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Quand la mondialisation devient plus rugueuse

Les pâles lampions de la Cop 26 ne sont pas encore tout à fait éteints et voici son excellence Zhang Ming, l’ambassadeur de Chine auprès de l’Union européenne, qui se lâche dans le ItaliqueFinancial Times/Italique. Attention, dit-il, les nouvelles réglementations européennes visant les entreprises étrangères sont “discriminatoires”. Elles risquent de “créer de nouvelles tensions dans la chaîne industrielle mondiale”.

L’Union européenne a en effet émis récemment une série de réglementations qui filtrent les investissements étrangers, contrôlent les exportations technologiques, répondent aux tentatives d’autres pays de forcer le bras des Etats membres ou instaurent un nouveau mécanisme de taxe carbone aux frontières, fixant un prix du carbone à une série de produits importés. Un paquet de règles vise aussi à lutter contre les effets de distorsion sur le marché européen induits par des subventions étrangères. Et l’Europe installe une procédure de due diligence qui doit permettre de mettre à nu, dans les chaînes d’approvisionnement, les coups de canif portés à l’environnement et au droit du travail. Tout cela laisse évidemment présager un commerce international un peu plus difficile.

Bon, on passera sur le fait assez cocasse que Pékin parle de menaces sur les chaînes d’approvisionnement à un moment où le prix du gaz s’est envolé en raison de la mauvaise gestion du système électrique chinois. On renvoie à l’entretien de Patrick Pouyanné, le patron de TotalEnergies, dans ce magazine pour plus d’explications. On rappellera néanmoins que ce mismanagement a mis à l’arrêt forcé de nombreuses usines chinoises et provoqué des perturbations mondiales.

Mais l’ambassadeur Zhang Ming a raison : le commerce mondial change et risque de ne plus être un long flux d’échanges aussi tranquille que par le passé. D’abord parce que les règles climatiques se font plus contraignantes. Ensuite parce que les grandes zones économiques de la planète mettent chacune en place des systèmes destinés à conserver (ou retrouver) une certaine souveraineté économique. Cela ne va certainement pas fluidifier les échanges.

Ces nouvelles réglementations vont aggraver les tensions dans l’industrie et faire monter l’inflation, dit la Chine. Sans doute. On peut s’en lamenter mais ce changement est inéluctable. Car la priorité n’est plus à produire à moindre frais grâce à des systèmes industriels délocalisés dans les pays à bas coût. Elle consiste, et c’est cela qui a été acté lors de la Cop 26 de Glasgow, à redessiner les chaînes d’approvisionnement pour décarboner l’économie. Et cela ira sûrement avec des tensions, des problèmes de timing et des hausses de prix.Verdir la seule économie chinoise représente un investissement de 6.500 milliards de dollars!

L’Europe n’est pas la seule à rédiger des règlements qui remodèlent les échanges commerciaux. Voici quelques jours, la Commission européenne a dressé une liste de 66 pays qui mettent des bâtons dans les roues des échanges entre l’Union et les pays avec lesquels elle commerce. Sur les 462 entraves en tout genre aux produits européens, 40 viennent de Chine. Cela en fait le pays qui sème le plus de chausse-trapes sous les semelles de nos entreprises. Mais la Russie et les Etats-Unis ne sont pas en reste.

La mondialisation n’est pas finie mais avec les considérations stratégiques et environnementales de chacun, elle devient plus rugueuse. Et l’on voit mal comment il pourrait en être autrement.

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