Une réponse européenne pour faire face à la pénurie de certains médicaments?

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Antibiotiques, paracétamol, antiépileptiques, anticancéreux, etc. : de plus en plus de médicaments viennent à manquer dans les pharmacies, en France comme ailleurs en Europe, suscitant l’inquiétude d’un certain nombre d’acteurs qui jugent indispensable une réponse plus européenne.

“Il faut avoir une politique française de souveraineté (…), mais aussi une politique européenne” pour répondre à la pénurie de certains médicaments, souligne le ministre français de la Santé François Braun. La Commission européenne a proposé fin avril une réforme visant à contraindre les entreprises pharmaceutiques à mieux se prémunir contre les pénuries, à les encourager à développer de nouveaux antibiotiques et à lancer leurs médicaments dans l’ensemble de l’UE.

Mais cette proposition ne résoudra pas l’ensemble du problème, ont déjà reconnu certaines voix à la Commission, rappelant que l’UE oeuvre par ailleurs à renforcer sa souveraineté industrielle et à sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques.

François Braun préconise plus de transparence des laboratoires pharmaceutiques sur leur production, une solidarité européenne accrue quand un pays a des stocks et peut aider ceux qui n’en ont pas, et l’élaboration d’une liste européenne de ces médicaments essentiels, pour que l’on garantisse leur production en France comme en Europe.

L’appel des pédiatres

Le Leem, l’association qui représente l’industrie pharmaceutique française, a pour sa part pointé jeudi les difficultés liées à la diversité des réglementations en Europe. Il plaide pour une harmonisation des réglementations nationales afin de faciliter le suivi des difficultés d’approvisionnement et “d’éviter la superposition des législations”. L’association estime aussi qu’un renforcement du mandat de l’Autorité européenne du médicament pourrait permettre “une réaction coordonnée au niveau de l’UE en ce qui concerne les risques sanitaires et les risques de pénuries”.

Selon Sonia de La Provôté, sénatrice et présidente de la commission sénatoriale d’enquête sur le sujet, les pénuries se sont “aggravées depuis un peu plus d’une quinzaine d’année”. Au total, 3.500 signalements de ruptures de stock et de risques de ruptures ont été recensés en 2022, en nette hausse par rapport aux 2.160 recensés en 2021, selon un dernier bilan transmis cette semaine à l’AFP par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Le problème ne touche pas seulement la France: fin avril, des pédiatres de différents pays européens ont alerté sur un risque pour “la santé de nos enfants et de nos jeunes” en raison du manque de médicaments dans toute l’Europe.  Ailleurs, les États-Unis ou le Canada sont aussi touchés.

Les causes de pénurie sont multiples, avec souvent un lien avec le contexte international: capacité de production insuffisante, complexité des chaînes de fabrication, hausse des besoins en médicaments sur fond de vieillissement des populations, concentration des fabricants, difficultés d’approvisionnement en matières premières, défauts de qualité sur les médicaments, effets des crises internationales, inflation, etc.

Relocaliser en Europe

À l’échelle nationale, il faut “plus de vigilance sur les remontées de signaux, plus d’anticipation avec les industriels, et recourir à des molécules de substitution quand cela est possible”, affirme à l’AFP  Philippe Coatanea, vice-président du Conseil national de l’ordre des pharmaciens. Mais selon lui “la solution ne peut s’inscrire que dans une stratégie internationale, et a minima européenne, d’anticipation, plutôt que d’empiler des systèmes franco-français toujours plus coercitifs et rigides”, selon lui.

La vraie réponse européenne, c’est de relocaliser en Europe la production des molécules essentielles, à un prix raisonnable. Les compétences existent en Europe mais c’est un terrain sur lequel actuellement la Commission ne va pas”, déplore l’économiste Nathalie Coutinet, de l’Université Sorbonne Paris Nord.

En outre, l’UE n’a pas, pour l’heure, la compétence de fixer les prix des médicaments, qui sont du ressort des autorités nationales dans le cadre de négociations avec le fabricant, de même que les taux de remboursement. “Le marché européen est un gros marché, mature. S’il est organisé et parle d’une seule voix, dans les négociations, ça pèse quand même beaucoup sur le business plan des laboratoires”, pointe Sonia de La Provôté auprès de l’AFP.

Certaines de ces propositions figurent dans le paquet présenté par la Commission européenne. Reste à savoir si cette réforme pourra être adoptée avant les élections européennes de juin 2024. Sans quoi, son sort serait assez incertain.

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