Comment associer vos salariés à la réussite de votre entreprise

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Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les entreprises, réalisant d’importants bénéfices, peuvent accorder à leurs employés une prime unique de pouvoir d’achat, contournant ainsi le gel des salaires. Seulement il fallait l’émettre avant fin du mois de mars… Vous avez manqué le coche ? Ne vous inquiétez pas: il existe d’ autres possibilités fiscalement et parafiscalement avantageuses de récompenser vos employés lorsque votre entreprise se porte bien.

Les entreprises dont les bénéfices sont “élevés ou exceptionnellement élevés” peuvent accorder à leurs salariés une prime de pouvoir d’achat de respectivement 500 ou 750 euros, pour cela les entreprises avaient jusqu’à la fin du mois de mars pour émettre cette prime. “L’idée était que cette prime de pouvoir d’achat ne soit accordée qu’en cas de résultats vraiment exceptionnels. C’est logique, compte tenu de la situation économiquement difficile actuellement. Dans la pratique, nous constatons que la prime de pouvoir d’achat a été accordée par des entreprises qui n’ont pas du tout réalisé de bénéfices importants (parfois un euro de bénéfice a suffi, NDLR)”, déclarait Danny Van Assche, président de l’Unizo, la semaine dernière. Selon l’association professionnelle, les entreprises ont versé environ un demi-milliard d’euros en primes de pouvoir d’achat.

Cette prime est très appréciée, car elle n’est pas taxée, seul l’employeur paie une cotisation spéciale de 16,5 % à l’ONSS, au lieu des 25 % habituels. La prime de pouvoir d’achat a été versée sous forme de chèques de consommation, comme les chèques-repas et les écochèques.

La prime de pouvoir d’achat ne pouvait être accordée que jusqu’à la fin du mois de mars. Mais il existe de nombreux autres systèmes de rémunération intéressants. Même si les  experts ne s’accordent pas sur le système le plus intéressant. “La prime salariale”, dit Kristiaan Andries, consultant chez le fournisseur de services RH SD Worx. “Le bonus plan de pension”, conseille Joris Beernaert, avocat chez Loyens & Loeff. “Je suis un fervent partisan des options d’achat d’actions”, affirme quant à lui Gunther Valkenborg, associé du cabinet d’avocats MVVP.

1. La prime ordinaire

– L’employeur paie 28 % de cotisations ONSS en moyenne.
– Le travailleur paie en moyenne 13,07 % de cotisations ONSS + 46,44 % d’impôts.
– Sur 1 000 euros bruts, il reste 465,60 euros nets.

Les employeurs sont totalement libres de décider qui reçoit cette prime en espèces, combien et pourquoi. Mais le même montant d’impôts et de cotisations ONSS que sur les salaires est dû sur cette prime. Cette prime n’est pas du tout intéressante d’un point de vue fiscal et parafiscal.

2. La prime salariale

– L’employeur paie 33 % de cotisations de sécurité sociale.
– Le travailleur paie 13,07 % de cotisation de solidarité à l’ONSS.
– Sur 1.000 euros, il reste 869,30 euros nets.

Une prime salariale ou une prime CCT 90 est accordée lorsqu’un objectif est atteint. L’objectif, la période au cours de laquelle l’objectif doit être atteint et le montant de la prime sont fixés d’avance. Les entreprises qui soumettent un plan de prime salariale début 2024, avec un objectif à atteindre cette année encore, pourront verser la prime au plus tôt en 2025.

Il s’agit d’une prime collective. Toutefois, des catégories peuvent être définies au sein des effectifs, qui doivent atteindre d’autres objectifs. Il s’agit également d’une prime non récurrente, ainsi elle doit être décidée chaque année. Ainsi si une entreprise connaît une année plus difficile sur le plan financier, elle peut facilement renoncer à cette prime.

Selon le prestataire de services RH Liantis, en 2023, environ 6 % des employés des PME recevront une prime salariale. Chez les ouvriers, ce chiffre n’est que de 2,2 %. La prime salariale moyenne s’élevait à 1 769,95 euros.

