“A l’heure d’une super IA, les 7000 milliards d’Altman ne sont pas démesurés”
Le patron d’OpenAI semble vouloir mobiliser pas moins de 7000 milliards de dollars pour restructurer l’industrie des semi-conducteurs. Des montants qui semblent totalement fous, voire impossibles à obtenir. Mais le docteur Laurent Alexandre analyse ce projet avec un regard bien différent.
Sam Altman, le patron d’OpenAi est constamment dans l’actualité. Son dernier projet alimente plus que jamais les conversations… et les interrogations. Il souhaiterait mobiliser 7000 milliards de dollars pour redessiner l’industrie des semi-conducteurs. Est-ce réaliste, et pourquoi se lance-t-il à l’assaut de ce marché ? Trois questions à Laurent Alexandre, observateur avisé du marché de l’IA.
T.T.: Sam Altman souhaite jouer un rôle dans l’industrie future des semi-conducteurs qui permettent de faire tourner l’IA. Pourquoi est-ce si important pour lui ?
Laurent Alexandre : Par son ambition d’intervenir dans l’industrie des puces, Sam Altman montre que le frein majeur aux futurs développements de l’intelligence artificielle n’est plus l’accès à la donnée… mais la puissance informatique. La donnée ne serait plus un problème, sans doute parce qu’aujourd’hui on peut entraîner l’IA sur des data synthétiques, c’est-à-dire générées par l’IA elle-même. Pour Altman, le nouveau défi est clairement la puissance informatique, en particulier les GPU, ces puces sur lesquelles repose l’IA. Sans accès suffisant aux GPU, sa capacité à innover et à progresser dans le domaine de l’IA est sérieusement entravée. Surtout qu’il se montre convaincu, et travaille d’ailleurs d’arrache-pied à cela : pour lui la « super IA », c’est-à-dire une IA plus intelligente que l’être humain, est atteignable dans un horizon pas si lointain. Pour y parvenir, il faut s’assurer de puissance de calcul. Donc des semi-conducteurs…
En affichant son souhait de rassembler 7000 milliards de dollars, une somme faramineuse, ne ridiculise-t-il pas l’Europe qui, via Thierry Breton, a annoncé un plan pour ramener une partie de l’industrie des semi-conducteurs en Europe grâce à un plan à… 100 milliards ?
L’Europe a effectivement fait un choix stratégique en développant des partenariats pour la construction d’usines en Europe, notamment avec Intel et TSMC. Mais on ne parle pas des mêmes puces. Dans le cadre de l’Europe, cela vise à rattraper un certain retard dans la fabrication des puces CPU. Alors que pour l’IA, on parle de puces GPU. C’était important de le faire, mais cela ne positionne pas l’Europe sur la carte de l’IA. On voit désormais avec des start-up comme Mistral qu’il est possible de développer en Europe des modèles d’IA concurrentiels. Mais pour viser un peu d’autonomie européenne en matière d’intelligence artificielle, il faudrait aussi disposer d’un cloud européen et de production européenne de puces. Ce n’est pas le cas, malheureusement.
Sam Altman ne pète-t-il pas les plombs avec des montants comme 7000 milliards de dollars pour redessiner l’industrie des semi-conducteurs. Est-ce réaliste ?
Si on analyse cela avec l’état d’esprit de 2023/2024 où l’intelligence artificielle reste un marché relativement réduit, les 7000 milliards d’Altman semblent irréalistes et complètement fous. Mais si l’on se place dans la perspective d’Altman, c’est autre chose. Le boss d’OpenAi anticipe une révolution technologique menée par la super IA dans les prochaines années. Cette super IA dans laquelle il croit (et il est quand même aux premières loges et ne s’est jamais trompé dans ses prédictions liées à l’IA!) sera terriblement puissante. Elle pourra trouver de nouveaux médicaments en quelques instants, imaginer de nouveaux matériaux, etc. Ce qui ouvre totalement le champ des possibles et bouleversera totalement l’économie mondiale. Il s’agit d’une transformation fondamentale du business. Toute l’économie mondiale serait alors redessinée autour de l’IA. Et les entreprises capables de développer et de maîtriser la super IA pourraient atteindre des valorisations inimaginables, en révolutionnant des secteurs comme la médecine et bien plus encore. On ne parlerait plus d’entreprises valorisées en milliers de milliards… mais en dizaines de milliers de milliards, voire en centaines. On changerait totalement de niveau. Dans une économie radicalement transformée par la super AI, l’investissement de 7000 milliards pour la fabrication de puces GPU ne semble alors plus si démesuré.
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