“La Belgique doit-elle rouvrir ses mines ?” C’est l’objet de la dernière étude du centre Jean Gol, présentée ce mardi à Blegny-Mine, en présence de Georges-Louis Bouchez. Le président du MR s’intéresse de près au sous-sol wallon et a un avis tranché sur la question.
« Aujourd’hui, le meilleur moyen pour la Chine de nous faire la guerre, c’est de ne plus nous approvisionner en terres rares », avertit Georges-Louis Bouchez, lors de la présentation de l’étude, aux côtés du directeur du centre Jean Gol, Corentin de Salle, mais aussi de plusieurs spécialistes, dont les géologues Eric Pirard (ULiège) et André Tahon.
Le président du MR plante le décor : les terres rares et autres minerais stratégiques sont au cœur de nos sociétés modernes, qu’il s’agisse de composants électroniques indispensables aux armées, de batteries pour voitures électriques ou d’aimants pour éoliennes.
Cette dépendance à la Chine est abyssale : 100 % des terres rares lourdes, 85 % des terres rares légères et entre 30 et 60 % d’autres minerais stratégiques viennent de l’Empire du Milieu. Même l’Agence internationale de l’énergie le confirme : il faudra six fois plus de minerais pour inscrire nos économies dans les scénarios bas carbone.
L’Europe, prise de conscience tardive
Face à ces constats, l’Union européenne a réagi sur le tard. Il y a un an à peine, elle se dotait d’un cadre réglementaire fixant des objectifs à 2030. Il s’agit du Critical Raw Materials Act, qui a désormais force de loi sur le Vieux continent.
- 10 % des minerais stratégiques devront être extraits du sol européen,
- 40 % transformés en Europe,
- 25 % issus du recyclage.
« Le but n’est pas de devenir les leaders mondiaux à la place de la Chine, mais au moins de garantir un approvisionnement stratégique », tempère Bouchez. L’idée : si Pékin devait bloquer ses exportations, comme elle l’a déjà fait vis-à-vis du Japon ou des États-Unis, l’Europe disposerait de ressources minimales pour ses secteurs critiques, notamment militaires.
La Wallonie amorce un réveil
Sur ce terrain, la Wallonie « va se mettre en marche », affirme le président du MR. Car la région dispose potentiellement de sous-sols riches, mais encore largement méconnus. Exemple frappant : « Mons est la deuxième réserve en Europe en termes de phosphate, ce qui permettrait de produire des engrais. Mais c’est complètement absent du débat public. »
Déjà, le gouvernement wallon planche sur une réforme du code minier, indispensable pour ouvrir la voie à des projets pilotes, selon le libéral. Ce code vient pourtant d’être modifié sous la précédente législature, par l’ancienne ministre Céline Tellier (Ecolo). “J’en ai parlé au ministre-président, Adrien Dolimont, ajoute Georges-Louis Bouchez. C’est en cours”. Un observatoire fédéral des matières premières stratégiques, sur le modèle allemand ou français, fait aussi partie de ses recommandations.
L’ambition ? Recréer une chaîne de valeur complète, de l’extraction au recyclage, afin que la Wallonie ne soit pas réduite à n’être qu’un réservoir brut, sans capacité de transformation. “Car toute la valeur se crée dans la transformation. C’est comme pour un plat raffiné. Vous ne payez pas le même prix pour les ingrédients au supermarché ou le plat terminé dans un bon restaurant.”
Des « mines technologiques » face aux caricatures
Mais relancer une exploitation minière sur le sol européen provoque des crispations. « Les écologistes ne veulent pas entendre parler de mines en Europe. Mais aujourd’hui, ce que nous faisons est profondément hypocrite : on a décidé que la Chine allait s’occuper de ces ressources, dans des conditions environnementales désastreuses, et on exporte notre pollution et notre pouvoir de décision », fustige Bouchez.
Il plaide pour des « mines technologiques », loin des cratères à ciel ouvert des images d’Épinal ou du roman Germinal. « Aujourd’hui, l’exploitation peut être moderne, assistée par des robots, avec des fenêtres très réduites en surface et le respect des prescriptions urbanistiques. »
Rompre le cercle vicieux de la dépendance
Car la situation actuelle est un non-sens économique et environnemental. « On extrait parfois des minerais en Europe, on les envoie en Chine pour les raffiner, et ils nous les renvoient transformés. C’est de la folie furieuse en termes de création de valeur », ironise Bouchez.
Quant au recyclage, tant vanté, il reste illusoire sans extraction primaire. « Parler d’économie circulaire sans phase d’extraction, c’est un cercle dont il manque un bout », martèle-t-il.
Enfin, Bouchez s’attaque à un autre tabou : l’exploitation des nodules polymétalliques sous-marins. Là encore, les ONG environnementales militent pour un moratoire. « Mais si on n’a même pas la possibilité d’étudier, on restera en permanence dans l’ignorance », prévient-il, en se disant favorable à la recherche sous contrôle strict, afin de ne pas se priver d’éventuelles ressources cruciales.
Opérer un tournant
Pour la Wallonie, réamorcer le virage de l’exploration minière, c’est se donner les moyens de maîtriser son destin industriel, environnemental et géopolitique, insiste le libéral. “L’objectif, c’est de rouvrir des mines en Wallonie, si possible rapidement“, s’avance Georges-Louis Bouchez, qui avait déjà évoqué ce sujet au détour d’une matinale radio.
Mais il faudra procéder par étape, reconnait-il. D’abord étudier nos sols, sous l’impulsion des pouvoirs publics. Ensuite, changer le cadre légal pour faciliter l’exploration minière des acteurs du privé. Et ce n’est qu’après qu’on pourrait commencer à parler d’exploitation minière, si elle s’avère économiquement rentable, notamment au regard de la concurrence chinoise.
Des étapes qui prendront du temps, préviennent toutefois les scientifiques, dont Eric Pirard.