Le Plan de relance wallon, une simple variable d’ajustement budgétaire ?

Wallonia flag waving on the wind, Wallonia © Getty Images
Baptiste Lambert

On savait déjà que le Plan de relance wallon était un plan fourre-tout, où pouvaient se croiser des mesures structurelles et des mesures n’ayant aucun impact sur l’emploi et la productivité. On sait désormais que le Plan de relance est aussi une variable d’ajustement budgétaire, qui peut tantôt financer la “quasi-gratuité” des TEC, tantôt des places d’accueil pour les sans-abris ou servir à la reconstruction post-inondations. Ce n’est toutefois pas quelque chose de nouveau. Les réallocations budgétaires sont courantes dans la confection d’un budget. Ce qui ne veut pas dire que ces pratiques sont saines.

Une récente étude de l’Iweps a confirmé ce dont beaucoup de monde se doutait : le Plan de relance n’en a souvent que le nom. Sur les 306 projets mis sur pied à ce jour, seuls 37 ont un réel impact sur l’emploi et la productivité. Cela fait peu, alors qu’une enveloppe de 7 milliards d’euros a été allouée pour cette relance, à frais partagés entre l’Europe et la Wallonie.

Depuis mardi, lors d’une commission du Parlement wallon sur la mobilité, il est devenu clair pour tout le monde que le plan de relance servait aussi de variable d’ajustement. On y apprenait, via le ministre François Desquesnes (Les Engagés), que la quasi-gratuité des TEC pour les 18-24 ans n’était pas financée de manière pérenne : “Savez-vous comment cette quasi-gratuité pour cette tranche d’âge a été financée en 2024 ? Par la dotation annuelle des TEC ? Non, l’essentiel du coût a été financé par le Plan de relance de la Wallonie. Donc pas par un financement structurel, mais par un budget ponctuel de relance : 31 millions en 2023 et rebelote en 2024 pour 30 millions.”

Le ministre, autrefois dans l’opposition, ajoutait que ce budget ponctuel avait aussi nécessité quelques bidouillages budgétaires : “Plus fort encore : comme l’enveloppe était insuffisante – il n’y avait au total que 42 millions dans le projet 82 du plan de relance – il a fallu trouver 19 millions d’euros supplémentaires. Et où mon prédécesseur – l’Ecolo Philippe Henry, ndlr – les a-t-il trouvés ? Dans un autre projet du Plan de relance dédié à la reconstruction des infrastructures régionales touchées par les inondations de juillet 2021 : routes, ouvrages d’art (ponts et tunnels), bassins d’orage et voies navigables.”

Ce n’est pas nouveau

Des propos que maintient aujourd’hui le ministre wallon de la Mobilité. Mais il convient de noter que cette information n’est en fait pas nouvelle. À l’époque, en 2021, le gouvernement wallon avait clairement indiqué que cette mesure ne figurait pas dans le budget courant. Comme mentionné, elle avait été inscrite dans le Plan de relance dans le projet 82, doté en tout de 42 millions d’euros. Le but, à terme, étant de pérenniser la mesure et de l’inscrire dans le cadre d’un budget courant, ce qui n’a jamais pu être fait et donc laissé à charge du prochain gouvernement.

Le problème est que cette enveloppe de 42 millions d’euros n’a pas suffi. En 2023 et 2024, le gouvernement wallon a été contraint d’aller chercher de l’argent ailleurs, dans une mesure du plan de relance qui touchait effectivement aux inondations. Scandale ? Pas vraiment, si l’on s’en tient aux standards des exercices budgétaires wallons.

Comme on l’a dit, le précédent gouvernement a mis un peu de tout dans ce Plan de relance. Et il a servi de variable d’ajustement budgétaire à de nombreuses reprises, durant la précédente législature. “Le tout, sans grande transparence”, ajoute le ministre qui avait épinglé ces pratiques lorsqu’il était chef de l’opposition. “Aujourd’hui, pour reconstituer le Plan de relance, il faut être grand devin. On a utilisé ce plan pour masquer des nouvelles politiques, sans en assurer la pérennité. Les trajectoires budgétaires de retour à l’équilibre présentées par le gouvernement Di Rupo faisait comme si les mesures du Plan de relance s’éteignaient à un moment donné.”

Esbroufe

“M. Desquesnes ne peut pas faire semblant d’être surpris puisqu’il a lui-même dénoncé ces pratiques lorsqu’il était dans l’opposition”, indique le chef de groupe Ecolo, Stéphane Hazée, aujourd’hui dans l’opposition. “On peut bien sûr remettre en cause cette manière de faire, mais ce fut assumé par le précédent gouvernement et le ministre du Budget, de l’époque, qui n’est autre que l’actuel ministre-président, Adrien Dolimont (MR). Il y a donc une part de mise en scène et d’esbroufe de la part du ministre, et il se trompe de cible, en visant Philippe Henry.”

Il est vrai que ce financement de mesures par le Plan de relance ne se limite certainement pas à la quasi-gratuité des TEC. “On y retrouve également les politiques en matières d’aides aux entreprises, de tourisme ou d’aides aux personnes. Et il ne faut pas perdre de vue que le précédent gouvernement a fait face à des circonstances inouïes, avec trois crises successives.”

En outre, la réallocation de budgets, d’année en année, en fonction des circonstances, est une pratique courante dans la confection d’un budget. “Mais laisser croire que la quasi-gratuité des TEC a été financée sur le dos des inondations est indigne. J’ai contacté le précédent ministre de la Mobilité, Philippe Henry, qui me confirme que l’enveloppe dédiée aux inondations, notamment pour la reconstruction des berges, a été plus importante que le budget initialement prévu.”

Au final, “ce qu’on demande au ministre Desquesnes, c’est d’assumer sa politique : veut-il oui ou non investir dans les transports en commun, comme c’est annoncé dans le programme des Engagés ? “, interroge Stéphane Hazée.

Symptomatique

Le débat de fond, lui, reste entier. Cette manière de financer des mesures qui sont censées être structurelles est sans doute symptomatique de la réalisation des budgets en Wallonie. En plus d’apporter peu de lisibilité, on reporte parfois le problème d’année en année, jusqu’à laisser une ardoise au gouvernement suivant.

Stéphane Hazée apporte toutefois une dernière nuance : “Le Plan de relance porte mal son nom. Car il a toujours porté par trois objectifs : la relance économique, c’est vrai, mais aussi des objectifs sociaux et environnementaux. On a tendance à l’oublier, mais le plan de relance vient du plan de transition, inscrit dans la DPR, auquel on a ajouté l’initiative Get Up Wallonia, suite aux crises. Et c’est à ces deux plans qu’est venu se greffer le Plan de relance européen.”

Un plan de relance européen dont les fonds sont coordonnés au niveau fédéral, et qui, nous assure-t-on, font l’objet d’un contrôle strict : l’argent alloué doit se diriger principalement vers des projets de relance. En tout cas sur papier.

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