Récession ? N’y comptez pas trop

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La grande surprise de 2020 pourrait bien être la rapidité avec laquelle les marchés reprendront confiance.

Paul Samuelson était l’un des rares économistes convaincus qu’une bonne blague peut avoir plus d’impact que des liasses de calculs mathématiques. Selon l’une de ses célèbres boutades, les baisses du marché boursier ont prédit neuf des cinq dernières récessions. Cette plaisanterie remonte au milieu des années 1960, mais elle pourrait être tout à fait applicable aux marchés financiers en 2020.

Paul Samuelson a co-conçu l’hypothèse des marchés financiers efficients, selon laquelle les valeurs boursières, comme celles du baril et des devises, ne peuvent être anticipées. C’est notamment dû au fait que ces valeurs comportent déjà des prévisions sur la conjoncture politique et économique. Prédire l’évolution des marchés financiers revient à faire des prévisions sur des prévisions. Si c’était facile, nous serions tous riches.

Remarques utiles

Quand bien même, il est faux de penser que tous ces efforts sont futiles et il est possible de formuler des remarques utiles sur les tendances auxquelles s’attendre en 2020. Pour commencer, nous sommes en mesure d’analyser la conjoncture économique actuelle. Les principaux indicateurs de l’économie mondiale annoncent un ralentissement prolongé. Les prévisions de croissance du PIB sont révisées à la baisse. Et les craintes d’une récession se font sentir aux Etats-Unis. A mesure que ces inquiétudes se généralisent, la Bourse va accuser le coup – peut-être radicalement. Mais il y a aussi des raisons de croire que la crainte d’une récession s’apaisera au deuxième semestre 2020. La grande surprise de l’année pourrait bien être la rapidité à laquelle les marchés reprendront confiance.

Comme l’a noté Paul Samuelson il y a plus de 50 ans, les marchés prédisent parfois des catastrophes qui ne se matérialisent pas. Ce sera peut-être à nouveau le cas en 2020.

L’anxiété actuelle des investisseurs est manifeste, comme en témoigne la forte popularité des obligations souveraines émises par des pays riches – elles sont après tout l’actif le plus sûr. En Allemagne et en Suisse, les taux d’intérêt sont négatifs non seulement pour les dépôts à un jour, mais aussi pour les obligations qui arriveront à échéance dans un lointain avenir. Les rendements des obligations à 10 ans sont tombés bien en deçà des taux d’intérêt à court terme. Par le passé, c’était à coup sûr le signe qu’une récession était imminente. Selon un sondage réalisé par Bank of America, deux gestionnaires de fonds sur cinq s’attendent à un tel phénomène en 2020. Ils sont aussi nombreux à penser que la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine ne trouvera jamais d’issue. Les enquêtes sur la confiance dans le milieu des affaires sont tout aussi pessimistes.

Obligations sous zéro

Il s’agit donc de trouver une raison d’espérer. Ne vous attendez pas à de bonnes nouvelles au premier semestre : il est probable que les états d’âme des entreprises commencent à infecter le moral des consommateurs. Les craintes s’accumulant, les valeurs boursières vont être de plus en plus sous pression. Les rendements obligataires à long terme continueront de chuter aux Etats-Unis et passeront sous la barre du zéro en Europe.

Malgré tout, le malheur est rarement éternel. Des forces sont à l’oeuvre pour inverser la vapeur. La première est la politique monétaire. Les sceptiques ont raison de noter qu’avec des taux d’intérêt si bas, les banques centrales manquent de fonds pour doper l’économie. Mais la baisse des taux aux Etats-Unis et en Chine ainsi que les achats d’obligations auxquels se livre la Banque centrale européenne permettront au moins la circulation fluide des crédits en direction des entreprises et des particuliers. C’est ce qui empêchera les valeurs boursières de plonger.

Politiques en action

Cela ne suffira probablement pas pour redonner le moral aux marchés financiers, mais il serait malavisé de parier contre une reprise d’ici à la fin 2020. Si les rendements des obligations souveraines continuent de sombrer, la classe politique prendra conscience qu’il faut relancer l’économie par des moyens budgétaires (baisses d’impôts et augmentation des dépenses, le tout financé par l’emprunt). Ces stratégies n’ont plus la cote car elles sont rarement mises en oeuvre au moment opportun : les politiques mettent une éternité à se décider, quel que soit le sujet, mais ils seront poussés à agir à mesure que croît le risque d’une récession.

Si les investisseurs commencent à intégrer dans leurs calculs un plan de relance budgétaire musclé, le prix des actions repartira à la hausse ainsi que les rendements obligataires. Comme l’a noté Paul Samuelson il y a plus de 50 ans, les marchés prédisent parfois des catastrophes qui ne se matérialisent pas. Ce sera peut-être à nouveau le cas en 2020.

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