“Vous êtes victime du syndrome de Stockholm” : la facture de l’Arizona pour la Wallonie sera lourde

Germain Mugemangango (PTB), Christie Morreale (PS), Stéphane Hazeé (Ecolo) - Belga Images
Baptiste Lambert

Adrien Dolimont, le ministre-président wallon, a précisé le coût des mesures fédérales qui impacteront financièrement le sud du pays. Concernant l’augmentation de la quotité exemptée d’impôts, il parle de 270 millions d’euros par an. Ce n’est pas rien. En 2025, par exemple, le gouvernement wallon veut réaliser un effort de 268 millions d’euros. C’est comme si cet effort était annihilé. L’exécutif wallon mise sur des effets retours.

Interrogé par les députés de l’opposition, en commission du budget, ce lundi, le ministre-président a précisé l’impact budgétaire de l’accord de gouvernement Arizona. Après les avoir évalués à 260 millions d’euros par an, Adrien Dolimont a affiné les chiffres ce week-end et parle désormais de 270 millions d’euros par an pour la Région wallonne et de 90 millions d’euros pour les communes.

C’est un minimum. Car il s’agit seulement de l’impact lié à la quotité exemptée d’impôts, dont le plafond de 10.910 euros sera relevé. De combien ? On ne sait pas. Mais on sait ce que ça coûtera au pouvoir fédéral. L’Arizona a budgétisé cette mesure à 3,5 milliards d’euros, en pertes de recettes. Pour la Région wallonne et les communes, cela a également une incidence puisqu’elles puisent une partie de leurs revenus de l’IPP.

En ce qui concerne la limitation des allocations de chômage à deux ans, il est prévu de rediriger les demandeurs d’emploi vers les CPAS, à charge des communes, elles-mêmes financées par la Région. “Je prends note de l’intention du gouvernement fédéral de refinancer le revenu d’insertion sociale”, a précisé le ministre-président. À ce stade, le soutien aux communes du fédéral, tant pour le marché du travail que pour les pensions, devrait être renforcé de 500 millions d’euros d’ici la fin de la législature.”

“Des hypothèses”

Adrien Dolimont rappelle qu’il s’agit pour le moment “d’hypothèses”. Il va donc appeler le pouvoir fédéral à organiser “la tenue d’une conférence interministérielle“, qui est “essentielle pour pouvoir assurer une compréhension partagée” des mesures qui ont été prises. Il s’agira aussi de “préparer l’ajustement budgétaire sur 7 ans”, que l’État fédéral doit présenter à la Commission européenne “d’ici le mois de mars”.

Le ministre-président ajoute que l’impact des mesures fédérales “sera décalé d’un an” par rapport aux tableaux budgétaires de l’Arizona. Donc, si l’augmentation de la quotité exonérée d’impôt intervient en 2027, comme c’est convenu, avec une montée en puissance jusqu’en 2029, “l’impact budgétaire plein ne sera attendu qu’en 2030“, nuance le libéral. Ce qui laissera du temps pour l’exécutif wallon de se préparer, sous-entend-il.

Enfin, “d’autres mesures pourraient se montrer favorables, comme la réduction des avantages fiscaux sur les allocations de chômage. Cela devrait profiter aux recettes régionales”, a complété celui qui est aussi en charge du budget wallon.

“Des opportunités”

Mais surtout, Adrien Dolimont voit dans ces mesures “des opportunités” et une “cohérence de la politique menée” aux échelons fédéral et régional “pour faire bouger les lignes”. À politique inchangée, il ne nie pas “l’impact budgétaire de ces mesures”, mais il “faut arrêter de penser que rien ne va changer” d’ici les décisions du gouvernement fédéral.

Le ministre-président songe aux effets retours liés à la réintégration des chômeurs sur le marché de l’emploi. C’est en tout cas l’un des grands objectifs de l’Arizona et de la coalition Azur en Wallonie. “Il faut s’habituer à faire autrement. C’est vrai, il s’agit d’un autre modèle de société, un autre mindset“, répond-il aux députés, avec une pointe de défi.

Adrien Dolimont conclut sur le volet institutionnel et accordera sa “plus grande vigilance” aux risques de transfert de charges entre l’État fédéral et les entités fédérées. En effet, “l’État fédéral pourrait identifier certaines dépenses qu’il estimerait devoir relever des entités fédérées, et ce, au motif des compétences usurpées ou de celui d’une plus grande efficience.” C’était clairement une volonté affichée par les nationalistes durant les négociations et une crainte qui a parfois été soulevée dans l’opposition : la volonté de la N-VA de faire de l’institutionnel indirectement.

“Syndrome de Stockholm”

C’est peu dire que l’opposition a été peu impressionnée par les arguments du libéral. Du côté de Stéphane Hazée, le chef de groupe d’Ecolo, on pointe “le paradoxe” avec le diagnostic budgétaire de départ du gouvernement wallon. “Vous disiez que la situation était catastrophique, mais aujourd’hui, vous vous réjouissez qu’elle se dégrade encore. Comprenne qui pourra.” Concernant les pertes de revenus sur l’IPP, Stéphane Hazée lance toutefois une piste. Pourquoi ne pas compenser cette perte de recettes par “un quart de la recette de la taxation des plus-values” ? Puisqu’il s’agit, après tout, “d’un autre type de revenus”.

Au PTB, le chef de file Germain Mugemangango estime que la “compensation de 500 millions d’euros pour les communes ne suffira pas. On sait très bien qu’il manque 100 millions d’euros.” Ce qui va se passer ? “Les communes se tourneront vers les portefeuilles de leurs concitoyens. On reprend d’une main ce qu’on donne de l’autre.” Moment choisi par le député pour enfoncer le clou : “Monsieur le ministre-président, vous êtes pris en otage par le gouvernement fédéral. Et vous êtes victime du syndrome de Stockholm. Vous êtes pris en otage, mais vous êtes content. C’est assez étrange.”

Quant à Christie Morreale, cheffe de file du PS wallon, elle pointe du doigt “le manque de cohérence et les paradoxes” avec les mesures qui sont prises par les deux exécutifs. “Comment augmenter le taux d’emploi en élargissant les flexi-jobs, dont l’impact sera nul sur le taux d’emploi ?” “Vous voulez rendre les CPAS plus efficaces, mais la première mesure que vous prenez est de sabrer dans le personnel”, a conclu la socialiste.

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