La campagne s’envenime en Wallonie sur les PFAS : “Une grande mascarade préélectorale”

Celine Tellier
Baptiste Lambert

La ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier (Ecolo), était entendue ce mardi en commission, concernant les résultats des analyses de sang des habitants de Chièvres, sur une éventuelle contamination aux PFAS, les polluants dits éternels. Les résultats définitifs devraient être publiés après les élections. Ce qui a provoqué une grande offensive de l’opposition et du MR qui tentent de coincer la ministre, à quelques jours du scrutin. L’ambiance est délétère. Les concernés auront obtenu peu de réponses claires.

Tente-t-on de porter le coup de grâce à Ecolo, à quelques jours des élections, sur le dos de la santé publique ? C’est le sentiment de la ministre Céline Tellier, qui dénonce “une mascarade préélectorale” de la part de ses opposants. Les Engagés, le PTB et le MR, eux, accusent la ministre de cacher les résultats des analyses des prises de sang ou en tout cas de retenir des informations.

“J’ai beaucoup de mal à ravaler ma colère”, a déclaré d’emblée l’écologiste en commission. “Je refuse que nous sacrifiions la qualité sur l’autel d’une campagne de dénigrement”, a-t-elle sèchement lancé aux députés.

Mais de quoi parle-t-on ? Il est surtout question de calendrier. La présentation des résultats des prises de sang ne devrait être connue qu’après les élections, durant la deuxième semaine de juin, a annoncé la semaine dernière Céline Tellier. Cette annonce a suscité le courroux des députés de l’opposition et du MR, qui ont réussi à obtenir une audition de la ministre, ce mardi. Dans ses explications, la ministre de l’Environnement est revenue sur un ensemble de rapports, de notes et des comptes rendus, qui expliquent, en résumé, qu’il n’a jamais été question de présenter les résultats tant qu’ils n’étaient pas définitivement prêts. Or ces résultats, se défend-elle, ne sont pas consolidés et doivent encore être interprétés par les scientifiques qui doivent ensuite établir des recommandations. Les publier aujourd’hui n’aurait d’autres effets que de semer la confusion et la panique parmi la population, a mis en garde la ministre.

La ministre reçoit le soutien du CSI

Ce matin, avant la commission, la ministre a reçu l’appui du CSI (Conseil scientifique indépendant). Par communiqué, le CSI affirme que son calendrier de travail “a été présenté de longue date”, estimant que “l’accélération soudaine” de celui-ci ne pouvait “se justifier d’un point de vue scientifique”. Le CSI reconnait avoir obtenu des résultats, mais ils doivent maintenant être affinés et discutés en interne. Et d’ajouter : “Il est par conséquent inopportun de rapporter des conclusions intermédiaires qui n’ont pas pu être avalisées par l’ensemble des membres du CSI.”

En commission, Céline Tellier a défendu “le travail acharné” des scientifiques “depuis des mois” pour connaitre les résultats de ces prises de sang, liées à la consommation d’eau potable à Chièvres (et à Ronquières). Mais ces résultats bruts ne peuvent en aucun cas être annoncés aux concernés ou aux médecins traitants sans interprétations et recommandations, défend-elle. Il faut du temps et le calendrier annoncé par les scientifiques est respecté.

“Bas les masques !”

En outre, l’écologiste a rappelé que les seuils de tolérance, qui ont fait l’objet d’une fuite hier dans la presse en plus des recommandations qui y sont liées, suscitant l’émoi des députés, n’étaient pas quelque chose de neuf. Ces seuils, qui sont séparés en trois catégories – 2 ng/ml, entre 2 et 20 ng/ml et au-dessus de 20 ng/ml – ont déjà été utilisés comme valeurs de référence dans le monitoring de broyeurs à métaux et ne sont donc pas cachés.

Ce monitoring a montré que 92,8% de la population wallonne se situe entre 2 et 20 ng/ml, au-dessus du premier seuil de risque, a lancé la ministre aux députés. Arrêtez de faire croire que l’ensemble des problèmes des PFAS sont liés à Chièvres ou à l’eau potable. Si l’on veut revenir sous le premier seuil de risque, il faut interdire les PFAS à la source, ce que vous refusez de façon catégorique !”.

Ce n’est pas le débat ici“, a répondu le député du MR, Jean-Paul Wahl, pourtant dans la majorité. Le ton est alors monté encore d’un cran.

“Ce n’est pas le débat aujourd’hui ? Quand ça vous arrange, ce n’est pas le débat”, a rétorqué la ministre au député. “Ça, vous ne voulez pas en parler”, ont embrayé les deux députés Ecolo présents en commission, Christophe Clersy et Manu Disabato. “Vous êtes prêts à les interdire ? Dites-le, alors !”

“C’est de la santé des gens dont on parle aujourd’hui, ce sont des résultats”, a répondu le député Jean-Paul Wahl.

“La santé des gens, c’est en amont qu’il faut agir, monsieur Wahl, et vous ne voulez jamais le faire, vous êtes bloquant sur ces questions, bas les maques !“, a crié Christophe Clersy.

Nous avons été bloquants contre toutes vos mesures punitives permanentes !“, a hurlé encore plus fort le député libéral. La majorité se déchire à quelques jours du scrutin.

Un coup d’épée dans l’eau ?

Bref, le contexte ne permet pas d’y voir très clair sur une question aussi importante que la santé publique et l’eau potable que les Wallons consomment. Chacun est resté campé sur ses positions, au détriment d’un débat informatif. À titre d’exemple, parmi les recommandations des scientifiques, au 3e seuil, au-dessus de 20 ng/ml, il est notamment question d’examens médicaux réguliers en vue de la détection de certains cancers, y compris pour les mineurs. L’enjeu est donc important.

Mais l’offensive des Engagés, du PTB et du MR, semble, à ce stade, un coup d’épée dans l’eau. À moins que l’on apprenne, d’ici la fin de la campagne, que les résultats préliminaires des analyses de sang n’étaient pas si parcellaires et pouvaient être communiqués.

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