Les patrons wallons pessimistes sur l’avenir et en défiance du monde politique : “Il y a un risque de délocalisation”

Wallonie
Baptiste Lambert

La différence entre la perception et la réalité. Les CEO wallons ont été interrogés par AKT (Union wallonne des entreprises), à quelques encablures des élections. Le monde patronal se montre très peu confiant sur l’avenir économique de la Wallonie et défiant à l’égard du monde politique. Les indicateurs économiques ne sont pourtant pas catastrophiques.

AKT a présenté son baromètre de confiance des chefs d’entreprise, sur le site de Stûv à Bois-de-Villers, cette entreprise de poêle à bois et de poêle à pellet, à réputation internationale. 260 patrons wallons faisaient partie de l’échantillon, représentatif du tissu économique wallon, avec une prédominance des industriels.

L’enquête a révélé une confiance en berne, parmi les personnes qui génèrent de l’activité économique et des emplois au sud du pays. Entre les lignes, on sent que c’est le monde politique qui est visé.

  • 65% n’ont pas confiance en l’avenir économique de la Wallonie. Seul 1 seul CEO sur 10 se montre confiant !
  • 70% des CEO wallons n’ont pas confiance en la capacité de la Wallonie à se réindustrialiser.
  • 95% (!) ne s’estiment pas sereins vis-à-vis de la situation des finances publiques.
  • Les acteurs publics de la Wallonie sont des facilitateurs pour les entreprises ? 65% des entrepreneurs wallons ne sont pas d’accord.
  • 35% des patrons sont touchés par des problèmes de pénurie de talents.
  • 70% des CEO ne comprennent pas la feuille de route énergétique de la Wallonie.
  • A politique inchangée, un peu plus de 20% des patrons wallons pensent qu’ils pourraient déplacer leur activité hors de la Wallonie.

Des indicateurs économiques corrects

En 2022 et 2023, la croissance a été plutôt atone en Wallonie. Mais les perspectives s’améliorent dans la tête des patrons pour les 6 prochains mois. La baisse de l’inflation et la perspective de baisse des taux d’intérêt pourraient notamment permettre de relancer l’investissement. D’autant que la demande intérieure reste solide, grâce à l’indexation automatique des salaires.

Des taux d’intérêt qui baissent, c’est aussi bon pour le taux de change, dans la mesure où les États-Unis devraient baisser leurs taux plus tardivement que l’Europe. Un euro plus faible booste les exportations. Mais à cet égard, les perspectives des CEO sont nulles. Elles étaient toutefois négatives ces deux dernières années.

Par contre, les perspectives pour l’emploi sont largement positives pour les 6 prochains mois. Les CEO se montrent confiants à cet égard.

La croissance wallonne est attendue à 1,5% cette année, contre 1,4% pour la Belgique.

“Il y a un risque de délocalisation”

Cécile Neven (AKT), la patronne des patrons wallons, estime que cette différence entre la perception et la réalité ne vient pas de nulle part. Les patrons wallons sont surtout défiants à l’égard du monde politique et de l’administration wallonne.

Les difficultés administratives arrivent en tête des préoccupations après le coût et le manque de main-d’œuvre. “Les demandes de permis sont trop longues pour nos entreprises et il règne une trop grande incertitude juridique. Cela va jusqu’à freiner les investissements et les perspectives de croissance économique”, déplore Neven. Elle appelle les autorités politiques et administratives à changer “d’état d’esprit” par rapport au monde des entreprises, porteuses de “projets positifs” et pas de problèmes supplémentaires. “L’administration voit parfois les entreprises comme de potentielles fraudeuses. Il manque un principe de confiance”, appuie Frédéric Druck, le directeur de la fédération chimique wallonne Essenscia, à propos de la réforme du permis environnement.

En marge de cette enquête pessimiste des entrepreneurs, Cécile Neven demande aussi à prioriser le plan de relance sous la prochaine législature, “pour ne garder quelques projets majeurs au lieu de la dispersion actuelle, avec des centaines de projets”. Elle fait le même appel pour la prochaine DRG (déclaration de politique générale) : “Évitons de multiplier les projets et concentrons-nous sur 4 à 5 priorités.”

Cette mauvaise perception des entrepreneurs wallons ne doit pas être prise à la légère, selon le président d’AKT et cofodateur d’IBA, Pierre Mottet : “J’entends de plus en plus, autour de moi, des patrons qui songent à délocaliser leur activité. Pas à l’autre bout du monde. Il faut songer par exemple au Luxembourg, pour les provinces wallonnes voisines, ou encore en Flandre, à Leuven par exemple, pour une entreprise du Brabant wallon.”

Un signal que la prochaine coalition ferait bien d’entendre. La perception, c’est presque aussi important que la réalité.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content