Tarifs TEC : vers la fin d’une gratuité qui n’était pas gratuite

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Baptiste Lambert

Le nouveau ministre de la Mobilité, François Desquesnes (Les Engagés), se penche sur une harmonisation de tarifs de bus en Wallonie. Dans le collimateur : la  “quasi-gratuité” du TEC pour les 18-24 ans. Cette dernière n’aurait pas démontré son impact sur la fréquentation du public visé. L’opposition bondit.

La majorité Azur avait prévenu : les efforts d’efficience et de rationalisation concerneraient toutes les structures publiques. Le budget wallon pour 2025 l’a d’ailleurs démontré : un effort de 268 millions d’euros attend la sphère publique. Rien n’était toutefois mentionné pour le transport régional wallon. Mais à en croire les déclarations de François Desquesnes, c’est pourtant dans les plans de l’exécutif wallon.

Les tarifs

Sur Bel-RTL, le ministre a laissé entendre qu’il veut “simplifier et rééquilibrer les tarifs” entre les tranches d’âge. La deuxième proposition a fait tiquer l’opposition. Car le précédent gouvernement avait justement instauré, en 2022, la “quasi-gratuité” pour les 18-24 ans, visant principalement les étudiants. Ces derniers, ainsi que les plus de 65 ans et les statuts BIM (précarité), ne doivent débourser que 12 euros par an pour accéder à l’entièreté du réseau.

Les jeunes de 12 à 17 ans payent quasiment le tarif plein pot, regrette le ministre. Il y a des choses très particulières, des tranches d’âges qui payent plein pot et d’autres qui ne payent pas grand-chose, c’est une vraie difficulté d’abord dans la lisibilité des tarifs.”

Il est vrai que la différence avec les adolescents de 12 à 17 ans est importante : ils payent 281 euros par an. Et ne parlons pas des adultes de 25 à 64 ans : ils payent 585 euros par an. Par contre, l’accès au réseau TEC est totalement gratuit pour les 6-11 ans et les plus de 65 ans avec statut BIM.

Le coût

Si le ministre “n’a pas encore pris de décision” à ce stade, son intention n’est pas de toucher aux tarifs préférentiels pour les publics précarisés. Par contre, la “quasi-gratuité” des 18-25 ans est clairement dans le viseur. Une gratuité qui n’en est pas une d’ailleurs puisque son coût est évalué à 30 millions d’euros par an sur une dotation annuelle de 750 millions d’euros par an (2023) pour le TEC.

Le ministre nie vouloir faire des économies sur le dos des transports publics. Selon lui, il est plutôt question d’efficacité. “Dès mon entrée en fonction, j’ai sollicité l’Opérateur de Transport de Wallonie (OTW) pour évaluer l’efficacité de la mesure. J’ai reçu les résultats aujourd’hui et il s’avère qu’il n’y a pas d’impact significatif de cette politique de quasi-gratuité pour les bus wallons.” Autrement dit, le tarif préférentiel n’aurait pas eu d’impact particulier sur la fréquentation du public visé en 2023.

Pourtant, le rapport d’activité du TEC indique une hausse du nombre de clients âgés de 18 à 24 ans, de l’ordre de 5,9%. Mais cette croissance se situe en dessous de la moyenne qui était de 10,7%. L’augmentation la plus spectaculaire se fait au niveau des 25-65 ans, qui payent pourtant plein pot, avec une augmentation de 16,6%. Tous se trouvent toutefois dans une situation de rattrapage, après la parenthèse Covid : la fréquentation totale des bus wallon reprend petit à petit son niveau de 2019.

“Tout le monde y perd !”

Face à cette menace sur la quasi-gratuité, l’opposition a bondi comme un seul homme, y voyant la preuve que la majorité Wallonne avait jusqu’à présent masqués les mauvaises nouvelles pour les citoyens wallons. Pour Christie Morreale, cheffe de groupe au Parlement wallon, “entre les promesses de décisions indolores pour le portefeuille des ménages et les décisions du gouvernement wallon, il y a un fossé ! Le gouvernement MR/Engagés supprime les abonnements TEC à 1€/mois pour les jeunes. Le 9 juin, les 18-24 ans ont été trompés.” Le PS a même lancé une pétition, estimant que cette décision “prise en catimini durant les congés” est triplement négative : “À la fois pour le pouvoir d’achat, pour les jeunes et pour le climat !”

Un angle d’attaque repris par le coprésident d’Ecolo, Samuel Cogolati : “Ils ne font même plus semblant. La fin de la gratuité coûte cher, en euros, en précarité et en CO2. Tous les chiffres le montrent : tout le monde y perd !

Du côté du PTB, le député wallon Germain Mugemangango estime que c’est l’exacte inverse de cette politique qu’il faut appliquer : “Augmenter les prix des abonnements ne fera pas grimper le nombre d’usagers des transports en commun ! Ce qu’il faut, c’est améliorer la fréquence et rendre les transports gratuits. C’est ça une vraie solution pour l’environnement et le portefeuille des wallons !”

C’était annoncé

François Desquesnes rappelle qu’il attend l’évaluation définitive de l’OTW pour arrêter sa décision. Chez Les Engagés, on ne panique pas : “Les partis qui veulent la gratuité partout ont perdu les élections.”

Quoi qu’il en soit, l’opposition, contrairement à ce qu’elle dénonce, ne peut pas se montrer surprise. Car c’était clairement annoncé dans la DPR : “Pour augmenter l’attractivité des transports en commun, le Gouvernement cherchera, avec l’OTW, à améliorer l’expérience client tout au long du trajet, en l’articulant à une intégration et une simplification tarifaire (…). La politique tarifaire sera incitative, efficace et efficiente, et adaptée à certains types d’usagers.”

Mais le gouvernement dit aussi s’engager “à renforcer l’offre de transports en commun et sa qualité“. Si la suppression de la quasi-gratuité se fait au détriment de l’investissement dans les transports publics, le citoyen pourra s’estimer trompé. En attendant, un rééquilibrage des tarifs entre les tranches d’âge ne parait pas si saugrenu.

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