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Réformer les pensions pour éviter la faillite

Le débat sur les pensions est revenu récemment au devant de la scène dans de nombreux pays européens. Il ne faut pas se leurrer, ceci n’est pas une conséquence de plus de la crise économique et financière.

Le débat sur les pensions est revenu récemment au devant de la scène dans de nombreux pays européens. Il ne faut pas se leurrer, ceci n’est pas une conséquence de plus de la crise économique et financière. Le problème était déjà connu depuis longtemps, et la crise ne fait que rappeler les décisions difficiles à prendre, tout en les rendant il est vrai plus complexes. Il s’agit donc de prendre des décisions courageuses en accord avec les réalités économiques et démographiques de demain.

Où en est ce débat crucial en Belgique ? A peu près nulle part. La preuve nous a encore été donnée récemment, avec l’acceptation d’un énième plan de prépensions à 50 ans. Sans blâmer les futurs ex-travailleurs, qui rationnellement ont intérêt à accepter ce qui leur est proposé, on peut vraiment se demander pourquoi de tels plans sont encore cautionnés par les autorités.

On nous annonce que le coût de la prépension pour la collectivité est inférieur à une allocation de chômage, mais là n’est pas du tout la question. Ce qui importe, c’est l’état d’esprit qu’une telle décision véhicule. Manifestement, il est encore difficile en Belgique de considérer qu’un travailleur de 50 ans puisse commencer une deuxième carrière. Les autorités préfèrent, comme depuis longtemps, remiser ces travailleurs expérimentés hors des statistiques du chômage, en vue d’afficher de bons résultats. Comment affronter avec un tel état d’esprit les réalités plus dures encore qui nous attendent en matière de vieillissement de la population et de pensions ?

Y a-t-il un pilote dans l’avion ? De conventions en états généraux, de groenboek en witboek, la recherche d’une solution au problème du financement des pensions fait du sur-place, et c’est gravissime. Pour avoir parcouru à plusieurs reprises le livre blanc, il m’a fait penser à certains travaux de fin d’études dont j’ai été le rapporteur. En effet, certains étudiants “moyens” ont tendance à aborder le sujet de leur mémoire en reprenant de manière exhaustive tout ce qui existe déjà sur la question, sans vraiment faire avancer le débat, et en se contentant de poser quelques questions supplémentaires… qui sont précisément celles auxquelles on aurait voulu que le travail réponde. On ne peut pas dire que de tels travaux soient mauvais, car ils ont le mérite d’être de bons recueils de références intéressantes. Mais sur le fond, on reste sur sa faim, comme c’est le cas du livre blanc. Nul doute par ailleurs que le prochain ministre des Pensions reprendra le travail là où le précédent l’avait également commencé…

Changement de philosophie Essayons donc ici d’avancer un peu. La mesure prise en Allemagne et probablement aussi en France de reculer l’âge légal du départ en pension aura le mérite d’améliorer l’équilibre financier du système. Néanmoins, c’est une voie à ne pas suivre en Belgique et qui par ailleurs est très injuste. En effet, le problème majeur en Belgique est un âge effectif de départ à la retraite trop faible (inférieur à 60 ans), notamment en raison des prépensions. En d’autres termes, trop de personnes quittent le marché de l’emploi trop tôt. Retarder l’âge légal de la pension, c’est finalement demander à ceux qui aujourd’hui partent en pension à 65 ans de travailler plus longtemps (jusqu’à 67 ans par exemple). Cela équilibrera les finances mais il n’y a à mon sens aucune raison justifiant que certains travaillent plus longtemps pour permettre à d’autres de continuer à partir bien trop tôt.

Alors comment améliorer le système ? Seuls deux critères pourraient être pris en compte pour le calcul de la pension : la durée de cotisation effective et les montants cotisés. Concrètement, pour obtenir une pension moyenne à la fin de sa carrière, chaque actif devrait cotiser un montant minimum au cours d’un nombre minimum d’années. S’il cotise plus sur cette période minimum, sa pension serait majorée (avec des plafonds comme c’est le cas aujourd’hui). Dans le cas contraire, s’il ne cotise pas assez ou pas assez longtemps, des pénalités seraient décomptées sur le montant de la pension.

Pension moyenne, cotisation minimale, durée minimale, bonus et pénalités peuvent être calculés sans trop de difficultés en fonction des tables démographiques, des données socio-économiques et de choix politiques. Concernant ces derniers, il est intéressant de remarquer que les deux critères (durée et montant) favorisent des groupes différents : ceux qui cotisent beaucoup sur une courte période ou ceux qui cotisent moins mais sur une longue période. La marge de man£uvre est donc importante. Ces deux critères ont par ailleurs l’avantage de donner plus de latitude à chacun pour organiser comme il l’entend sa carrière, la seule contrainte étant la durée minimale de cotisation et le montant à atteindre.

Pour que cela fonctionne, encore faut-il que chacun ait l’opportunité de rester sur le marché du travail. Or, beaucoup le quittent de manière involontaire une fois atteint l’âge de 50 ans. C’est pourquoi la politique des pensions est indissociable de la politique économique et de la politique de l’emploi. La balle est aussi dans le camp des entreprises, qui doivent accepter les évolutions en matière de ressources humaines. Mais c’est à ce prix que l’on évitera la faillite du système.

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