“Les primes salariales sont plafonnées et indexées annuellement. Cette année, la prime salariale ne peut pas dépasser 4.020 euros”, explique Matthias Debruyckere, juriste chez Liantis.

3. La prime versée dans le plan de pension

– L’employeur paie sur la prime une cotisation de solidarité de 8,86 % et une taxe de 4,4 %.
– L’employé paie 3,55 % de cotisation ONSS lors du versement du capital, une cotisation de solidarité de 2 % et une taxe de 10 % (+ taxe communale).

“Cette prime est également liée à des objectifs, par exemple une augmentation des bénéfices de l’entreprise”, explique Joris Beernaerts de Loyens & Loeff. “Les employés ne reçoivent pas l’argent immédiatement, il est versé à un plan de pension. L’argent est ainsi bloqué jusqu’à la retraite de l’employé. Or, de plus en plus de gens s’inquiètent pour leur pension”.

Les charges patronales sont moins élevées pour cette formule que pour les autres primes. Pour le travailleur, les cotisations ONSS représentent plus ou moins la moitié en moins du montant de la prime salariale et de la prime de résultat. En revanche, les salariés voient au moins 10 % de leur éventuelle pension complémentaire prélevés par le fisc s’ils restent actifs jusqu’à l’âge légal de la retraite. Ceux qui arrêtent de travailler plus tôt paient plus d’impôts. Néanmoins, cette formule est fiscalement et parafiscalement la plus intéressante, selon Joris Beernaert. Il ajoute cependant que cette prime n’est envisageable que pour les gros salaires.

Pour Beernaert : “Lorsqu’une prime en espèces est convertie en un plan de prime de pension, les travailleurs peuvent la refuser. Les jeunes employés qui ont beaucoup de dépenses peuvent être moins intéressés par cette formule. Les travailleurs qui n’ont pas encore acheté de maison peuvent utiliser les réserves de leur plan de pension pour demander un prêt hypothécaire. “Il précise qu’il existe des plans de pension avec bonus, dans lesquels la part du bonus affectée au plan de pension augmente avec l’ancienneté. Comme pour la prime salariale, attention : toute différenciation entre les employés doit être basée sur des critères objectifs tels que la fonction, le salaire ou l’ancienneté.

La plupart des plans de pension en Belgique sont des assurances de groupe, du type branche 21. Cela signifie que les assureurs garantissent un rendement – qui est aujourd’hui inférieur à 2 % – et accordent éventuellement aux assurés une participation aux bénéfices dans les bonnes années. “Cette participation aux bénéfices est exonérée d’impôt”, ajoute M. Beernaerts.

4. La prime sur les bénéfices

– L’employeur paie 25 % d’impôt sur les sociétés.
– Le travailleur paie 7 % d’impôts et 13,07 % de cotisation de solidarité à l’ONSS.
– Sur 1 000 euros bruts, il reste 808,45 euros nets.

Selon SD Worx, en 2023, un travailleur sur cinq a reçu une prime salariale (18 %) ou une prime sur les bénéfices (2 %). Le pourcentage de salariés bénéficiant d’une prime de résultat n’a pas augmenté l’année dernière. Le montant médian a augmenté de 32 % pour atteindre 1.060 euros. Selon le fournisseur de services RH, les primes de résultat sont plus fréquentes dans les PME comptant jusqu’à 20 salariés. Près de 90 % des employeurs, qui ont distribué des primes sur les bénéfices, étaient des PME de moins de 50 salariés. La prime de résultat est encore relativement jeune – six ans – par rapport à la prime salariale, qui existe depuis 15 ans.

“Une prime de résultat, comme une prime salariale, est quelque chose de collectif, pour tous les employés d’une entreprise. Si Pierre a obtenu une meilleure évaluation que Jean, Paul ou Jacques, vous ne pouvez pas lui accorder une prime supplémentaire avec ces instruments collectifs”, explique Gunther Valkenborg du MVVP.

Selon M. Valkenborg, le fait que la prime soit payée sur les bénéfices est également un inconvénient pour l’employeur. L’entreprise paie d’abord l’impôt sur les bénéfices, puis elle peut verser une prime sur ce qui reste des bénéfices. “L’employeur peut déduire les primes en tant que dépenses dans le cadre de l’impôt des sociétés. Mais cela n’est pas possible avec la prime sur les bénéfices”. Il fait également remarquer que tous les actionnaires ne sont pas forcément disposés à partager leurs bénéfices avec les salariés.

