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“Un nouveau monde. Vraiment?”
Que sera le monde après le coronavirus? C’est une question que tout le monde se pose. Les médias foisonnent d’ailleurs de cartes blanches et d’opinions à ce sujet. Est-on vraiment entré dans un nouveau monde, où rien ne sera comme avant?
Gardons un esprit critique face à ce genre de questions. D’une part, entre les rêves de révolution et la réalité, il y a souvent un large fossé. La plupart des cartes blanches sur le sujet ne tentent pas de comprendre ce à quoi le monde ressemblera mais, plus basiquement, utilisent la crise que nous vivons pour promouvoir la vision du monde de leurs auteurs. La crise est utilisée comme la démonstration de l’échec du modèle actuel. Il en découlerait ” naturellement ” la nécessité de radicalement changer les choses. Ceci relève d’une erreur de logique : ce n’est pas parce qu’un modèle a des failles que l’alternative est meilleure. Bref, il s’agit bien souvent davantage de pièces d’opinion politique opportunistes que du résultat d’une réflexion fondée sur les faits.
D’autre part, l’économie mondiale est perpétuellement en évolution. La crise du coronavirus peut donc accélérer des changements déjà en gestation dans certains domaines ou même provoquer certains changements de cap… mais il ne faut pas voir ce phénomène comme le passage d’un état stable à un autre.
Prenons l’exemple de la mondialisation. Bien entendu, la crise du coronavirus marque un coup d’arrêt sur les échanges mondiaux. Le volume du commerce mondial s’est largement replié en février (dernière donnée disponible) et les choses ne devraient qu’empirer durant les mois suivants, confinement oblige. Mais il faut souligner que la baisse drastique du commerce mondial ne marque pas une rupture de sa tendance. Depuis 2018, il plafonne en raison du ralentissement économique mais également des tensions commerciales et du protectionnisme. La crise actuelle vient renforcer l’évolution observée depuis un certain temps.
La réaction intuitive à la crise et aux failles qu’elle a révélées dans les chaînes d’approvisionnement du matériel indispensable plaident par ailleurs pour une réorganisation durable de la production. Au niveau des entreprises, la crise actuelle risque de marquer les esprits et de les inciter à revoir leur chaîne d’approvisionnement. Outre la nécessité de se constituer des stocks plus importants de matières premières pour ne pas être pris au dépourvu en cas de rupture de la chaîne d’approvisionnement, on peut supposer que bon nombre d’entreprises reverront l’organisation entière de cette dernière. Dans un certain nombre de cas, il est probable que des processus de production plus intégrés apparaissent et que les mouvements de produits semi-finis soient plus restreints. On peut aussi raisonnablement penser que des gouvernements chercheront à ramener sur le territoire national certaines productions considérées comme stratégiques. Ceci entraînerait, logiquement, une diminution du commerce international et marquerait probablement la fin de la mondialisation telle que nous l’avons connue ces 20 dernières années.
Mais il ne faut pas aller trop vite en besogne. Dans l’urgence, il est possible de développer une ligne de production locale de masques de protection. Mais si ce matériel de base s’est avéré crucial dans cette crise, rien n’indique qu’il le sera lors de la prochaine. Les productions nécessaires en cas d’urgence (crise sanitaire, catastrophe naturelle, tensions géopolitiques, etc.) sont innombrables et ramener toute production stratégique est simplement impossible. Considérer donc que la crise actuelle du coronavirus mènera à une réduction forte du commerce international est prématuré. Par contre, les entreprises et les Etats chercheront probablement à multiplier les fournisseurs potentiels et à en disposer près de leur territoire national. Cette multiplication du nombre de fournisseurs est certainement compatible avec un redéploiement du commerce international, même si ce sera sur des bases différentes.
En conclusion, à court terme, le repli du commerce mondial sera significatif, en raison des mesures de confinement et, ensuite, de la crise économique. A plus long terme, les tensions politiques et le protectionnisme déjà présents avant la crise devraient néanmoins rester les plus grandes menaces sur le commerce mondial.
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