La Fédération des entreprises wallonnes, AKT, présentait à la presse son point conjoncturel, mercredi, comme elle le fait deux fois par an. L’économie wallonne résiste plutôt bien aux tensions commerciales et politiques. Mais plusieurs secteurs industriels sont en grande souffrance. Des scénarios à la BASF ne sont pas à exclure alors qu’Air Liquide vient d’annoncer la suppression de 100 postes et la fermeture de sites en Belgique.
D’emblée, AKT insiste sur un constat : les entreprises wallonnes ont mieux encaissé le choc du protectionnisme américain qu’on aurait pu le craindre.
La politique tarifaire imprévisible de Washington — droits de douane en hausse, exemptions temporaires, menaces à répétition — a secoué l’ensemble du commerce international. Pourtant, 16 % des entreprises wallonnes seulement se disent « moyennement ou fortement impactées », selon l’enquête menée entre début et fin septembre.
Elles ont ajusté leurs prix, diversifié leurs marchés, parfois relocalisé une partie de la production aux États-Unis, comme Trump l’espérait. Mais cette capacité d’adaptation ne doit pas faire illusion. Derrière la ligne générale rassurante, les signaux sectoriels virent à l’orange vif.
Chimie, pharma, métallurgie
C’est dans l’industrie lourde que les alertes sont les plus nettes.
AKT cite explicitement la chimie, « particulièrement fragile », plombée par des marges réduites et des coûts énergétiques qui repartent à la hausse. Frédéric Panier, le CEO d’AKT n’exclut pas des scénarios à la BASF, qui va supprimer 600 emplois à Anvers.
Les autres piliers historiques — textile, papier, métallurgie — envoient la même musique : volumes en baisse, compétitivité sous pression, coûts fixes difficiles à absorber.
La confirmation vient du Point Conjoncturel : le PMI manufacturier reste sous 50 depuis près de trois ans, indiquant une contraction continue. Les secteurs les plus énergivores demeurent largement sous leurs niveaux de production de 2021.
Exportations
Sur le front extérieur, la nervosité reste palpable. Les exportations wallonnes sortent timidement d’une séquence de deux années de baisse. La situation se stabilise, mais à un niveau insuffisant pour parler de véritable redémarrage.
L’incertitude politique en France et en Allemagne, deux partenaires essentiels, complique la projection des industriels.
Le risque de déviation commerciale lié aux surtaxes américaines sur les produits chinois ajoute une couche de complexité supplémentaire. Sans visibilité claire, les entreprises hésitent à engager de nouveaux investissements, freinant la dynamique observée ailleurs en Europe.
Un marché du travail sous tension
Le marché de l’emploi envoie des signaux plus contrastés. La hausse du taux d’emploi, de 66,3 % fin 2024 à 68,4 % au deuxième trimestre 2025, constitue un élément positif, tout comme les premiers effets perceptibles des politiques d’activation.
Mais les entreprises continuent de faire face à un manque aigu de main-d’œuvre, particulièrement dans les métiers techniques. « On manque de bras », témoigne le CEO de Coexpair, entreprise du secteur aéronautique, confronté à l’impossibilité d’élargir sa ligne de production faute de profils adéquats.
Les réformes du marché du travail, qui doivent se déployer intégralement d’ici 2027, ne produiront pas leurs effets avant plusieurs années. D’ici là, les entreprises devront composer avec un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande de compétences, ce qui fragilise encore davantage les secteurs en difficulté.
Un équilibre instable
La photographie d’ensemble ressemble à un paradoxe : une économie qui tient, mais des secteurs-clés qui vacillent. La Wallonie échappe au crash, mais pas aux fractures internes qui se creusent au sein de son tissu productif.
Les dirigeants d’entreprise pointent des leviers bien identifiés — délais de permis, cadre administratif, coûts énergétiques, fiscalité locale — qui pourraient amortir la pression.
Reste à savoir si la Région parviendra à apporter des réponses suffisamment rapides pour éviter un scénario où les restructurations ponctuelles deviendraient une tendance lourde.