Décrochage: plus de 100.000 jeunes au bord du chemin

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Les fédérations sectorielles et… l’armée ont imaginé un plan de formation pour ramener ces jeunes dans le circuit professionnel. Ce programme Reboot4You, porté par l’ancien président de la FEB Bernard Gilliot et la ministre de la Défense Ludivine Dedonder, complète les initiatives du Forem et d’Actiris pour rattraper ces jeunes perdus qu’on appelle les Neets.

L’acronyme NEET est utilisé pour décrire les jeunes qui ne sont ni au travail, ni à l’école, ni en formation professionnelle (“Neither in employment nor in education or training”). Ils ne sont pas forcément hors des radars, puisque certains perçoivent des allocations de chômage ou le revenu d’insertion sociale. Mais pour une série de raisons, ils ont décroché des voies classiques d’intégration dans la société. Et comme le précise Ibrahim Ouassari (Molengeek) dans notre dossier, cela peut toucher des personnes de toutes origines sociales.

Combien sont-ils dans la Belgique actuelle? Selon l’Institut européen de statistiques, les Neets représentent 9,7% de la population belge âgée de 18 à 24 ans, soit 126.000 personnes. Cette proportion situe notre pays un peu en dessous de la moyenne européenne mais au-delà du recensement de Statbel qui dénombrait, au 3e trimestre 2022, 70.000 chômeurs et 33.000 inactifs parmi les jeunes de cette tranche d’âge.

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“Personne n’a envie de vivre dans une société qui laisse autant de jeunes au bord du chemin. Nous devons leur tendre une main, leur donner une chance”, estime la ministre de la Défense Ludivine Dedonder (PS). Elle est convaincue que cette main tendue peut provenir de l’armée, que celle-ci peut devenir “un véritable acteur d’émancipation pour ces jeunes”. Cette conviction a croisé, celle de Bernard Gilliot, qui a présidé la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) après une belle carrière chez Tractebel. Ils ont mené ensemble le projet Reboot4You grâce auquel, depuis l’été dernier, des jeunes un peu perdus sont pris en charge par la Défense (y compris financièrement) et suivent des formations données par les secteurs professionnels.

La construction, le catering, l’automobile et l’intérim ont déjà embrayé sur le projet, que nous évoquons longuement en compagnie de ses deux initiateurs. Cela s’ajoute aux programmes spécifiques mis en place par le Forem et Actiris pour encadrer ces jeunes désœuvrés et tenter de les réorienter.

Méfiants envers l’Etat

Les sociologues Géraldine André (UCLouvain) et Andrew Crosby (VUB) ont publié récemment une intéressante étude sur les Neets dans la revue scientifique Brussels Studies. Ils distinguent, d’une part, les jeunes véritablement hors système, ceux qui ont décroché et ne disposent d’aucune aide et, d’autre part, ceux qui sont en situation de Neet de manière “discontinue”, dont le parcours oscille entre contrats précaires, formations et périodes vides, comme c’est le lot de nombreux jeunes, surtout s’ils sont peu qualifiés.

Le fait que certains vont lâcher prise s’explique notamment par le degré de confiance (ou en l’occurrence de méfiance) envers l’Etat et les institutions. “Les jeunes en situation Neet ne perçoivent pas les institutions comme des vecteurs d’aide, de droits et une voie vers l’ascension socioéconomique, mais principalement comme des instances de contrôle”, constatent les deux chercheurs. Ils ne se tournent donc pas vers elles pour obtenir les aides et les formations disponibles. Ce sont notamment ces jeunes-là que le programme Reboot4You espère parvenir à toucher grâce à son approche spécifique et le contrat de travail offert par la Défense. On notera que le nombre de Neets semble en diminution quasi constante depuis 10 ans. Pourquoi en parle-t-on plus qu’hier? Sans doute en raison des pénuries de main-d’œuvre, qui poussent à s’intéresser activement à tous les publics potentiels.

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