Surprise, la BCE ampute de 6 milliards le bénéfice des banques européennes
La BCE a décidé de ne plus rémunérer les réserves obligatoires des banques. Perte pour celles-ci : 6 milliards. Mais elle continue de rémunérer les liquidités déposées chez elle. Gain pour les banques: 135 milliards.
Les observateurs attendaient avec une certaine impatience la décision de la Banque centrale européenne ce jeudi. Leur attention était tournée en direction du principal taux directeur, celui qui décide des rémunérations à court terme, le taux des opérations principales de refinancement. Or jeudi, ce taux a été relevé de 25 points de base, pour passer de 4% à 4,25%.
Réserves obligatoires
Parallèlement, la BCE a relevé, de 25 points également, ses deux autres taux directeurs : le taux de la facilité de prêt marginal (un ligne utilisée quand les banques ont besoin de davantage de liquidités encore que celles qui leur ont été octroyées lors des opérations principales de refinancement) a été rehaussé à 4,50% et celui de la facilité de dépôt (le taux qui rémunère l’excès de liquidités que les banques déposent auprès de la banque centrale) passe lui à 3,75%.
La surprise, cependant, ne vient pas de ces décisions, attendues, ni du commentaire prudent qui les entoure et qui laisse espérer une pause dans la hausse des taux puisque les banques octroient désormais moins de crédits, que l’économie refroidit et que l’inflation recule. Non, la surprise vient de la décision de la BCE de ne plus rémunérer les réserves obligatoires que les banques déposent chez elle. On ne parle pas ici des liquidités excédentaires, mais des réserves que les banques sont obligées de laisser en dépôts auprès des banques nationales qui font partie de l’Eurosystème. En Belgique, les banques doivent donc déposer une partie de leurs réserves auprès de la Banque nationale. Ces réserves sont fixées pour une période de six à sept semaines et sont calculées sur la base du bilan de chaque banque.
Moins 6, plus 135
Actuellement, les banques doivent placer ainsi un minimum de 1 % de leurs engagements (il s’agit essentiellement des dépôts des clients). Aujourd’hui, un peu plus de 165 milliards d’euros sont donc gelés auprès des banques centrales de la zone euro. Mais jusqu’à présent, cet argent était rémunéré, à hauteur du taux de la facilité de dépôt, qui vient donc de passer à 4%. Si l’on fait un rapide calcul, cette décision de jeudi, si elle reste inchangée pendant un an, ampute donc le bénéfice des banques de 6 milliards d’euros. Cette décision surprise a sans doute été prise pour refroidir l’octroi de crédit, mais aussi pour faire taire les critiques qui estiment que les banques européennes gagnent bien trop d’argent en se contentant de placer leur argent à la BCE.
Mais il n’est pas sûr que ces critiques se taisent. Paul De Grauwe estimait hier sur Twitter (pardon, sur « X ») que ce n’était « pas une si bonne nouvelle après tout ».
Ramener le taux d’intérêt sur les réserves obligatoires à 0 ne réduit la rémunération des réserves bancaires totales des banques qu’à des « cacahuètes ». « Les banques continuent de bénéficier de transferts massifs aux dépens des contribuables », dit-il.
En effet, les banques continuent de profiter d’une rémunération en hausse sur le montant, bien plus important (3.600 milliards aujourd’hui), des liquidités en excès déposées auprès de la BCE. Le taux sur ces liquidités passe, rappelons-le, à 3,75%. Ce qui fait que si cette situation devait perdurer un an, les banques, en plaçant leur argent à la BCE, perdraient d’un côté 6,4 milliards d’euros, mais gagneraient 135 milliards de l’autre.
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