Quand les aides fédérales enrichissent des ménages
Les soutiens sous forme de chèques ou de TVA réduite ne sont pas assez ciblés. Seul le tarif social serait adéquat. Mais l’analyse mérite d’être nuancée.
C’est un fameux pavé dans la mare que vient de lancer une étude menée par l’université de Gand en collaboration avec la Banque nationale de Belgique: certains ménages profitent d’un effet d’aubaine financier avec les aides fédérales décidées dans le cadre de la crise énergétique. Autrement dit, ces soutiens ne soulagent pas leur budget mais gonflent au contraire leur compte d’épargne.
Aider les propriétaires de panneaux solaires, c’est absurde.
Philippe Defeyt
“La réduction de la TVA et les primes d’énergie ne sont pas nécessaires pour une famille de la classe moyenne, et encore moins pour les revenus élevés”, souligne Gert Peersman, chercheur à l’UGent. Selon cette étude, les familles aisées auraient fait atterrir les trois quarts des montants alloués sur les comptes d’épargne. Mais c’est le cas aussi pour une partie des familles moins à l’aise financièrement. Le constat des auteurs est implacable: ces aides ne sont pas assez ciblées.
“Là où l’on a complètement raté le coche, ajoute l’économiste Philippe Defeyt, c’est quand on donne cette prime à des gens qui ont des revenus élevés, des panneaux solaires, une voiture salaire couplée à une carte essence. Là, c’est indécent!” Dans certains cas, l’aide mensuelle reçue s’avère… supérieure à la mensualité qui doit être payée.
“Un compromis politique”
Au sein du gouvernement fédéral, on insiste sur le choix politique posé: donner un coup de pouce à la classe moyenne qui n’avait pas encore été soutenue face au choc actuel. C’était notamment une demande du MR et le PS concède qu’il s’agit d’un “compromis politique”. En outre, les données ne sont pas disponibles pour cibler plus précisément. “Aider les propriétaires de panneaux photovoltaïques, c’est absurde, reconnaît Philippe Defeyt. Mais pour pouvoir le faire, il faut coupler les banques de données et c’est apparemment difficile avec la législation sur la protection de la vie privée.”
La seule aide qui fait l’unanimité, c’est le tarif social qui permet à un cinquième de la population environ de disposer d’un prix limité de l’énergie. Une majorité des personnes concernées, soulignent les auteurs de l’étude, peuvent bel et bien continuer à en consommer, ce qui n’aurait pas été le cas sans cet appui. “Avant la crise actuelle, il aurait suffi au gouvernement de prolonger le tarif social pour les familles très vulnérables, estime d’ailleurs Gert Peersman. Idéalement, le taux social serait un peu plus progressif pour éviter que ceux qui se situent juste au-dessus du seuil de revenu ne soient laissés pour compte. De cette façon, le coût pour le budget aurait également été limité. “Car le coût total des aides pour les ménages s’élève à 1 milliard d’euros. En période de disette pour le budget fédéral, ce n’est pas rien.
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Le tarif social, une aide plus ciblée, vraiment? Le CPAS de Liège, lui, a décidé d’élargir son octroi pour permettre à un habitant sur deux d’y avoir accès! Le tout avec le soutien d’une Région wallonne encore plus endettée. L’analyse mérite décidément toutes les nuances. D’autant qu’au même moment, une autre étude de la Banque nationale souligne que le taux d’épargne des ménages marque un net repli. C’est la crise, pour tous…
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