Quand le secteur pharma cède aux sirènes américaines

Illustration. © Getty Images
Baptiste Lambert

Après Novartis, le géant pharmaceutique suisse Roche va investir massivement aux États-Unis. En arrière-plan, il y a les menaces de Donald Trump de taxer les produits pharmaceutiques, jusque-là exemptés des droits de douane réciproques.

Novartis avait mis 23 milliards sur la table. Roche veut injecter 50 milliards de dollars en 5 ans aux États-Unis. À la clé, la création de quelque 12.000 emplois, dont la moitié pour le seul secteur de la construction. Parce que le géant pharmaceutique suisse entend renforcer ses capacités de production aux États-Unis, en agrandissant ou en modernisant ses six sites aux États-Unis.

« Nos investissements de 50 milliards de dollars sur les cinq prochaines années poseront les bases de notre prochaine ère d’innovation et de croissance, au bénéfice des patients américains et du monde entier », a affirmé le directeur général de Roche, Thomas Schinecker, par communiqué.

Droits de douane

Dans les faits, il s’agit surtout d’éviter les foudres du président américain, en produisant sur place pour se protéger un maximum des droits de douane. Pour le moment, les produits pharmaceutiques sont exemptés, mais ce ne serait qu’une question de temps avant qu’ils ne le soient plus. La semaine dernière, Donald Trump a réaffirmé son intention d’”annoncer très prochainement des droits de douane majeurs sur les produits pharmaceutiques”. Comme un signe, cette menace a fait plonger les actions des grands groupes pharmaceutiques.

La Suisse, en particulier, n’a pas été épargnée par le républicain. Avant sa pause de 90 jours, les exportations helvètes étaient frappées de 36% de droits de douane, contre 20% pour les exportations de l’UE.

Pourtant, la Suisse avait décidé de ne pas riposter, au contraire de l’UE. Ursula von der Leyen a brandi une première réponse aux droits de douane sur l’acier et l’aluminium, et a gardé dans sa manche son bazooka et son arme nucléaire : l’outil “anti-coercition” qui empêche les entreprises étrangères à accéder aux marchés publics et une taxation sur les géants du numérique.

La Suisse semble vouloir montrer qu’elle reste un pays profondément libéral, chantre de la neutralité et du libre-échange.

Les investissements s’enchainent

Les promesses d’investissement des deux géants suisses – Novartis et Roche – peuvent aussi être lues comme une réponse aux investissements des acteurs locaux. Ces dernières semaines, Eli Lilly (27 milliards de dollars pour quatre usines), Merck (8 milliards d’ici 2028) ou encore Johnson & Johnson (55 milliards sur quatre ans) ont tous annoncé de grands plans d’investissement.

Globalement, c’est peut-être la seule grande réussite économique de Donald Trump : les annonces d’investissements monstres se sont enchaînées ces derniers mois. Songeons aux 20 milliards du transporteur maritime CMA-CGM, aux 5 milliards de Stellantis, aux 900 millions de dollars de Airbus, aux 850 millions de dollars d’Air Liquide, ou encore aux 285 millions de Siemens, rien qu’au niveau européen.

La Belgique dans l’épicentre

Pour la Belgique, pas de grandes annonces pour le moment, mais une certitude : des droits de douane sur les produits pharmaceutiques seraient une petite catastrophe. En 2024, les exportations biopharmaceutiques totales s’élevaient à 79 milliards d’euros. Les États-Unis sont de loin le premier client de la Belgique, avec près de 24% des stocks écoulés. Cela représente environ la moitié de nos exportations vers les États-Unis et un quart de toutes nos exportations.

Il y a également un risque pour l’emploi. Parce que le secteur pharma belge est composé de nombreuses filiales américaines avec Johnson & Johnson, Pfizer, Baxter, Merck ou encore Zoetis. Ces dernières pourraient décider de rapatrier leur production et leurs investissements au bercail.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content