de la croissance dérivent de la manière dont les organisations exponentielles intègrent ces sources externes dans leur structure, également décrite avec une grande précision par l’auteur. Ismail souligne l’utilisation d’algorithmes, de logiciels, de workflows et des systèmes qui mesurent la performance des sources externes. Les jeunes entreprises technologiques y associent souvent une culture interne qui favorise l’expérimentation et la prise de risques, et ne pénalise pas l’échec. Le tout dans un environnement lean, avec beaucoup d’autonomie et peu de hiérarchie. La technologie sociale (comme celle utilisée par Wikipédia) constitue l’un des principaux moteurs de ce système de collaboration interne. Encore plus caractéristique des organisations exponentielles : l’association de la croissance à une raison d’être très novatrice. La plateforme d’inventeurs de Quirky, basée à New York, promet par exemple de parcourir un cycle produit complet en 29 jours (au lieu de 300).

Apprentissage structuré

La culture d’organisation que dépeint Salim Ismail n’est pas l’apanage des Airbnb et autres Quirky. L’auteur cite également certaines multinationales telles que GE, Procter & Gamble ou encore Coca-Cola. Pour autant, ce modus operandi n’est pas propice à n’importe quelle entreprise. “Il est impossible de transformer d’un coup de baguette magique une entreprise existante, surtout si elle présente déjà une certaine taille, en une nouvelle organisation exponentielle. C’est tout simplement trop radical.” Salim Ismail propose dès lors une solution plus polyvalente aux entreprises existantes.

Pour son coauteur néerlandais Yuri van Geest, cette solution part d’une transformation du leadership. Selon lui, un chef d’entreprise peut investir dans la formation et dans une plus grande diversité au niveau managérial et exécutif afin de redynamiser l’entreprise. Un deuxième conseil pratique donné par Salim Ismail et Yuri van Geest consiste à collaborer ou à racheter des organisations exponentielles. Enfin, ils préconisent d’intégrer progressivement les éléments propres aux organisations exponentielles dans l’ancienne culture d’entreprise. “Mais il est important de procéder de manière très structurée, insiste Salim Ismail. Si vous avez 200.000 collaborateurs en service, il est impossible d’introduire cinq de nos techniques du jour au lendemain. Cela suscitera la confusion dans le chef des travailleurs, des clients et des partenaires.”

“La technologie est le levier : elle assure une croissance exponentielle aux jeunes entreprises.”

Il est indiqué de travailler sur des projets ciblés, à partir de l’organisation existante et en petites équipes. Les entreprises choisissent et planchent sur une des 11 techniques. L’exemple type – cela ne surprendra personne – est Apple, qui a ainsi étendu progressivement ses activités de l’informatique à la musique, puis à la téléphonie mobile. “Coca-Cola et General Electric ont également franchi une importante étape vers une philosophie plus expérimentale l’an dernier, souligne encore Yuri van Geest. Ces entreprises ont investi dans la méthodologie lean start-up afin d’apporter des changements dans leurs activités courantes. Vous importez ainsi les caractéristiques d’une organisation exponentielle dans vos propres activités, que vous pouvez ensuite accélérer. Il est également essentiel de placer ces nouvelles initiatives sous l’autorité du CEO et de chercher à créer une dynamique, des motivations et une manière propre d’enregistrer des succès.”

Les indicateurs clé de performance

Un élément très concret de cette dynamique est la manière dont Salim Ismail et Yuri van Geest considèrent les key performance indicators (KPI), ou indicateurs clé de performance, des organisations exponentielles. Les auteurs décrivent notamment le système KPI utilisé par des entreprises comme Intel ou LinkedIn, qui associent des indicateurs financiers à des objectifs pour des projets à cycle court. Ce n’est pas le management qui détermine les KPI, mais les collaborateurs, des équipes en autogestion et leur manager. “L’approche traditionnelle, hiérarchique, des KPI présente souvent une forte connotation financière et fonctionne avec des délais fixes. Dans un tel système, vous travaillez avec des objectifs et des évaluations hebdomadaires. C’est efficace parce que vous pouvez mesurer le changement et apporter des rectifications dans les différentes strates de l’entreprise. Ce qui vous donne la certitude que le changement est réellement implémenté.”

Pour bien évaluer les indicateurs du changement vers une organisation exponentielle, il est conseillé d’associer son propre historique en matière de KPI à de nouveaux éléments. Un exemple est le diagnostic de caractère “extensible” de votre organisation, la vitesse à laquelle elle peut croître, en quelque sorte. Le système examine les différentes branches de l’entreprise et indique où des extensions sont réalisables ou pas. “De cette manière, vous pouvez déterminer l’impact réel du changement avec une grande précision”, conclut Salim Ismail.

Salim Ismail et Yuri van Geest figurent parmi les orateurs qui interviendront au Sommet européen de la Singularity University, qui se tiennent ces 19 et 20 novembre à Amsterdam.

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