Thyssen maintient son projet sur le détachement des travailleurs

La commissaire européenne à l’Emploi et aux Affaires sociales, Marianne Thyssen, n’a pas l’intention de modifier ou de retirer son projet destiné à mieux lutter contre le dumping social des travailleurs détachés.
Onze pays européens, dont dix d’Europe de l’est, avaient adressé en mai dernier un “carton jaune” à la commissaire belge en estimant que le sujet du détachement des travailleurs devait être traité au niveau national et non européen.
Le lancement de cette procédure par les Etats membres exigeait que Mme Thyssen réexamine sa proposition. Deux mois se sont écoulés depuis, mais la commissaire est toujours convaincue que son texte ne doit pas être retiré, ni même modifié.
“Je suis convaincue que le contenu de la proposition est équilibré. Je ne choisis par le camp d’une partie de l’Europe contre l’autre. Il s’agit de rétablir la justice : ceux qui effectuent le même travail sur un même territoire doivent recevoir un salaire identique”, a déclaré Mme Thyssen, avant un collège des commissaires qui se penchera sur ce point mercredi.
“L’alternative serait de ne rien faire et cela serait encore pire”, a-t-elle encore estimé.
Encadré par une directive de 1996, le détachement permet à une entreprise européenne d’envoyer à titre provisoire ses salariés en mission dans d’autres pays de l’UE, en n’appliquant que le noyau dur de leurs réglementations (salaire minimum, conditions de travail) tout en continuant de payer les cotisations sociales dans le pays d’origine. Mais le système fait l’objet de nombreux détournements : non-déclaration, rémunérations très inférieures au salaire minimum, dépassement des durées maximales de travail, hébergement indigne, etc.
Mme Thyssen avait présenté en mars son projet législatif – soutenu par la France mais aussi l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, la Suède et les Pays-Bas – pour modifier la directive. Celui-ci prévoit que les travailleurs détachés bénéficient de tous les aspects de la rémunération – c’est-à-dire les éventuels bonus, treizième mois, prime au mauvais temps, etc. – octroyés dans le pays de détachement, et plus uniquement du salaire minimum. Le projet défini aussi ce qu’on entend par “détachement temporaire”, en limitant cette période à deux ans. Les avantages accordés en vertu de conventions collectives seront également octroyés aux travailleurs détachés.
Les employeurs qui feraient appel à des travailleurs détachés via un bureau d’intérim seraient également obligés, selon le projet, de leur octroyer le même traitement qu’à leurs employés, à l’image de ce qui existe déjà pour les intérimaires “classiques”.
Marianne Thyssen rejette les arguments des onze parlements nationaux qui estiment que ce sujet doit être abordé au niveau national. Il s’agit d’une modification d’une dircetive européenne de 1996, sur un sujet qui dépasse par définition les frontières, estime-t-elle.
“Il s’agit d’organiser le marché interne européen. Certains pensent que ce marché est un grand espace sans règles où chacun peut faire ce qu’il veut, mais ce n’est pas le cas. Des corrections sociales et des règles équitables sont nécessaires”, ajoute Mme Thyssen. Les problèmes relatifs au détachement nuisent, selon elle, à la confiance des citoyens dans le marché unique européen.
Elle entend donc maintenir sa proposition, ce qui ne signifie pas que celle-ci sera adoptée facilement. Le Parlement européen et les Etats membres devront en effet approuver ce projet et les divisions restent importantes.