Vers une nouvelle révolution dans le football, contre la marchandisation des joueurs

Lassana Diarra, au centre, en équipe de France. C'était en 2015.Picture David Small Sportimage PUBLICATIONxNOTxINxUK
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

La Cour européenne de justice pourrait prendre, dans l’affaire Diarra, un arrêt Bosman 2.0, du nom de cette décision qui avait bouleversé le sport en 1995. Des avocats belges sont à la manoeuvre. Cela pourrait changer le visage du football.

Connaissez-vous les noms de Jean-Louis Dupont et Martin Hissel? Ces deux avocats belges sont à l’origine d’une des plus importantes révolutions juridiques dans le monde du football. En 1995, ils avaient obtenu que la Cour européenne rende le désormais célèbre “arrêt Bosman”, du nom d’un joueur du FC Liège empêché d’un transfert vers le club français de Dunkerque.

A l’époque, il s’agissait de dénoncer les quotas de nationalités dans les clubs, contraire à la libre circulation des personnes dans l’Union européenne. L’arrêt Bosman avait profondément modifié le paysage de ce sport en libéralisant les transferts. Depuis, les mercatos sont devenus la boussole des clubs et les joueurs profitent d’une liberté sans précédent. A ceci près que d’autres effets pervers sont venus “marchandiser” les acteurs de la plus grande entreprise mondiale.

Voilà pourquoi Jean-Louis Dupont et Martin Hissel poursuivent leur croisade, au départ d’un autre cas concret, concernant le joueur français Lassana Diarra. Il s’agit désormais de permettre une meilleur régulation de ces échanges devenus sauvages. L’arrêt devrait bientôt tomber, mais l’avis de l’avocat général, dévoilé cette semaine, laisse à penser que les arguments des avocats pourraient être entendus.

Un possible nouvel arrêt Bosman

L’affaire Diarra concerne le joueur français Lassana Diarra, un international français qui avait été à deux doigts de rejoindre le Sporting de Charleroi en 2014. Sous contrat au Lokomotiv Moscou, il avait mis fin à sa relation avec le club russe, après avoir été l’objet d’une baisse salariale décidée unilatéralement pour “baisse de performances”. Le Lokomotiv Moscou réclamant des indemnités et la Fédération russe refusant d’octroyer le certificat, le transfert avait avorté, après un passage par la chambre des litiges de la FIFA. Finalement, Lassana Diarra a finalement prolongé sa carrière à l’Olympique de Marseille, plus tard.

En attendant, l’affaire a abouti devant le tribunal du commerce du Hainaut. Celui-ci a posé une question préjudicielle à la Cour de justice européenne, estimant que la libre circulation des joueurs avait été entravée, par l’attitude du club et par le refus de la Fédération d’octroyer un certificat de transfert. Refrain connu, dans la lignée de l’affaire Bosman. Lassana Diarra aurait été, plusieurs mois durant, empêcher de pratiquer son métier.

L’avocat général de la Cour européenne de justice va dans ce sens: “Les sanctions sportives auxquelles sont confrontés les clubs embauchant le joueur peuvent effectivement empêcher un joueur d’exercer sa profession dans un club situé dans un autre État membre”. Il ajoute: “Limiter la capacité des clubs à recruter des joueurs, affecte nécessairement la concurrence entre les clubs sur le marché de l’acquisition des joueurs professionnels.”

Réguler les relations de travail

Les avocats belges estiment que cette nouvelle révolution pourrait avoir un effet important. “Cela constituera un nouveau jalon, essentiel, dans la modernisation de la gouvernance du football au sein de l’UE et peut-être au-delà, en permettant enfin aux partenaires sociaux, les syndicats de joueurs et les syndicats de clubs, de réguler leurs relations de travail“, disent-ils.

Une façon de “mettre fin à des pratiques dégradantes de marchandisation des joueurs”, selon eux. Les experts estiment souvent que le football est devenu l’expression ultime du néolibéralisme le plus pur. Un virage est-il susceptible d’être pris? D’autres experts avancent la nécessité d’une évolution comparable à ce qui se passe aux Etats-Unis, avec des règles plus claires dans le cadre de ligues fermées.

En tout état de cause, le football doit encore évoluer pour ne pas dégénérer en la jungle qu’il devient trop souvent.

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