Au lieu de verser de l’argent, les entreprises peuvent aussi donner une sorte de “prime sur les bénéfices” sous forme d’actions à tous les salariés. Aucune cotisation de sécurité sociale ne doit être payée à ce titre. Toutefois, au lieu d’un impôt de 7 %, les salariés doivent payer un impôt de 15 % sur ces actions.

5. Des options sur actions

– Le salarié paie sur un pourcentage de la valeur des actions sous-jacentes (jusqu’à 23 %) le même impôt que sur le salaire (jusqu’à 50 % + taxes municipales).

– Aucune cotisation ONSS n’est due.

Les entreprises peuvent accorder des options à leur personnel, un type de contrat qui donne le droit d’acheter des actions de leur propre entreprise à un prix déterminé et au plus tard à une certaine date. “Les options sont imposées comme les salaires, selon les tranches de revenus progressives. Seulement, la valeur imposable des options est au minimum de 9 % et au maximum de 23 % de la valeur de l’action sous-jacente, à condition que l’employé accepte par écrit les options et ce dans les 60 jours suivant la date à laquelle la société les a offertes”, explique M. Valkenborg.

“En tant que salarié, vous devrez payer des impôts à l’avance, le soixantième jour. Vous prenez donc un risque, car vous ne savez pas si la valeur de l’action augmentera”, ajoute M. Valkenborg. Si le salarié exerce les options après un an ou même plus tard, c’est-à-dire s’il achète les actions et les vend ensuite, la plus-value ou la différence entre le prix d’exercice et le prix de l’action est exonérée d’impôt. Une durée suffisamment longue du plan d’actions, jusqu’à un maximum de 10 ans, réduit le risque que les options deviennent sans valeur en raison d’un effondrement du marché boursier. “Sous certaines conditions, l’employeur peut compenser l’impôt payé par le salarié”, ajoute M. Valkenborg.

Si l’employé n’accepte pas le plan d’options dans les 60 jours, l’impôt doit être payé au moment de la réalisation de la plus-value. Pour Valkenborg : “La valeur imposable est alors la valeur de vente réalisée, après déduction du prix d’exercice payé. L’ASR est due sur cette valeur, tant par le salarié que par l’employeur. Cela donne plus de certitude au salarié, mais c’est beaucoup moins intéressant financièrement”.

6. Les autres possibilités

Il existe d’autres moyens qui permettent aux salariés de participer aux bénéfices de l’entreprise, et ce d’une manière fiscalement ou parafiscalement avantageuse. Certaines entreprises attribuent des warrants, un produit financier par lequel le travailleur reçoit des titres gratuitement de la part de l’employeur. Ceux-ci sont soumis à l’impôt, mais pas à l’ONSS.

Une réduction sur l’achat d’actions de l’entreprise est une autre possibilité. Si cette remise est de maximum 20 % pour les entreprises non cotées et de maximum 16,67 % pour les entreprises cotées, aucun impôt ni ONSS n’est dû sur cet avantage en nature. À condition que les actions soient bloquées pendant une période suffisamment longue (cinq ans pour les sociétés non cotées en bourse et deux ans pour les sociétés cotées en bourse).

Les actions fantômes (phantom stocks) ou les unités d’actions restreintes (restricted stock units – RSU) sont principalement utilisées par les multinationales. Les actions fictives donnent aux salariés la perspective de recevoir un montant égal à la valeur d’un certain nombre d’actions à un moment donné. Les RSU donnent aux employés le droit de recevoir des actions sans droit de vote après une certaine période. “En principe, il n’y a pas d’avantages fiscaux ou parafiscaux particuliers. Toutefois, à la fin de l’année dernière, le tribunal du travail d’Anvers a rendu une décision selon laquelle aucune cotisation de sécurité sociale n’était due si la société mère étrangère avait octroyé des RSU sans intervention de l’employeur belge”, conclut M. Valkenborg.

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