Sanctionner les entreprises qui n’emploient pas assez de seniors? L’État serait le plus sanctionné!

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

La nouvelle proposition de réforme des Pensions de Karine Lalieux contient une disposition d’amende qui suscite des réactions indignées. L’économie générale de son projet passe mal.

La ministre des Pensions, Karine Lalieux (PS), a déposé sur la table du gouvernement une version remaniée de sa réforme. Si le texte intègre un certain nombre de remarques par rapport à la version initiale, il reste difficile à avaler par ses partenaires à la droite du gouvernement. Singulièrement par le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), qui avait émis un certain nombre de contre-propositions à la fin de l’année dernière.

« Une charge unilatérale »

Parmi les mesures qui suscitent le plus de réserves dans les milieux patronaux, à droite et en Flandre, il y a cette intention de sanctionner les entreprises qui n’emploient pas suffisamment de personnes au-delà de 60 ans. En présentant sa réforme au Soir, en début de semaine, la ministre citait un ratio d’engagement de 18 % pour cette catégorie d’actifs. « Karine Lalieux demande donc que l’on responsabilise davantage les entreprises, précisait le quotidien. Là où le taux de travailleurs âgés est inférieur à la moyenne sectorielle, une amende serait appliquée et viendrait alimenter un fonds, au profit de la caisse des retraites. »

Dans les milieux patronaux, c’est peu dire que l’idée passe mal. « La création d’un fonds spécial pour sanctionner les entreprises qui n’embauchent pas suffisamment de personnes de plus de 60 ans est inutile si l’on ne fait rien au niveau des différentes mesures de fin de carrière, estime la Fédération des Entreprises de Belgique. Sanctionner les entreprises sans réformer les systèmes de retraite est une charge purement unilatérale. »

Au sein de la majorité, le CD&V a exprimé tout le mal qu’il pensait de l’idée. En réponse à un internaute estimant qu’il s’agit d’une attitude « à la Bouchez », le parti trouvant normal de sanctionner les employeurs qui ont un taux d’invalidité trop important, mais pas taux de seniors insuffisant, son président, Sammy Mahdi, rétorque : « Sanctionner la discrimination oui. Mais des quota et amendes quand une entreprise n’embauche pas quelqu’un d’un certain âge est juste un nouveau moyen socialiste de viser ceux qui créent de l’emploi. Y’a pas que Georges-Louis Bouchez en Wallonie qui le dira ».

L’État est le plus concerné

L’économiste Ivan Van de Cloot, parmi d’autres, met le doigt là où cela fait mal: “Dans les faits, c’est précisément au sein de l’État que l’on travaille le moins jusqu’à l’âge de la pension. Et la ministre Lalieux va mettre le secteur privé à l’amende pour cela? Pourquoi a-t-on mérité cette non-politique?” D’autres soulignent que si l’État était concerné par cette mesure, il serait de loin le plus sanctionné. Le tableau, publié par l’économiste, est édifiant au sujet de la proportion, bien plus importante, de départs anticipés à la pension dans le secteur public, comparé au privé.

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Largement insuffisant

Il s’agit peut-être là d’un ballon d’essai susceptible d’être écarté lors de la négociation qui doit encore avoir lieu. Mais au nord du pays, l’économie générale du projet Lalieux passe mal. Marc De Vos (Itinera) s’étrangle : « Mettre à l’amende. Limiter. Taxer. Voilà ce que l’on appelle réformer les pensions. Le fossé entre le politique et les experts est plus grand que jamais. »

Bart Van Crayenest, chief economist du Voka, souligne combien cela est insuffisant: “ Une facture de supplémentaire de 15 milliards provient chaque année des pensions, et c’est encore une estimation optimiste. On ne fait rien ou pas assez… La réforme Lalieux ne suffit pas. »

La N-VA évoque “des propositions cosmétiques qui donnent l’impression que l’on fait quelque chose ». Le parti de Bart De Wever estime que cette proposition de réforme sert surtout à ajouter des impôts supplémentaires à ceux qui travaillent ou qui donnent du travail, “donc surtout en Flandre ». Refrain connu. La campagne électorale de 2024 est bel et bien entamée.

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