Taxer les riches? Mais à partir de quel seuil est-on riche?

Amid Faljaoui

La question se pose déjà mais se posera avec beaucoup plus de virulence en automne: “qui va payer l’ardoise du Covid-19?”. D’emblée, oublions les délires sur l’annulation totale de la dette publique liée au coronavirus: les Allemands et les pays nordiques – rebaptisés “frugaux” – ne voudront pas galvauder la signature de leur Etat. Comme d’habitude, le débat sur l’annulation de la dette publique ne dépassera pas les frontières de la France et de la partie francophone de la Belgique. Normal, c’est un marronnier qui refleurit à chaque crise. Mais au bout du compte, les Allemands, les vrais patrons de l’Europe, nous rappelleront qu’il n’y a pas pire ennemi de l’économie que l’alchimie. En revanche, il y a une certitude: les “riches” devront payer en partie cette crise.

Les “riches”, à défaut d’être responsables, seront la victime médiatique des frustrations générales.

Pourquoi écrire “devront” alors qu’ils n’y sont pour rien? Pourquoi les mettre à contribution alors qu’ils sont affligés autant que vous et moi par ce virus qui ne fait aucune différence en matière de statut social? Parce que les riches sont supposés avoir les “épaules plus larges” que les autres. D’ailleurs, par pudeur envers ces futurs guillotinés, les politiques préfèrent parler des personnes “plus aisées” ou des “épaules les plus larges” afin d’éviter un terme fleurant bon la lutte des classes.

En réalité, la question ne se pose même plus. Pour éviter l’éclosion d’une montagne de gémissements, Jamie Dimon, le patron emblématique de la banque américaine JP Morgan, a même demandé à ce que les riches paient une sorte d’impôt de crise. Solidaire mais exceptionnel dans son esprit. Leurre classique: Jamie Dimon n’est pas vraiment un patron de gauche mais il a compris que si les plus nantis ne font pas un effort de solidarité, l’effet boomerang sera douloureux. Bref, autant anticiper les réactions de la population et choisir soi-même son impôt de crise plutôt que de se le faire imposer par les partis politiques les plus extrêmes. D’ailleurs, le FMI, un organisme international qui n’est pas connu pour son gauchisme extrême, ne dit rien d’autre. Dans son dernier rapport, il préconise de faire payer les “riches”, non parce que l’impôt qu’ils paieront va régler notre dette publique, mais parce que c’est un symbole fort.

En Europe, nos gouvernants n’ignorent pas qu’il y a un rejet des élites politiques, journalistiques (d’où le succès des réseaux “asociaux”) et même des experts. A nos portes, en France, les derniers sondages font état d’un deuxième tour de l’élection présidentielle entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Avec la crainte de voir cette dernière accéder à la présidence. Le mot d’ordre des politiques, c’est d’éviter les débordements sociaux. Sachant que l’esprit contemporain ne supporte plus l’existence d’un problème sans solution, ni de catastrophe sans responsable, les “riches”, à défaut d’être responsables, seront la victime médiatique des frustrations générales.

Mais encore faut-il définir qui est riche? Et c’est là que les choses s’avèrent complexes à mettre en oeuvre. Plusieurs sondages réalisés en France ont montré que le riche n’est pas celui qui a un yacht, une splendide villa à Saint-Tropez, etc. Non, le “riche”, c’est notre voisin, celui ou celle qui gagne juste le double de notre salaire! Sachant que le salaire moyen en 2021 en Belgique est d’environ 2.000 euros, un riche en Belgique ou en France est donc quelqu’un qui gagne 4.000 euros par mois. D’ailleurs, c’était le seuil de richesse établi par François Hollande, l’ancien président français. Le souci, c’est que lui gagnait à l’époque 28.000 euros par mois. Le clin d’oeil avec l’actualité est clair: 28.000 euros par mois, c’est exactement le seuil fixé par Joe Biden pour taxer les riches aux Etats-Unis. Soit 400.000 dollars par an. Comme quoi les “riches” des uns sont les “pauvres” des autres.

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