La réforme des primes à la rénovation est-elle illégale ?

Cécile Neven (MR) -BELGA PHOTO BRUNO FAHY
Baptiste Lambert

La ministre de l’Énergie et du Logement, Cécile Neven (MR), a subi les tirs de l’opposition, ce mardi matin, en commission. La libérale traverse sa première tempête politique après avoir diminué les primes à la rénovation de 60% en Wallonie. “Une nécessité budgétaire”, s’est-elle défendue. “Un choix politique”, a rétorqué l’opposition, dans un match de ping-pong plutôt attendu. Mais le PS a mis le doigt sur la “faiblesse juridique” d’une décision “à la hussarde”.

On reconnait l’importance d’une commission au nombre de députés qui s’y trouvent. C’était certainement le cas de la commission Énergie et Logement, organisée ce mardi matin, au Parlement wallon. Chaque parti de l’opposition avait dépêché quelques gros calibres : Christie Morreale pour le PS (qui est restée en retrait), Céline Tellier et Stéphane Hazée pour Ecolo, et Germain Mugemangango et Jori Dupont pour le PTB.

Du côté de la défense, on retrouvait bien sûr la ministre, Cécile Neven, mais également le député Olivier Maroy, un habitué des joutes verbales, qui devait initialement présider la commission, mais qui s’est fait remplacer chez les libéraux, pour pouvoir croiser le fer. Chez les Engagés, c’est principalement Jean-Paul Bastin qui s’y collait.

Chaque député a eu 15 à 20 minutes pour faire état de ses critiques, questions et arguments dans un débat riche en petites phrases, mais également en contenu.

Toutefois, la principale flèche a sans doute été décochée par Ozlem Ozen (PS), dont le parti avait visiblement calibré le tir. Selon la députée socialiste, la réforme de la ministre qui vise à baisser les primes de 60% et à les plafonner à 70% du montant total, “est un avant-projet juridiquement inexistant”, puisqu’il n’a pas été approuvé en dernière lecture et qu’il est toujours en attente de l’avis du Conseil d’État.

Selon la députée, “il n’a pas d’existence légale tant que l’ensemble de la procédure n’a pas été suivie et qu’il n’est pas publié au Moniteur belge”. Le problème est que la décision de la ministre est d’application depuis le 14 février, avec une période transitoire jusqu’au 28 février. “Vous êtes en totale illégalité et une telle disposition, juridiquement inexistante, pourrait être annulée par le Conseil d’État“, a menacé la socialiste. Selon son raisonnement, “l’administration ne peut pas appliquer une mesure qui n’a pas force de loi. Et le 13 février, quand vous décidez d’imposer que les citoyens aient payé 20 % de la facture (pour pouvoir bénéficier de l’ancien système de primes, ndlr), c’est contraire à la sécurité juridique et à la prévisibilité du droit. Vos actions, décidées dans la précipitation, sont illégales”, a-t-elle martelé.

Cécile Neven a justifié la rétroactivité de sa décision par un motif impérieux d’intérêt général : la poursuite de cette “bulle” des primes à la rénovation aurait engendré une dégradation des finances publiques. De 674 millions d’euros, a rappelé la ministre, pour l’arriéré de 2024 et les nouvelles primes de 2025. Soit un dépassement de 6 à 7 fois l’enveloppe prévue initialement. “La réforme des primes à la rénovation est fondée sur une analyse juridique préalable, le Conseil d’État ayant notamment rappelé le principe de mutabilité qui autorise les autorités à adapter leur politique”, s’est défendue la ministre.

“Nous n’avons pas pris cette décision de gaieté de cœur, mais dans une démarche de responsabilité. Je continuerai mon travail pour assainir la situation et établir un régime global le plus efficient possible, en calibrant chaque mesure à l’aune des objectifs de la Wallonie et des moyens dont elle dispose”, a-t-elle conclu.

“Vous êtes la Thatcher wallonne !”

Le reste du débat s’est focalisé sur la nécessité ou pas de revoir ces primes à la baisse et sur l’effet de surprise qu’a provoqué la décision de la ministre sur les ménages et le secteur de la rénovation.

“Votre réforme est brutale. C’est une réforme à la hussarde ; un choix politique et non une nécessité budgétaire. Au lieu d’en faire porter le poids au gouvernement précédent, vous devriez assumer vos décisions”, a lancé Céline Tellier (Ecolo), qui a rappelé que les réformes des droits d’enregistrement, de succession et les conséquences des réformes fédérales, pèseront “900 millions d’euros” sur les finances wallonnes.

Du côté du PTB, Jori Dupont a qualifié la ministre de “Thatcher wallonne” et a accusé le gouvernement “de remettre en cause des choix de vie posés par des familles“.

Dans la majorité, on a rappelé que les primes wallonnes à la rénovation restaient les plus généreuses du pays. “À entendre certains, tout s’arrête du jour au lendemain. C’est totalement faux: les primes ne disparaissent pas et les ménages les plus précaires ne sont pas abandonnés. Par contre, sans cette réforme, ces primes risquaient de passer à la trappe, comme à Bruxelles où un moratoire a été décrété. Dans le monde réel, l’argent ne pousse pas dans les coquelicots”, a asséné Olivier Maroy.

Quelle responsabilité pour Adrien Dolimont ?

Quant à la responsabilité du dérapage budgétaire, l’ancienne et la nouvelle majorité se renvoient la balle. Ecolo rappelle que l’actuel ministre-président, Adrien Dolimont (MR), était et est ministre du Budget. Que les primes à la rénovation ont été augmentées en 2023 et que le libéral s’en était félicité sur les réseaux sociaux. Et enfin, que le gouvernement a, “à de nombreuses reprises”, été notifié du succès de ces primes. Autrement dit : Adrien Dolimont a validé le système.

Que l’opposition nous montre ces notes !“, s’est exclamé le député Olivier Marroy. Le libéral a défendu son collègue : “Le ministre du Budget était au courant du budget annuel (environ 100 millions d’euros, ndlr.), mais pas de ce qui se passait dans l’arrière-cuisine de l’ancien ministre”, à savoir l’écologiste Philippe Henry.

Et pour cause, selon la ministre Neven, il n’y avait aucun monitoring des montants alloués. Seul un suivi du nombre de dossiers avait été effectué par l’administration, à la demande de son prédécesseur.

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