Le bon air de la mer: autant en emporte les PFAS
Encore un cliché qui s’effondre: en Flandre, les PFAS sont partout, mais en bord de mer, ils sont beaucoup plus présents qu’ailleurs !
Les professionnels du tourisme côtier en auront avalé leur café de travers. Par rapport à Dessel, commune champêtre de Campine choisie comme référence, la concentration des PFAS dans l’air est 10 à 40 fois supérieure dans le port d’Anvers et 60 fois supérieure en bord de mer. Seuls les environs immédiats de 3M et du chantier appelé à boucler le ring d’Anvers sont davantage pollués avec des concentrations 100 à 2.500 fois supérieures à celles mesurées en rase campagne.
Telles sont les conclusions d’une campagne de mesures menée par le centre de recherches flamand VITO, spécialisé en technologies propres et développement durable. En les rendant publics, la Flandre joue la transparence. Elle vient, il est vrai, d’avoir été crossée voici quelques semaines par le tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles. Dans un jugement qui fera date, ce dernier considère en effet, pour la première fois dans notre pays, que les pouvoirs publics ont un devoir d’information lorsque la santé de la population se trouve menacée. Pour 3M en effet, dont le scandale éclatera en 2021, la Flandre savait depuis 2017 mais avait préféré sceller la vérité !
La “molécule miracle” devenue cauchemar
Les résultats de cette première enquête d’envergure menée en Flandre sont étonnants. La Région comporte certes une soixantaine d’installations industrielles potentiellement génératrices de PFAS mais elles ne sont pas littorales. C’est la faute aux vagues, explique dans De Standaard Jacob de Boer, professeur émérite à l’Université libre d’Amsterdam.
Les milieux marins n’échappent pas aux PFAS et l’Afsca a déjà constaté l’an dernier un dépassement des normes dans un échantillon de crevettes grises. Ces derniers sont toutefois davantage présents dans l’écume des vagues que dans l’eau ainsi que vient de le révéler une étude effectuée le long des côtes néerlandaises. Emportés par le vent, les PFAS sont ainsi naturellement transportés jusqu’aux plages. Le phénomène ne touche pas que celles du Zoute et de Duinbergen retenues dans le cadre de l’analyse de VITO mais a également été observé des Pays-Bas à la Suède, dans diverses zones littorales.
Plébiscités depuis les années 1950 pour la facilité avec laquelle ils rendent les produits antiadhésifs, imperméables à l’eau et aux graisses ou résistants à la chaleur intense, les alkyls perfluorés et polyfluorés (PFAS) ont, depuis, eu le temps de se répandre dans la nature. Et ce sont précisément leurs qualités, si appréciées des industriels, qui rendent leur dégradation naturelle quasi impossible.
Les PFAS sont aujourd’hui plusieurs milliers, tous composés d’une chaîne d’atomes de carbone sur laquelle des atomes de fluor ont été ajoutés et la liaison carbone-fluor est hélas, une des plus fortes connue en chimie organique. La “molécule-miracle” est devenue cauchemar ! Certes, les concentrations mesurées restent – à deux exceptions près – inférieures aux maxima actuellement préconisés. Mais ce n’est pas une raison, insiste le professeur de Boer, pour les trouver “normales”.
Guillaume Capron
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