Carte blanche

Réseaux sociaux: quand les politiques confondent communication et marketing

Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont pris une place prépondérante dans notre vie de tous les jours. Ils sont utilisés par une grande majorité de citoyens et permettent à ces derniers de s’engager directement dans des discussions, des débats politiques, de faire connaître leurs opinions, leurs préoccupations et de contribuer à la formation de l’opinion publique.

De nombreux dirigeants politiques ont donc trouvé un intérêt direct à utiliser les réseaux sociaux pour communiquer avec leurs électeurs pour promouvoir leurs idées et pour établir une forte présence en ligne. Ces derniers étaient d’abord plutôt timides sur l’utilisation de ces plateformes, mais force est de constater que ces dernières années, les personnalités politiques, qu’elles soient élues ou dans l’opposition ont investi en masse Facebook, Instagram, TikTok ou encore Linkedin afin d’élargir leur visibilité et délivrer plus facilement leurs messages aux citoyens.

Seule subtilité notoire, ces nouveaux médias ont une série de codes et de tendances auxquels les utilisateurs s’adaptent et réagissent. Il n’est donc plus étonnant de voir un ministre réaliser une dernière tendance TikTok à la mode, un élu local réagir à un fait d’actualité international ou encore d’assister à la promotion de produits/services de la part de personnalités politiques. Du pain béni pour la presse qui peut donc bien plus facilement relayer les frasques et déclarations en tout genre.

La dénomination du politique influenceur prend donc tout son sens. Les personnalités les plus populaires disposent de communautés actives qui suivent leur actualité, et les néo-politiciens cherchent à recruter et faire gonfler leur visibilité afin de convertir cette audience en un socle électoral.

Cette nouvelle tendance de communication politique est pourtant inquiétante à bien des égards. Tout d’abord, elle peut tenter les politiques à privilégier les aspects de leur travail qui sont les plus visibles et les plus populaires auprès de l’opinion publique plutôt que de s’attacher à des tâches moins spectaculaires mais plus importantes pour le bien commun. Ensuite, les jeunes, qui sont très actifs sur les plateformes sociales, peuvent être plus vulnérables aux discours politiques trompeurs ou manipulés qui sont diffusés sur ces canaux. Il ne faut pas oublier que les individus ayant une présence en ligne relaient très souvent une version idéalisée d’eux-mêmes et les politiques ne dérogent pas à la règle. On peut donc se retrouver à idéaliser un courant idéologique parce qu’il a l’air “cool” dans la manière dont les politiques influenceurs la relaye. Cette technique est quotidiennement utilisée par les extrêmes, qui en plus d’enrober leurs messages dans de bonnes intentions, financent massivement la diffusion de leur idéologie à coup de plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros.

Car oui, autre particularité, la publicité ciblée des plateformes sociales permet de toucher exactement le public cible que vous désirez atteindre. Vous voulez vous adresser à la ménagère d’une commune rurale et le lendemain à un cadre vivant dans une commune aisée de la banlieue bruxelloise ? C’est possible et même très facile. Les messages sont donc adaptés en fonction des canaux et les sujets présentés aux citoyens sont ceux auxquels ces derniers s’intéressent.

Exit la communication politique, bienvenue dans l’ère du marketing de masse. L’important pour la plupart de nos politiciens, ce n’est pas le combat, c’est la manière dont on va le vendre. Après tout, il est bien plus simple de surfer sur l’émotion des sujets tendances que d’essayer d’expliquer raisonnablement une décision ou un fait d’actualité. Mais ce petit jeu n’est pas sans risque. La lecture devient de plus en plus difficile pour le citoyen qui se détourne de ce marketing déguisé en communication.

Soyons de bon compte, certains élus privilégient heureusement l’approche d’une communication multilatérale grâce aux réseaux sociaux et tentent de se rendre accessible à la population. Cette approche plus directe et plus immédiate peut être utile pour établir un lien plus étroit et transparent vis-à-vis des citoyens.

Pour conclure, l’important n’est aujourd’hui pas de mettre en avant un parti ou une personne mais plutôt les décisions prises et ce qui en découle pour nous, followers mais avant tout citoyens. L’image du politicien est une chose, mais elle ne doit pas faire de l’ombre au travail de fond. La population à besoin de comprendre les choix de nos élus pour mieux juger de leur efficacité, et non pas d’idolâtrer un produit marketing bien construit dans le seul but de renforcer la popularité du politique. Dans le fond, dans le secteur privé, l’efficacité d’un travailleur ayant de hautes responsabilités est évaluée en fonction du résultat, pas du storytelling qu’il fera de sa fonction.

Le monde politique devrait s’en inspirer dans sa manière de communiquer s’il ne veut pas perdre totalement la confiance de ses électeurs.

Nicolas Dieudonné, Expert en nouveaux médias – Consultant et Professeur en Communication digitale – Haute-école Condorcet

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