“Le travail étudiant a permis la continuité de l’activité chez Delhaize”

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Emmanuel Wauters, avocat en droit social chez MVVP, ne trouve guère judicieux d’interdire le recours aux étudiants en cas de grève, comme le prévoit le ministre Dermagne (PS). Il est partagé sur l’extension de la loi Renault et évoque un risque de “politique spectacle”. Trois questions, trois réponses.

1. Le projet de loi du ministre fédéral Pierre-Yves Dermagne prévoit d’élargir la loi Renault après la crise chez Delhaize. Judicieux?

Le premier volet du projet concerne le sort des travailleurs des magasins Delhaize transférés vers les entreprises franchisées. Ils ne peuvent pas être licenciés, sauf exception. Le projet prévoit une obligation pour le franchisé d’informer le personnel sur les conséquences sociales de la reprise, avec sanctions si ce n’est pas fait. Le repreneur doit respecter les conditions de travail et de rémunération qui s’appliquaient auparavant au personnel repris, mais il peut les renégocier, avec l’accord du travailleur. Cette obligation d’information l’obligerait à jouer d’emblée cartes sur table au sujet de ses intentions.

L’autre volet concerne le licenciement envisagé de 270 personnes au siège central. Delhaize dit que ce n’est pas un licenciement collectif parce qu’il sera étalé dans le temps. Le ministre propose d’élargir la période de référence de 60 jours à 120 jours et l’obligation pour l’employeur de prévoir des mesures destinées à favoriser la réintégration des travailleurs licenciés sur le marché du travail. L’extension du délai de référence n’aura pas d’impact parce que Delhaize envisage d’étaler les licenciements sur un an ou deux. Par contre, les mesures de réinsertion sont intéressantes car notre législation est trop axée sur l’indemnisation du travailleur.

2. Le texte prévoit l’interdiction, pour un employeur, de faire appel à du personnel sous contrat étudiant en cas de grève des salariés, pour raisons de sécurité. Possible?

Il n’y a pas, aujourd’hui, d’interdiction de recourir à des travailleurs étudiants en cas de grève. La loi n’interdit que le recours aux intérimaires. Cette interdiction répondrait au fait que Delhaize a recouru à beaucoup d’étudiants pour garantir la continuité de ses magasins. Est-ce possible? Oui. Le législateur reconnaît déjà ce risque de sécurité propre au travail étudiant. Mais ce qui permettra à Delhaize de revendre ses magasins, c’est précisément qu’il y ait une continuité de l’activité. C’est cela qui permet de sauver l’emploi. Ce n’est donc guère judicieux.

3. Le PS souhaite fédérer les différents franchisés sous une même unité technique d’exploitation (UTE) pour garantir la représentation syndicale. Envisageable?

C’est irréaliste. Cela ne figure d’ailleurs pas dans le projet du ministre. La concertation sociale, en Belgique, s’organise au niveau de l’unité technique d’exploitation. Il peut s’agir de différentes entités de l’entreprise, mais pour autant qu’elles aient des liens sociaux et économiques suffisamment forts: une seule politique du personnel, un directeur du personnel, un règlement de travail, un même lieu… Ce n’est pas le cas pour les franchisés, même si l’enseigne est la même.

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