Christophe De Caevel
Sauvez la démocratie !
Deux Belges sur trois souhaitent l’instauration d’un régime plus autoritaire, nous apprend l’étude “Noir Jaune Blues”, réalisée par le bureau Survey & Action et publiée par Le Soir. Un danger pour notre démocratie ?
Les personnes interrogées dans le cadre de l’étude de Survey & Act semblent toujours préconiser l’élection des dirigeants au suffrage universel. Mais l’action de ceux-ci ne devrait plus, ensuite, être “gênée par des juges, des journalistes, des fonctionnaires, des lanceurs d’alerte ou des intellectuels critiques”. En d’autres termes, les dirigeants auraient les mains totalement libres, le seul garde-fou étant la sanction des électeurs au terme de la législature.
Nous pestons tous régulièrement, y compris dans les colonnes de Trends-Tendances, contre l’inertie politique et les blocages technocratiques de projets industriels ambitieux. Mais pas au point de vouloir envoyer valdinguer notre démocratie parlementaire au profit d’une quelconque aventure autoritaire. Rappelons d’emblée qu’une bonne partie de ces blocages ne provient pas du “système” mais d’actions citoyennes contre l’extension d’une usine, l’implantation d’éoliennes ou l’élargissement d’une route. Ce sont ces mobilisations qui amènent ensuite des juges à se prononcer, des journaux à écrire des articles et même parfois des électeurs à changer leurs habitudes de vote.
Effectivement, ces contre-pouvoirs peuvent parfois retarder voire empêcher l’exécution de projets a priori souhaitables. Mais ils peuvent surtout les orienter vers un meilleur équilibre des intérêts et améliorer ainsi la décision. A l’inverse, s’il peut apparaître plus efficace et rapide au départ, un processus autocratique finit par tuer l’innovation, à force de se contenter de regards uniformes sur les dossiers. C’est pour cette raison que les bonnes équipes dirigeantes, publiques ou privées, veillent à préserver en leur sein une diversité d’approches.
Longtemps, ces arbitrages politiques entre les différents points de vue ont pu être menés et assumés au sein de grands partis, loin d’être eux-mêmes monolithiques. Aujourd’hui, en raison à la fois de l’abstention et de l’éparpillement des voix, les partis politiques sont au mieux “moyens” et le plus souvent “petits”. Ils représentent de ce fait des intérêts de plus en plus catégoriels et n’ont plus la même capacité d’arbitrage.
Ce phénomène est renforcé par la tonalité de la communication sur les réseaux sociaux, principale source d’information de beaucoup d’électeurs (abstentionnistes ou non), qui incitent plus à l’affrontement qu’à la recherche de compromis. Ce contexte empêche, par exemple, la concrétisation de vraies politiques climatiques (dont à peu près tous les décideurs sont pourtant convaincus de l’urgence), chacun restant braqué sur ce qu’il croit être la défense des intérêts à court terme de son électorat.
Il faut donc repenser notre démocratie parlementaire à l’aune d’un nouveau contexte. Par exemple en y instillant des doses de démocratie participative. “La politique est trop importante pour être laissée uniquement aux hommes politiques”, disait l’an dernier dans L’Echo l’essayiste David Van Reybrouck, promoteur notamment du G1000. De nombreuses expériences existent à travers le monde, y compris en Belgique. Le Parlement de la Communauté germanophone est en effet devenu la première assemblée à se doter d’un conseil permanent de citoyens tirés au sort.
Ces expériences montrent que, quand ils sont placés en situation, les citoyens s’informent et parviennent à élaborer ensemble des solutions qui font vraiment bouger les lignes. Jusqu’ici, les propositions de ces instances passent toutefois difficilement la rampe de l’exécution par le politique, celui qui devra in fine les défendre devant les électeurs.
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