Un cadeau empoisonné ? Les prochaines coalitions avanceront en terrain miné

Voilà Georges-Louis Bouchez et Maxime Prévot (Les Engagés) au pied du mur © BELGA PHOTO ERIC LALMAND
Baptiste Lambert

Les nouvelles perspectives économiques du Bureau du plan pour 2024-2029 sont sans surprises. Les finances publiques sont dans le rouge vif, plombées par le coût du vieillissement, des soins de santé et les charges sur la dette. Tous les éléments d’un cadeau empoisonné pour les prochaines coalitions.

Forts de leurs impressionnants résultats, les partis qui ont gagné les élections pourraient vite déchanter. Depuis la crise sanitaire, les finances publiques ne cessent de se dégrader. Une situation qui perdurera à politique constante, selon la dernière mise à jour des perspectives économiques du Bureau du Plan. Le taux d’emploi (qui devrait grimper de 72,1% en 2023 à 74,1% en 2029) et la rationalisation des institutions ne feront pas tout. Des mesures forcément impopulaires devront être prises pour remettre à flot les finances publiques.

Ces perspectives, elles sont très similaires aux dernières estimations de la Banque nationale et du Conseil central de l’économie. Le déficit devrait s’établir à 4,5% du PIB en 2024, soit 31 milliards d’euros. Ce déficit ne cessera de croître pour atteindre 5,8% du PIB en 2029, soit 40 milliards d’euros. Il y a d’un côté le déficit primaire, qui est “vertigineux”, commente le BFP. Il est porté par des dépenses courantes très importantes, plombées par le coût du vieillissement et les soins de santé. Les investissements ne pèsent que très peu pour expliquer ce déficit. “Ce sont ces dépenses courantes qui font dire que nous vivons au-dessus de nos moyens”, explique l’institution économique. Les investissements seront un peu meilleurs ces deux prochaines années, du fait du plan de relance, mais ils s’essouffleront à partir de 2027.

L’autre part du déficit est portée par les charges d’intérêt sur la dette. À partir de 2029, ces charges pèseront pour la moitié du déficit belge. Au niveau de la dette, on passera de 106% en 2024 à 117% en 2029, à politique inchangée. En 2019, nous étions à 98%. La croissance et l’inflation de ces dernières années ne permettront plus d’alléger quelque peu cette dette.

La situation très inquiétante de Bruxelles

Le déficit est principalement porté par l’Entité I, c’est-à-dire l’échelon fédéral. C’est sur ses épaules que reposent la Sécurité sociale, le poids des retraites, l’essentiel des charges d’intérêt, le financement des budgets européens et les dépenses militaires. En 2024, le déficit de l’Entité 1 représentera 65% du déficit total, en 2029, cette proportion sera de 85%.

Tout va bien à alors du côté des entités fédérées, l’Entité II ? En Flandre certainement, où le déficit ne représentera plus que 1% des recettes disponibles en 2029. Cela baisse en Wallonie, même si ce déficit devrait être de 7% en 2029, toujours par rapport aux recettes. À Bruxelles, la situation n’empira pas, mais restera catastrophique : le déficit sera à 20% des recettes disponibles. Ce sont les recettes propres moins les recettes reportées à d’autres échelons de pouvoir.

Le cadeau empoisonné

Au fédéral, les victoires du MR, des Engagés, et dans une moindre mesure, de la N-VA, leur offrent une sorte de cadeau empoisonné. Là encore, personne ne pourra se montrer surpris, les nationalistes en ont même fait un cheval de bataille : la prochaine législature ne sera pas une sinécure. Le retour du carcan budgétaire demandera un effort considérable.

Au sud du pays et à Bruxelles, le binôme formé du MR et des Engagés, est dans une situation tout aussi inconfortable : tenter de mettre sur pied une politique de rupture avec des caisses vides. Un difficile équilibre qui ne manquera pas d’être critiqué par la gauche.

Étourdis, le PS et Ecolo finiront par sortir de leur léthargie pour mettre des bâtons dans les coalitions de centre-droit (avec un point d’interrogation à Bruxelles où le PS devrait être indispensable). Un combat qui sera également porté par le PTB et les syndicats, qui ne manqueront pas de se faire entendre, avec le monde associatif. On se souvient, par exemple, que la Suédoise, formée du MR et de la N-VA, avait provoqué de nombreux soulèvements, parfois violents, dans la rue. Le syndicat chrétien CNE a déjà dénoncé “le retour de l’austérité”, la FGTB attend de voir la prochaine Déclaration de politique générale (DPR), mais se dit prête à se mettre “en mode résistance”.

Plus que jamais, ces nouvelles coalitions avancent en terrain miné.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content