Quand les événements nous dépassent, feignons d’en être les instigateurs

Amid Faljaoui, Rédacteur en chef de Trends-Tendances

Décidément, Donald Trump est un bon client pour les médias. Sa dernière frasque ? Le président américain a profité d’une interview à la télévision américaine Fox pour déclarer que s’il était destitué, la Bourse allait non seulement s’effondrer mais qu’en plus, les citoyens de son pays seraient collectivement plus pauvres. Rien que cela. Bien entendu, cette déclaration du locataire de la Maison Blanche n’est pas innocente. Elle est arrivée au moment où la Bourse de New York venait d’enregistrer, le 22 août, sa plus longue période haussière de l’histoire.

En quelque sorte, Donald Trump s’est approprié cette hausse boursière. Et sans le connaître, a également paraphrasé la devise de Jean Cocteau : ” puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur “. Alors, le président a-t-il raison de confisquer le plus long cycle boursier de l’histoire américaine à son profit ? Pour ses fans, c’est une évidence, la bonne santé actuelle de la Bourse lui est imputable. Après tout, n’a-t-il pas fait voter une baisse de l’impôt des sociétés qui est favorable à Wall Street ? Et n’a-t-il pas aussi fait déréglementer certains secteurs comme celui des banques, qui est aussi favorable à Wall Street ?

Donald Trump a déclaré que s’il était destitué, la Bourse s’effondrerait et les Américains seraient plus pauvres.

Réponse : c’est exact et ces réformes ont dopé la Bourse ces derniers mois. Mieux encore, ces mesures ont sans doute prolongé un cycle haussier qui aurait pu s’essouffler faute de carburant. Mais attention aux raccourcis simplistes : ce cycle a démarré bien avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. En réalité, il a démarré juste après l’éclatement de la crise financière. Entre son point le plus bas enregistré en 2009 et aujourd’hui, l’indice S&P 500 de la Bourse de New York a grimpé de 323 %, soit un gain annuel de 16,5 %.

Par ailleurs, si la Bourse n’a pas connu de baisse de plus de 20 % pendant toute cette période, ce qui est la définition très subjective d’un marché haussier, ce n’est pas par l’opération du Saint-Esprit. Mais grâce à la faiblesse des taux d’intérêt initiée par la Réserve fédérale (Fed) et parce que les grandes sociétés cotées américaines ont racheté leurs propres actions, ce qui a évidemment dopé les cours.

Bravo, la Bourse américaine n’a fait que monter pendant 3.456 jours, mais il reste évidemment à se poser une autre question : qu’en sera-t-il demain ? Et cette question tue les experts et les gestionnaires de fortune. Car en réalité, ils ne savent pas quoi répondre à leurs clients. L’expérience a montré qu’avoir raison trop tôt, c’est avoir tort. D’autres plus cyniques que moi diraient que pour garder les clients en gestion, ” mieux vaut avoir tort avec tout le monde qu’avoir raison tout seul “. Voilà pourquoi cette hausse boursière est la plus mal-aimée de l’histoire de Wall Street : parce que les experts ont annoncé sa mort à plusieurs reprises. Et à chaque fois, ils ont eu tort. La banque américaine Goldman Sachs estime aujourd’hui que la probabilité de se trouver face à une bulle boursière aux Etats-Unis est inférieure à 20 %. Autrement dit, même après un cycle de neuf ans, la hausse actuelle pourrait encore se poursuivre.

De plus, même en cas de Krach, Wall Street gardera la cote auprès des investisseurs. La raison ? Les investisseurs optimistes (ceux qu’on surnomme les bulls) et pessimistes (les bears) ont un seul point commun : désormais, quand la Bourse va mal, ils ne se réfugient plus sur l’or ou le franc suisse mais sur les marchés… américains, parce que ceux-ci restent de loin les plus dynamiques au monde. C’est la nouvelle version de ” pile je gagne, et face tu perds “…

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