Hydrolyse alcaline: quand le défunt choisit de disparaître dans l’eau

Nettement plus écologique que la crémation, l’hydrolyse alcaline sera prochainement testée en Flandre. Techniquement, le procédé est au point. Reste la question de son acceptation.
Pratiquée depuis des temps immémoriaux, l’incinération des défunts était considérée par Charlemagne comme un rite païen incompatible avec la christianisation en cours de son royaume. Un millénaire durant, l’inhumation sera donc la règle jusqu’au moment où, en 1931, un héros de la Grande Guerre bien oublié aujourd’hui, le général Louis Bernheim, demande à être incinéré. La législation belge ne le prévoyant pas, son vœu sera exaucé à Paris.
Dans la foulée, laïques et catholiques s’affrontent durement. La crémation n’est finalement autorisée qu’avec une seule voix de majorité au Sénat. La première incinération du pays intervient à Uccle en 1933. Trente ans plus tard, l’Église catholique supprime l’interdiction d’obsèques religieuses pour les personnes qui ont choisi la crémation.
Cet assouplissement transforme au fil des ans ce qui était au départ un choix personnel – et souvent philosophique – en fait de société. Près de huit personnes sur dix (78%) se font aujourd’hui incinérer en Flandre (contre 56% à Bruxelles et 54% en Wallonie) et bientôt elles pourront choisir entre l’eau et le feu.
Écologique et économique
La Flandre vient en effet de démarrer un projet-pilote d’aquamation, en réalité une hydrolyse alcaline, considérée comme plus écologique dans la mesure où, en l’absence de feu, il n’y a pas d’émission de CO2. Ne nécessitant pas de cercueil, le procédé est en outre plus économique.
Les vêtements ne se dissolvant pas aussi facilement que les tissus biologiques, la dépouille sera toutefois, par décence, enveloppée dans un linceul, puis plongée dans un mélange composé de 95% d’eau et de 5% d’alcalis, généralement de l’hydroxyde de potassium. Il en résulte une réaction chimique fortement exothermique qui ne laisse après quelques heures que des os et des effluents pouvant être traités comme des eaux usées ordinaires. Devenus extrêmement poreux, les premiers ont perdu 97% de leur poids initial et peuvent dès lors être aisément réduits en poudre.
Autorisé en Australie, au Canada ainsi que dans certains États américains, ce procédé s’apprête à franchir l’Atlantique.
Autorisé en Australie, au Canada ainsi que dans certains États américains, ce procédé, depuis longtemps appliqué aux carcasses d’animaux, s’apprête à franchir l’Atlantique. En effet, la Flandre vient de charger deux sociétés de crematorium publiques (Portes et Westlede) de monter ensemble, à Wilrijk, une installation-pilote dont le fonctionnement sera monitoré par les universités de Louvain et d’Anvers. La première en étudiera l’aspect médical avec, notamment, la mise à disposition de trois corps expressément légués à la science. La seconde s’intéressera à la composition des effluents afin d’en déterminer l’impact sur l’environnement avec, dans leur sillage, une question non encore résolue à ce jour : quelle destination leur donner ? Les traiter comme des eaux normales et voir, même dissous, le “corps” d’un être cher filer à l’égout peut-être difficilement accepté. Être utilisé comme engrais ou canalisé vers des “étangs de mémoire” serait déjà, socialement, plus acceptable.
Un débat de société prévu pour l’automne devrait trancher la question.
Guillaume Capron
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