A la source du populisme, la panne de l’ascenseur social

Manifestations des "gilets jaunes" à Fos-sur-mer, dans le sud de la France. © AFP
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Les Etats providences ont négligé la mobilité sociale pour s’appuyer sur l’aide sociale, exclusivement. Cela explique la montée des mouvements populistes. Une étude de chercheurs de l’ULiège publiée par l’UCLouvain tend à la démontrer. Et invite à relancer cet ascenseur.

« Dans cet article, nous montrons que les attitudes populistes qui conduisent aux votes et aux mouvements sociaux extrêmes peuvent s’expliquer par la panne de l’ascenseur social, à savoir l’absence de mobilité sociale. Cette explication semble s’appliquer à l’ensemble des 27 pays européens étudiés. Elle surprend particulièrement dans les pays qui, comme la Belgique et la France, consacrent environ 30% de leur PIB à la protection sociale. Il semblerait que ces États providence aient naïvement cru qu’il suffisait de lutter contre la pauvreté et les inégalités sociales pour relancer l’ascenseur social. Cela ne semble pas être le cas. »

Voilà ce qui s’appelle un résumé qui interpelle. La revue Regards économiques de l’UCLouvain publie ce jeudi 1er juin une étude réalisée par les économistes Sergio Perelman et Pierre Pestieau, tous deux de l’ULiège, qui ne manque pas d’intérêt : données à l’appui, elle confirme que le « grand déclassement » est à l’origine de la montée des phénomènes radicaux, que ce soient le vote pour les partis extrémistes ou des contestations sociales plus dures. L’aide sociale en tant que telle n’aide pas, il convient de faire des efforts importants en terme d’éducation et d’améliorer les perspectives de mobilité sociale.

« Cela nécessite une vision politique à plus long terme est indispensable, souligne Sergio Perelman. Notre étude conforte le proverbe selon lequel vaut mieux apprendre quelqu’un à pêcher plutôt que de lui donner un poisson. »

Relancer l’ascenseur social

Concrètement, l’étude s’appuie sur l’impact de l’absence de mobilité sociale (en tenant compte du niveau d’études) sur trois thématiques chères au populisme : le rejet de l’immigration, un penchant pour la loi et l’ordre, et la défiance dans les institutions. « Que ce soit pour l’autoritarisme ou la méfiance à l’égard des institutions, il apparaît que les attitudes populistes décroissent avec le niveau d’éducation des parents et, pour chaque niveau, elles décroissent avec la mobilité, soulignent les auteurs On observe les mêmes tendances pour les attitudes vis-à-vis de l’immigration. »

Dans leurs recommandations, les auteurs insistent sur la nécessité de relancer l’ascenseur social. « Si la mobilité sociale est en effet en déclin et que cela conduit à une montée des attitudes et des votes
populistes, on peut espérer que nos États providence prennent la mesure du problème et agissent de manière à redémarrer l’ascenseur social. Comment ? D’après de nombreux auteurs, cette panne de l’ascenseur social se manifesterait à deux niveaux, celui de l’éducation et celui du marché du travail. Nos systèmes éducatifs, particulièrement en France et en Belgique, sont extrêmement polarisés dans la mesure où la qualité des écoles croit avec le revenu des parents. En d’autres termes, l’école n’est plus un vecteur d’égalité des chances. Plus concrètement, il faudrait investir davantage dans la qualité de l’enseignement primaire et secondaire dans les zones défavorisées et garantir une meilleure mixité sociale. »

Un autre point important concerne « la lutte contre les discriminations à l’embauche. « Une autre piste consisterait à enrayer la lente disparition des emplois intermédiaires qui constituent un tremplin vers des emplois bien rémunérés pour les personnes issues de milieux familiaux moins aisés », soulignent les auteurs.

Un chantier de fond, vital pour la démocratie.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content